En juin dernier, notre gros reporter spécial Zebra a rencontré The Coral à Paris, quelques semaines avant la sortie de leur nouvel album Move through the dawn. Ou du moins James Skelly (chant, guitare) et Nick Power (claviers), deux des membres fondateurs d'un des groupes les plus respectés de la scène rock anglaise des années 2000. Ils avaient émergé grâce à un style mêlant folk harmonique et rock teigneux, s'étaient séparés après 5 albums puis étaient revenus 4 ans après transformés en apôtres d'un psychédélisme 60's. Cette année, ils reviennent avec un album complètement différent, plus pop, simple et lumineux.
Zebra : La dernière fois que je vous ai vu en concert à Paris, c’était au Trianon, pour la tournée de l’album Distance in between
James : Oui, c’était un concert assez spécial, un peu effrayant car c’était quelques semaines après les attaques terroristes. C’était peut être le moment le plus sûr pour jouer à Paris, mais dans nos têtes, on y pensait quand même.
Zebra : J’ai écouté votre nouvel album, et je l’ai senti très joyeux, il y a des chansons qui parlent d’amour, de joie, de voyage...
James : Dans les mélodies, évidemment. On a composé avec beaucoup d’accord majeurs plutôt que mineurs, et ça éclaire l’ensemble de l’album, il est plus lumineux que le précédent, qui était psychédélique, et vraiment accentué sur la rythmique batterie-basse. Nos nouvelles chansons sont plus simples, c’est du songwriting classique.
Zebra : J’ai lu que vous n’aviez pas prévu de le faire comme ça à la base.
James : Oui, on était encore dans l’ambiance de notre précédente tournée quand nous avons enregistré un album entier, avant de tout changer pour aller vers celui là. En six mois, on a tout refait, car on voulait un album plus pop, et on a capturé cette énergie dans l’enregistrement de ces nouvelles chansons.
Zebra : Vous avez tout jeté ?
James : Une grande partie, oui. En fait, l’a mis de côté, on y retournera plus tard car ce sont de bonnes chansons. Dans un sens, on a pris un risque car Distance in between avait été très bien reçu, et nos concerts étaient appréciés, mais on ne voulait plus de ça. Nous savions que nous pouvions faire mieux. Nous ne nous sommes jamais répétés, à chaque nouvel album.
Zebra : Avant Distance in between, vous avez tous sorti des albums solo, vous aviez besoin de vous exprimer personnellement pour explorer de nouveaux territoires. Est-ce que ça vous a permis de revenir plus forts à l’intérieur de The Coral ?
James : Absolument.
Nick : Ce n’était pas facile d’y retourner, après avoir pris chacun sa liberté. Nous avons formé le groupe quand nous avions 14 ans, et nous avons constamment besoin de savoir pourquoi nous voulons continuer. Chacun a sa personnalité, c’est très éclectique, et le groupe est là pour nous réunir.
Zebra : James, ce que tu fais maintenant en tant que producteur à Parr Street Studios pour des groupes comme Blossoms et Cabbage, est-ce que ça te donne des idées et de l’inspiration pour la musique de The Coral ?
James : Bien sûr. Ce n’est pas pour cette raison que je les produis, j’aime ces groupes, et je suis payé pour le faire. Mais ça me permet de mieux produire The Coral ensuite.
Zebra : Ces groupes sont tous très différents de The Coral.
James : Oui, et c’est pour ça qu’en tant que producteur, je les aide à valoriser leurs chansons, certaines sont pop, d’autres punk, je leur propose des directions dans les couplets, les refrains, on essaie plusieurs mixs, c’est un travail différent. A la base, je leur demande juste des chansons. Je n’essaie pas de faire mon Danger Mouse en apportant ma touche personnelle, je les laisse faire.
Zebra : Revenons à The Coral. Comment établissez-vous vos set-lists maintenant que vous avez tant de chansons. Quelles chansons doivent absolument être jouées ?
Nick : Si nous jouons en festivals, il y a tous nos singles car c’est ce que les gens veulent entendre. Il faut être court et efficace. Nous devons jouer "Pass it on" et "Dreaming of you", c’est sûr. "Chasing the tail of a dream" marche très bien aussi. Mais les chansons un peu plus psychédéliques que nous pouvons étirer en jammant un peu, on les garde pour nos concerts en salles. Une chanson comme "Goodbye", par exemple, plait beaucoup à nos fans. On l’a jouée pendant 15 ans. Donc on fait une balance entre ce que les fans veulent et ce qu’on aime jouer.
James : Il y a une grande différence entre le précédent album et le nouveau, donc maintenant nous jouons une sorte de Best Of The Coral, du moins les chansons les plus évidentes, avec les meilleures des 2 derniers albums. Nous avons rapidement intégré "After the fair", "Outside my window" et "Love or solution" dans nos concerts précédent la sortie de "Movin through the dawn" pour voir comment elles rockent. Ce ne sont pas forcément les meilleures chansons dans l’album, mais elles le sont en concert, et nous les avons adapté pour qu’elles le soient.
Nick : Un concert en festival dure une heure. C’est plutôt un « fastival » (rires).
Nick Power & James Skelly (photo Antoine Minne)
Zebra : Cet été, vous retrouvez Noel Gallagher dans un festival. Vous avez un rapport particulier avec lui, il a dit le plus grand bien de vous dès le début, puis vous aviez enregistré votre album « Roots & Echoes » dans son studio en 2007, vous avez souvent joué en première partie de Oasis…
James : Oasis a été une grande influence pour nous, comme pour tous les groupes du nord de l’Angleterre qui sont arrivés après eux. Tu entends leurs chansons et tu as envie de monter un groupe ensuite. Ils sont toujours une référence, dans le songwriting, l’attitude, c’est le groupe le plus important de ma vie. Et c’est toujours spécial quand nous retrouvons Noel dans les festivals.
Zebra : "Moving through the dawn" veut dire "Se déplacer à travers l’aube". C’est en quelque sorte un album spirituel qui vous permet de vous élever ?
James : Nous traversons l’aube, comme dans un rêve, une dimension abstraite, non physique. C’est un voyage. Le visuel de l’album, avec ce lion et ces couleurs flashy, est une de ces dimensions, elle n’a pas de sens précis. C’est comme une brume psychédélique remplie de chansons, qu’on traverse et qu’on oublie au réveil, si tu vois ce que je veux dire.
Zebra : Ce que j’aime dans votre parcours, c’est que vous avez souvent essayé d’explorer des genres différents tout en restant basés sur un jeu identifiable. "Music at night", par exemple, la dernière chanson de "Roots & Echoes", m’avait totalement bluffé, elle était presque jazzy-crooner, dans un sens. Est-ce que vous vous lancez des défis, parfois ?
James : Oui, et c’est pour ça que notre nouvel album est surprenant. Après la sortie de Distance in between, la dernière chose à laquelle je m’attendais était d’aller dans cette direction. Nous pensions tous faire un album de riffs très lourds avec des accords mineurs, et c’est tout le contraire maintenant. C’est notre façon d’être différents. Nous n’allons pas nous mettre à l’electro, ou jouer avec un orchestre de violons, quoique ce serait peut être super, on aurait pu le faire pour des chansons comme "Jacqueline" ou "In the morning", mais pas sur un album entier, on ne ressemble pas à ça. Il faut rester nous mêmes.
Zebra : Ce nouvel album est une belle collection de pop songs. Vous vouliez que les gens se rappellent à quel point vous savez en écrire ?
James : Nous ne nous prenons pas autant au sérieux. Et je ne pense pas que les Beatles, les Beach Boys ou Captain Beefheart se prenaient au sérieux quand ils écrivaient leurs chansons. Leur objectif était d’être meilleurs, plus profonds. Nous évoluons comme ça aussi.