Dimanche 8 juillet, troisième et dernière journée du Main Square jalonnée par une série de groupes de rock, de pop, mais aussi et surtout de rap/hip-hop comptant des têtes d'affiches comme IAM ou Orelsan visiblement très attendues en cette fin de week-end festif. Naturellement, cette journée commence plus tôt que les précédentes, mais cela n'empêche en rien une présence notable des festivaliers. Mais commençons par le commencement, à savoir les groupes ouvrant la journée.
Youngr
Ouvrir la Main Stage n'est jamais chose facile, encore plus lorsque l'on est seul sur scène, mais il faut avouer que Yougr s'en est extrêmement bien tiré en proposant un show à la limite entre soirée electro et concert pop. Difficile également de rassembler les foules, et encore plus de créer l'électricité qui assurera le démarrage de la journée. Encore une fois, c'est chose réussie ! Grâce à un dynamisme affermi par des déplacements constants entre les postes de jeu et à un style enclin à un épanouissement du public, le one man band est très bien reçu et lancera avec perfection ce dernier jour.
Qui dit one man band, dit forcément frontman multi-instrumentiste, et ici c'est un musicien plutôt virtuose qui se présente sur scène, parfait au chant et excellent aux percussions. Et s'il semble à première vue caché derrière son ensemble de percussions, son interaction avec le public en devient presque intime. Il faut dire que jouer une reprise de “Feel Good Inc.“ ou remixer sur place “One More Time“ sur place permet de se mettre l'auditoire dans la poche plutôt rapidement. Et cela nous amène au point fort de ce concert, la convergence des styles assurée par Youngr et sa capacité à s'approprier la manière de jour de chacun d'eux.
Lorsque sa musique tire sur l'électro, Dario Darnell de son vrai nom, apparente son set à une soirée où le seul maître est posté derrière les platines, mais quelques secondes plus tard, lorsque l'on tend vers un style plus pop, il se place derrière son micro, une guitare à la main pour chanter des refrains accrocheurs. Non seulement la dualité qui régit ce set est originale, mais elle reste parfaitement cohérente et extrêmement bien exécutée ! Youngr nous aura donc donné un concert aussi dynamique qu'original, parfait pour ouvrir cette Main Stage.
Une fois ce concert terminé, nous traversons la citadelle pour nous rendre devant la Greenroom où sont censés se produire The Hunna.
The Hunna
Environ à la même heure que Black Foxxes la vieille, c'est The Hunna qui montent sur la Greenroom pour venir cracher son rock anglais. Mais The Hunna, contrairement à Black Foxxes, auront du mal à drainer un public consistant. Il faut dire que la musique qu'ils proposent est un poil cliché et déjà vue. Si leur look tend vers le grunge, leur musique, elle, s'arbore d'un ton emo un peu dépassé qui aura du mal à trouver un écho dans le public.
Tout n'est cependant pas à jeter chez The Hunna. Leur énergie sur scène reste mémorable, les mouvements du chanteur, eux, sont assez spectaculaires, et la symbiose des musiciens est vraiment tangible. Certains de leurs riffs sont d'ailleurs assez originaux et les refrains accrocheurs qui se font une place sur la plupart des morceaux finissent par rentrer en tête et donner envie de bouger.
Quelques titres viendront également titiller l'envie de certains de pogoter vers l'avant du public. Mais ça s'arrête là. Rien de plus qu'un petit lot de riffs énervés pour passer un bon moment, certes, mais loin d'être mémorable. Avant la fin du concert, on préfère migrer vers la Main Stage où ne tardent pas à se produire Nothing But Thieves.
Nothing But Thieves
On vous a déjà dit que les Anglais étaient les meilleurs quand il s'agissait du rock ? Alors on va le redire parce qu'en ce dimanche après-midi, Nothing But Thieves ont clairement montré que le Royaume-Uni se faisait actuellement patron du rock. Comme beaucoup avant eux, Nothing But Thieves ont connu un succès fulgurant et celui-ci n'est pas des moins justifiés. Si des groupes comme Royal Blood misent sur le groove et l'efficace, les gars de Southend-on-Sea prefèrent jouer la carte de la sensibilité afin d'offrir un ensemble de compositions absolument sublime.
Nothing But Thieves sont excellents dans tout ce qu'ils font, du rock bien sale très influencé garage à la balade romantique que votre petite sœur écouterait en sanglotant sur son lit. Et bien sûr, le groupe a couvert tout ce spectre durant ce concert aux allures de montagnes russes émotionnelles en voguant entre les crans d'intensité avec une grande justesse.
Chaque morceau s'arbore d'une sensibilité incroyable exprimée par les musiciens et d'un chant à la fois très nuancé et accrocheur. Conor Mason excelle où beaucoup de chanteurs échouent. Ses aiguës, et notamment sa voix de tête, laissent transparaitre aussi bien douceur que puissance alors que ses médiums percutant accompagnent parfaitement les riffs les plus lourds de la formation tels que ceux de “Number 13“ ou d'“Amsterdam“.
Et comme pour quintessencier l'un des meilleurs concerts du festival, les Anglais décident de jouer une reprise de “Kashmir“ de Led Zep. Et oui, ils l'ont maîtrisée et ont su se l'approprier à merveille, même si on aurait aimé que la voix de Conor Mason soit un poil plus grainée sur celle-ci. Cette reprise a fortifié les bases solides qui portaient déjà ce concert et a ouvert la voie aux deux derniers tubes de la setlist, à savoir “Particles“ et “Amsterdam“.
Ce dernier morceau teinte le Main Square d'un brin de folie ainsi que d'un lâcher prise total dont le coup d'envoi est donné par un magnifique cri lancé par Conor Mason. La montée en puissance du morceau gradue l'excitation alors palpable dans le public et le lancer de guitare vient porter le coup de grâce aux chanceux ayant pu assister au concert de la formation anglaise.
Vous l'aurez compris, sensibilité et crescendo auront été les mots d'ordre du concert de Nothing But Thieves, un concert qui n'annonce que du bon pour la suite de leurs passages en France.
IAM
En quelques minutes, la cour de la citadelle est à nouveau pleine, visiblement, nombreux sont ceux à vouloir venir danser le Mia. Sans surprise, IAM ont donné un excellent concert, les gars de Marseille n'ont clairement pas perdu de leur superbe ni le plaisir ostentatoire qu'ils ont à fouler une scène. En choeur avec le public, IAM ont repris leurs plus gros tubes tels que “L'empire du côté obscur“ ou évidemment “L'école du micro d'argent“. Mais le morceau le pus marquant restera “Demain c'est loin“ où le collectif aura conté son histoire assis sur scène comme sur le banc d'un cité en contemplant la marée humaine se dressant devant lui.
Pendant une petite heure, IAM imposent leur dynamisme dans le Main Square grâce à des sing-a-long et mobilisent physiquement le public chez qui les rythme hip-hop old school sonnent déjà comme une évidence. En ce début de soirée, on aura vu un beau paquet de trentenaires retomber en enfance et des ainés s'éclater en dansant le mia. IAM ont donc su satisfaire la nostalgie de certains et raviver un bon nombre de souvenirs chez la plupart. On n'aurait pu rêver mieux pour entammer la soirée !
Jamiroquai
Curieuse a été la programmation de Jamiroquai entre IAM et Justice mais elle a tout de même su drainer du monde. Le roi de l'acid jazz s'est en effet produit devant une place pleine et nombreux ont été les festivaliers à venir danser sur la musique funky imaginée par Jay Kay. Comme à son habitude, ce dernier est monté sur scène coiffé d'un casque futuriste lumineux l'accompagnant dans ses mouvements.
Mais si l'on était habitué à voir un Jamiroquai très dynamique sur scène, une certaine fatigue s'est faite ressentir lors de son concert au Main Square. Les pas de danse iconiques du chanteur n'étaient pas vraiment de la partie bien que celui-ci se soit efforcé de parcourir la scène tout le long du set. Avec son armée du musiciens, Jamiroquai a tout de même su donner une prestation musicale à la hauteur des attentes de son public. Difficile de décevoir les fans côté setlist, avec un temps de jeu d'une heure, seuls les tubes ont été joués et des titres comme “Space Cowboy“ ont connu un accueil chaleureux.
Ceci-dit, une partie des festivaliers, notamment présents à l'arrière, s'est rapidement lassée de la musique de Jamiroquai. La répétitivité de la musique a effectivement pu ennuyer bon nombre de personnes venues par curiosité, faute d'une setlist qui, bien que ravissant les fans, manquait clairement de diversité rythmique. Le manque de dynamisme physique s'est donc rapidement transformé en un manque de dynamisme musical, et ce malgré la technicité des morceaux joués.
Comprenez-nous bien, rien n'est à reprocher aux musiciens qui entourent Jay Kay, ni à lui-même d'ailleurs. Tous font preuve de virtuosité, d'une justesse hors-norme ainsi que d'un plaisir de jouer intense. La voix du chanteur est toujours aussi bien placée et est accompagnée à merveille par trois talentueuses choriste. Mais le choix des morceaux joués laisse à désirer d'un point de vue rythmique et n'a pas vraiment laissé leur chance aux néophytes.
Hormis ce choix hasardeux et la fatigue de Jay Kay, le show s'est avéré rodé et travaillé au détail prêt. Le bilan de ce concert est donc à demi-teinte et malheureusement, il ne sera pas servi par le running order. Après Jamiroquai se sont produit Justice et Orelsan et les deux pointures françaises ont fait un sans faute, condamnant ainsi ce concert de début de soirée à sombrer dans l'oubli de nombreux festivaliers.
Justice
Il fait quasiment nuit lorsque le duo français monte sur la Greenroom, le soleil étant déjà couché et seules quelques lueurs de jour étant encore visible au loin, on a pu profiter un maximum de l'incroyable lightshow de Justice. L'atmosphère était donc parfaite pour accueillir les français qui, sans surprise, ont transcendé le Main Square.
“Safe and Sound“ lance les hostilités, son son plutôt funky trouve déjà un écho dans le public qui ne cache clairement pas sa joie à l'arrivée de Justice sur scène. Dès lors, on assiste à la magnificence qu'est le lightshow du duo, un lightshow qui, en plus de traduire parfaitement l'ambiance des morceaux, se charge de donner un rythme visuel au public se faisant alors dansant.
Puis comme pour coucher instantanément le Main Square, Justice lancent “D.A.N.C.E“. Quoi de mieux pour chauffer son public que de lui offrir son plus gros tube dès l'ouverture ? Eh bien le rejouer à la fin du set. Mais entre temps, le duo n'a pas manqué d'offrir une setlist cuisinée aux petits oignons et parfaitement calibrée.
Lorsque les premières notes de “Genesis“ et son air diabolique retentissent, une couleur rouge sang vient peindre la scène. Le set fuse alors vers une scénographie ainsi qu'une musicalité presque baroques. Là, les lumières pendues au-dessus de la tête des musiciens se désaxent afin de créer un chaos ambiant qu'on ne tardera pas à retrouver dans le public.
Bien sûr, chaque morceau se voit retravaillé et gagne clairement en intensité par rapport à sa version studio, et certains morceaux se font carrément peau neuve. Drop après drop, Justice ravagent la Greenroom et rares deviennent les personnes à ne pas bouger face à ce qu'il se passe sur scène. Et pour finir en beauté, les Français ont concocté un magnifique mash-up de “D.A.N.C.E“, de “Fire“ et de “Safe and Sound“ qui marquera l'apogée du concert.
Rares sont les shows aussi calibrés et rares sont les shows à atteindre un tel niveau d'excellence. Chapeau-bas à Justice.
Orelsan
À peine le concert de Justice terminé, c'est Orelsan qui monte sur scène pour venir clôturer cette édition 2018 du Main Square Festival. Comme à son habitude depuis la sortie de La Fête Est Finie, le rappeur français ouvre son concert sur "San", de quoi chauffer les fans présents et entamer le set sur un beau crescendo. Il est placé debout sur une estrade avec seulement un faisceau de lumière venant de l'arrière pour l'éclairer. Le Main Square est alors plongé dans la pénombre et peut pofiter du spectacle, ébahi.
Dans la veine de Justice, Orelsan lance son plus gros tube, du moins en ce qui concerne sa dernière sortie, dès le deuxième morceau. “Basique“ vient donc à raisonner dans la citadelle après une petite provocation : « Arras, je crois que vous avez pas les bases ! », mais évidemment, le public du Main Square avait les bases, à tel point qu'on a senti le sol trembler sous les pas lourds des festivaliers instigués par le rythme presque militaire du morceau.
Jouer ce titre juste après l'ouverture a été le premier d'une petite série de coups de maitre imaginés par Orelsan. Deux mots ont suffi à provoquer une excitation insoutenable chez beaucoup de festivaliers : « simple, basique ».
Dès cet instant, Orelsan s'est mis le Main Square dans la poche et a pu dévoiler une setlist régie par son dernier album et agrémentée de quelque titres du Chant des Sirènes, à savoir “La Terre est ronde“, “Le chant des sirènes“ et “Realsan“. Tournée de promo oblige, c'est La Fête Est Finie qui a été mis en avant et joué en entier au détriment de certains titres comme “Suicide Social“.
Mais le show n'en reste pas moins intéressant. Au-delà de l'aspect musical, l'aspect visuel se fait très plaisant. Le lightshow est calibré et met en avant Orelsan et sa troupe de musiciens qui, au passage, font preuve de virtuosité et de sensibilité tout le concert durant.
Tout sur scène est millimétré mais on sent toute de même une certaine prise de liberté du rappeur qui construit rapidement une relation presque intimiste avec son public. Il laisse d'ailleurs ce dernier chanter quelques refrains et ne se retient pas de remercier les quelques 40 000 personnes présentes pour ce concert de clôture.
Les hits s'enchaînent, le temps passe vite, trop vite et déjà, on se retrouve à chanter à nouveau les paroles de “Basique“ qui, comme au début du set, sont projetées sur l'écran de fond dans une police gigantesque. Et encore une fois, le titre dévoile une efficacité incroyable et permet aux festivaliers du Main Square de se lâcher une dernière fois avant de quitter l'enceinte de la citadelle.
Cette édition 2018 du Main Square aura été riche en surprises ainsi qu'en style musicaux. Chacun aura pu se retrouver dans cette affiche très éclectique et fournie en pointures. La diversité du public aura donné à cette édition une ambiance unique, régie le premier jour par les différents matchs de la coupe du monde et les deux derniers jours par l'excitation procurée lors des différents concert, qu'ils relèvent de la tête d'affiche ou non.
On aura vu des fans de Gojira danser sur du Boris Brejcha, des fans de Depeche Mode chanter les paroles de “Basique“ et bien sûr, l'ensemble des festivaliers se rassembler autour de la Main Stage pour chanter les paroles de “Wonderwall“. La question est maintenant de savoir quelles surprises nous réservera l'organisation en ce qui concerne la programmation de l'édition 2019.
Photos des concerts : © Nidhal Marzouk 2018
Photos d'ambiance : © Valentin Laurent 2018
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