Fait-on réellement les meilleures soupes dans les vieux pots ? En musique, l'argument est loin d'être pertinent - il est normal que les briscards connaissent des pertes de régimes -, mais quitte à rechercher un son spécifique, autant aller chercher vers ceux qui en sont les instigateurs, et qui sont encore actifs, que vers les ersatz modernes destinés à les imiter sans grande saveur. Au jeu du rock 70's gorgé d'orgue Hammond et de sonorités progressives, Uriah Heep sont toujours les rois.
Avec une production pourtant moderne, composée de gros sons de guitares et d'une lourdeur prononcée sur les caissons de batterie, Uriah Heep reste tourné vers le passé en ce qui concerne les horizons de ses compositions. La recette fonctionne plutôt bien, les albums depuis le retour fracassant de Wake The Sleeper sont efficaces, et si ce n'est pas demain que Uriah Heep sortira une nouvelle pierre angulaire, le groupe continue à écumer les routes avec des sorties honnêtes et des dates tout aussi légitimes.
Il n'est cela dit pas difficile de trouver des titres qui vont immédiatement nous accrocher l'oreille dans ce Living The Dream. Que ce soit "Grazed By Heaven", titre d"ouverture que nous avions découvert il y a quelques temps (et quel riff, bordel !), des "Goodbye To Innocence" qui nous rappellent nos années rock'n'roll, l'album est un concentré d'efficacité, qui sans atteindre une originalité sans conteste arrive à vite s'octroyer une identité. On retient surtout le duo Mick Box / Phil Lanzon, dont les interventions à la guitare ou au clavier sont toujours idylliques. Les musiciens sont en totale maîtrise, leurs soli fonctionnent à merveille et entraînent les mélodies vers leur climax.
Bernie Shaw, désormais soixantenaire, n'a rien perdu de sa superbe et garde une voix puissante, s'harmonisant parfaitement avec celle de ses comparses. Et puisque le travail d'Uriah Heep, au-delà du côté démonstratif des solos, est aussi centré sur les harmonies des choeurs, autant dire que sur ce point, on est une fois encore servi. Mis à part pour quelques titres tentant de s'aventurer sur des schémas plus longs, quelquefois de manière trop maladroite ("Rocks In The Road"), le groupe reste sur une structure classique, qui fait son effet sans obstacle.
À ce titre-là, d'ailleurs, on pourrait trouver qu'Uriah Heep tourne pas mal en rond. Le groupe maintient le même format d'album que l'on retrouvait déjà sur Into The Wild et Outsider, ne cherche pas à en faire plus, et il ne serait pas étonnant qu'à l'instar de l'album précédent, uniquement le titre promotionnel soit présenté au public. Dommage, tant l'album regorge d'idées mélodiques et de pépites que l'ont rêve déjà d'entendre sur scène. Uriah Heep prouve en tout cas qu'il en a encore dans le caisson, et que ses musiciens survivent au poids des années. On espère que ça durera encore un moment, et que les prochains essais, s'il y en a, seront de la qualité de ce Living The Dream, sans temps mort ni baisse de régime.
Sortie le 14 septembre chez Frontiers Music