Dernier jour. Les héros ne sont pas fatigués, la foule est toujours présente. Heureusement, parce que il y a du lourd ce soir. Alice In Chains, Dead Cross, Liam Gallagher, Seasick Steve, Shaka Ponk. Pas vraiment la journée des découvertes, mais une ribambelle de valeurs sûres, certaines qui vont faire le taff, quant à d'autres...
Alice In Chains
Par Yann Landry
Les survivants du grunge de Seattle se jettent sur la grande scène. Sans le regretté Layne Staley remplacé par William DuVall en 2005, le groupe garde sa rage et sa densité de jeu saturé avec ce chanteur guitariste qui attire bien la lumière. Jerry Cantrell est héroïque à la guitare depuis les débuts et vient jouer devant la foule transie, claquant des mains alors que William s'est saisi d'une guitare acoustique. Cantrell sort des riffs acides en marchant d'un bout à l'autre de l'avant scène. Derrière, Mike Inez à la basse et Sean Kinney à la batterie offrent une assise d'une consistance rare, sobre et haletante pour le public.
Cantrell permet au groupe de naviguer dans le Heavy des 90's avec saveur sans se noyer dans le revival basique, le public semble apprécier cette musique d'une autre époque alors qu'il était en train d'écouter Eddy De Pretto juste avant (une autre dimension pour le coup...). On pourra retenir de cette édition des Eurock', un public enjoué, bon enfant savourant chaque concert à sa juste valeur.
Et ici les harmonies vocales de DuVall et Cantrell font le bonheur de tous, ça headbang bien devant en signe de ravissement. Niveau qualité sonore, cette grande scène de pose là. En revanche, comme sur l'ensemble du festival les infra-basses sont bien trop viriles et font trembler les estomacs fragiles, surtout sur les titres très énervés. Mais devant le public commence à sauter comme d'un seul homme. Ce n'est pas aussi excité que pour Prophets of Rage, mais c'est bien vivant. Après notre déception d'hier à QOTSA, un tel groupe nous fait un énorme plaisir à voir et à écouter. DuVall est aguicheur, joueur, Cantrell plus en retrait capte la foule, nous parle. Les enchaînements sont fluides, des pauses discrètes, et ça repart, différemment, car avec une telle discographie et pourtant cinq albums, Alice In Chains se fait et nous fait plaisir. Une réelle joie d'entendre tous ces morceaux interprétés magnifiquement et avec aisance. Un groupe d'une facilité folle qui nous comble.
Dead Cross
Par Yannick KRockus
Les Eurockéennes cru 2018 font la part belle aux supergroupes. Après Prophets OfRage, c'est désormais au tout de Dead Cross de venir mettre le feu au chapiteau Green Room. Faith No More, Slayer, Retox, le casting s'annonce sévère. Alors que Alice In Chains termine tout juste son set, un larsen géant accueille les quatre Dead Cross. Come on baby, let's go.
Double grosse caisse, tempo maximal, basse et guitare à donf. Le cagoulé Mike Patton en maître de cérémonie. Ça pousse, hardcore sans concession. Une fois les photographes sortis du pit photo, l'homme retirera sa cagoule, et c'est donc cheveux au vent qu'il continuera son entreprise de destruction de masse. Une machine à faire des sons chelous entre les morceaux, histoire de maintenir la tension, puis le tonnerre revient. Le moshpit créé un nuage de fumée sous le chapiteau, pas grave. Les occasions ont été peu nombreuses depuis le début du festival, autant en profiter.
Inutile de préciser que ça joue gros derrière. Tu me diras que les cartes de visite des protagonistes sont un sérieux gage de qualité. Il n'empêche, ça s'emploie dur. Set intense, personne dans le public n'a envie de subir le sort d'un fut de batterie ou d'un médiator, tellement ça cogne partout. Et derrière cette furie, Dead Cross ajoute quelques moments plus calmes, plus mélodieux. De tendresse même, lorsque Mike Patton fera monter un gamin sur scène, pour un échange assez cocasse, le pauvre môme n'entravant visiblement pas un mot d'anglais.
Dead Cross terminera son set sur le riff de "I Want You" des Beatles, puis une cover de Dead Kennedys, "Nazi Punk Fuck Off", avant quelques notes de Faith No More. Belle façon de conclure, non?
Liam Gallagher
Par Yann Landry
La Rock Star 90's arrive avec son indolence aussi ridicule que vulgaire sur scène armé d'un tambourin. Instrument qu'elle balance dans le public dès qu'elle se place sur le devant de la scène. La Rock Star porte des lunettes de soleil opaques, alors que le soleil se couche au dos de la scène, et un parka aussi grise que son attitude. Derrière la Rock Star, les écrans géants multiplient son visage fermé par dizaine. Elle prend alors de petites percussions, offrant à la Rock Star une consistance toute relative. La Rock Star, petite derrière son micro trop haut, commence à chanter, et là, c'est le début de l'angoisse pour nos oreilles. La Rock Star s'évertuera à chanter magistralement faux durant l'intégralité du concert. C'est presque un art, le seul, avec le mépris, que maîtrise la Rock Star.
"Who's the rock n' roll star?" Bah pas toi, Liam. Tu chantes faux.
Et sur la quinzaine de titres que comptera le concert, ce sont tout de même neuf chansons de Oasis que nous entendrons, au grand plaisir des festivaliers quarantenaires, qui attendent "Wonderwall". Ce dernier sera joué en final, la Rock Star étant taquine. Le reste provient, comme l'autocollant sur la batterie l'indique, de l'album de la Rock Star sorti récemment, As You Were. Commencer par du Oasis et finir par du Oasis avec un ventre mou solo, voilà la recette type de la Rock Star. Avec bien sur la projection multiple de son visage de Rock Star sur écran géant. La vieille Rock Star venue faire le minimum syndical peut rentrer chez elle avec sa suffisance de Rock Star.
Seasick Steve
Par Yannick KRockus
Seasick Steve, c'est la preuve que le Blues n'est pas réservé à des Joe Bonamassa et autres prétentieux du manche. Non, bien au contraire, le Blues c'est un état d'esprit, un partage, une communion. Dès son arrivée sous le chapiteau Green Room, l'homme envoie tout ballader. Bien aidé par son batteur fou, et tout en restant assis (même si des fois ça le démange), un furieux boogie-blues bien énervé chavire le public. Les pieds trépignent, ça danse partout, on vit le concert.
Ça slide, ça groove, ça balance, ça ambiance. Quelques extraits du nouvel album prévu en septembre, avec un peu de funk dedans. C'est bon! Seasick Steve c'est le tonton sympa qu'on a tous envie d'avoir. L'homme sait aussi bien boire du rouge au goulot que fabriquer des guitares toute plus étonnantes les unes que les autres, avec un son brut, énorme. Une planche à lessive, et une plaque d'immatriculation du Mississippi. Il doit y avoir autre chose quand même, parce que ça sonne très très gros... Quant à son bassiste, côté bricolo aussi, ses guitres sont négligement disposées dans une bassine à côté de lui. Simple, basique. Le tout dans un décor de récup, vieux fauteuils dont on se demande si ils vont tenir le coup, sangles en cordes...
Saesick Steve sait quand même marcher. Il quittera à plusieurs reprises son siège, soit parce que l'intensité fait qu'il n'en pleut plus, que ça doit être un peu physique. Soit pour aller chercher une gente damoiselle dans le public, pour lui sussurer son "Walkin' Man". Soit, beaucoup plus mystique, pour s'allonger, en cherchant l'énergie d'un saule pleureur... On se contentera de regarder, sans chercher à comprendre, l'instant devait être propice...
Petit message, l'homme n'est pas politisé, mais quand même... Fuck Trump ! Le set est à fleur de peau. Les soli de guitare puent le feeling, la note juste, travaillée, torturée, pour en faire ressortir tout ce qu'on peut en tirer. Les poils des bras sont tendus à l'extrême. Une communion parfaite entre Seasick Steve, ses musiciens, son public. Le final est dantesque, et s'achève par un bain de foule. Tout le monde reste scotché, sans nul doute un des meilleurs concerts du festival.
Shaka Ponk
Par Yannick KRockus
Dernier concert du weekend. La grande scène est pleine, la foule se presse pour assister au show. Les festivaliers sont à bloc, pour écouter Lemmy Winehouse annoncer le dernier occupant, le groupe qui aura la charge de laisser les planches à feu et à sang. Shaka Ponk, c'est parti.
Shaka Ponk, on aime ou on n'aime pas. Groupe à la croisée des chemins, entre Electro et Metal, entre Rock et Punk, entre tout, mais surtout un groupe de scène, une bande de geeks qui défoncent les genres, et qui impose des visuels de ouf, délirants, exhubérants.
Encore ce soir, avec un écran géant qui diffuse des animations dignes des plus grands jeux vidéo. "I'm Picky", le genre de mroceau qui met le feu, réussit bien son ouvrage de destruction massive. Un gros "Fuck" écrit en lettres ultra-capitales sur l'écran géant, puis la voix de Bertrand Cantat s'élève, une bande-son pour démarrer "Palabra Mi amor", un des morceaux les plus énervés du combo.
Frah, en grande forme, profite du morceau pour aller se planter dans la foule, entre la scène et la régie. Et pendant que la machine continue sur sa lancée, il organise le plus grand circle-pit du festival, la moitié du public tourne autour de lui. Ce n'est pas un concert de Metal ni de Punk, et pourtant, ça marche!
Plus calme (au début du moins), Samaha démarre "Smell like Teen Spirit", accompagnée simplement au piano, avant que le morceau ne dégénère sur des horizons plus Indus. L'occasion de noter que le son est très correct, et que même la voix de Frah, pourtant pas la plus claquante du monde, s'en sort plutôt pas mal.
La suite du concert, et la fin du festival par la même occasion, verront les Shaka Ponk se lancer chacun leur tour dans des battles de dextérité et d'hommages aux grands noms du Rock. On verra ainsi Kurt Cobain, Bowie, Prince, avant de finir avec Lemmy... Les animations sont à couper le souffle, les battles envoient du petit bois, ça joue sévère, aussi bien sur l'écran géant que sur la scène... Un vrai final en feu d'artifice.
Les Shaka Ponk auront mis le feu aux Eurocks jusqu'au bout. L'édition 2018 vient de s'achever, il est enfin temps d'aller se reposer.
Toutes les photos de cette journée dans cet album complet
Crédits photos : Yann Landry