John Carpenter à  La Salle Pleyel le 11 octobre

Nous étions passés à côté de la légende des réalisateurs sous-cotés, John Carpenter, il y a deux ans au Grand Rex, et nous nous étions gâché le plaisir de le voir jouer en live ses meilleures compositions derrière son clavier. C'est désormais réparé, avec le passage du Master Of Horror à Paris en ce mois d'octobre, à trois semaines de la sortie de Halloween : 40 ans après au cinéma, parfait pour se remettre dans un bain d'épouvante... Retour sur le concert en ce jour d'Halloween... Tremblez, jeunes gens...

Grosse ambiance angoissante en première partie par les dj du Turc Mécanique pendant que le public se place peu à peu. On est une heure avant le rare show du Maître de l'horreur. La fosse est déjà bien pleine et les rangées se remplissent de fans aux t-shirts de divers films de John Carpenter.
La musique sombre, acide et lourde des DJ saisit ce magnifique écrin de la Salle Pleyel. Une telle première partie à 19h30 est étrange mais pour une mise en ambiance, c'est assez idéal, électronique sombre et techno décadent.


JOHN CARPENTER, ANTHOLOGY

Le Maître de l'horreur, presque 71 ans au compteur a débarqué à Paris quelques jours avant la sortie de Halloween : 40 ans après pour faire frémir ses nombreux fans français. Avec la même désinvolture qui aura marqué sa carrière affectée par l'amour/désintérêt des gros studios hollywoodiens, John Carpenter n'a plus rien à prouver, il n'a d'ailleurs plus rien réalisé depuis The Ward en 2010. Ce dernier film est très médiocre, mais Carpenter ne fut pour une fois que réalisateur, lui, ayant l'habitude de mettre en scène, monter, scénariser, diriger les acteurs, produire, composer et même parfois, jouer... 

Pour représenter son immense carrière underground, il faut du marquant et avec la manière. À l'occasion de la sortie de son Anthologie, Master Carpenter a revu ses meilleurs thèmes, les a réarrangés, réorchestrés, pour leur donner vie sur scène. Et c'est avec quatre autres musiciens qu'il monte sur scène ce soir. Pour quinze morceaux tirés de ses flims et trois Lost Tapes.

John Carpenter, La Salle Pleyel, concert, Paris

Les musiciens arrivent un à un et John Carpenter a d'entrée droit à une nuée d'applaudissements fournie et des hourras du public qu'il a tout à sa cause. "I'm John Carpenter and we'll play music from my movies". Simple et précis comme un vieux loup de mer. Carpenter, à l'allure fatiguée, se dresse au clavier et débute d'emblée avec le thème de New York 1997 (1981). Thème reconnu des sa première nappe de synthé. Le public va se régaler ce soir. Avec des versions bien rock et donc moins synthétiques, car autour de Carpenter, il n'y pas de manchots mais un réel groupe : guitare, basse, second clavier (joué par son fils, Cody Carpenter) et batterie.

Le thème d'Assault poursuit le set, ce film marquant de la carrière du maître, remake revisité à la sauce contemporaine du classique Rio Bravo de Howard Hawks, son réalisateur fétiche, dans lequel un commissariat est assiégé une nuit durant... glaçant... On pourra tout le concert durant se remémorer (ou découvrir pour certains encore novices) les images des films puisque qu'un écran, divisé en quatre parties pour créer un relief, est placé en arrière scéne. La lumière de cet écran géant créant un effet de contre-jour sur les musiciens, statiques, plaçant ainsi la musique bien en avant. Un spot éclairera cependant le visage du Maître.

On parlait de versions plus rock et en voilà une sérieuse, hard rock même avec le thème du Village des damnés (1995), où les claviers originaux sont surclassés par des gros riffs rageurs de guitare, c'est aussi surprenant qu'excitant. On savait John bon compositeur, on le découvre rockeur. Et dans le synth rock, il n'aurait rien à envier à Depech Mode. Ensuite le thème de Fog (1980) nous plongera une nouvelle fois dans l'angoisse froide avec la scène nappée de brouillard évidemment, ravissant les fans qui sortent leurs portables pour filmer l'écran... Normal... Bref. 

John Carpenter, La Salle Pleyel, concert, Paris

C'est maintenant au tour des fausses BO de John Carpenter d'arriver, les Lost Tapes, ses bandes originales sans films sorties en sur deux CD en 2015 et en 2016. On peut toujours imaginer des images sur ces musiques et ici c'en sont trois qui seront jouées, d'abord, "Vortex" le single du premier album, fait de beat puissants et de piano, suivi d'un "Mystery" heavy rock, sur lequel John nous lancera des signes des cornes chers aux metalleux. Plus loin dans le set, "Distant Dream" arrivera après la présentation des musiciens. 

Pour Invasion Los Angeles (1998), bien bluesy, John chausse ses lunettes noires sur le nez, et pour comprendre pourquoi il faut voir ce film qui fait ouvrir les yeux sur le monde. Car dans l'oeuvre de Carpenter, derrière le grand-guignol, l'angoisse, la science-fiction ou l'épouvante, il y a parfois, voire souvent, une critique sociale... Et même si ce film a des scènes fort tragicomiques comme le long combat de rue, il est clairement à voir, tant il offre un autre regard sur le monde avec un discours qui nous est toujours très contemporain, ici il critiquait l'administration Reagan, ce qui vaut encore pour Trump. "La règle d'or : c'est ceux qui ont l'or qui font les règles" nous explique-t-on dans le film.

John Carpenter, complétement polyvavent, est une plume rare quand il agit avec le final cut loin des studios qui lui ont fait faire par exemple l'oubliable Les Aventures d'un homme invisible chez Warner Bros (1992), absent ce soir de la setlist puisqu'il n'a de toutes façons pas composé le score. Et c'est d'ailleurs les échecs commerciaux d'Invasion Los Angeles et du loufoque et merveilleux de drôlerie Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin (1986) financé par la Fox qui le feront retourner dans l'indépendance dans les années 90. Ce dernier nous permet de voir sur l'écran géant la bonne bouille de Kurt Russell, grand collaborateur de Carpenter, en fabuleux et résigné Snake Plisken dans NY 1997 et LA 2012, en héros perdu dans The Thing (thème absolument angoissant joué ce soir même si composé par le grand Ennio Morricone), en un Elvis troublant en 1978, téléfilm qui l'avait fait sortir des studios Disney où il enchainaît les navets familiaux... Parmi les autres acteurs fétiches, on citera notamment Donald Pleasence (Princes des Ténèbres, NY 1997...) qui est bien sûr le fameux Dr Samuel Loomis de la série des Halloween.

John Carpenter, La Salle Pleyel, concert, Paris

Et le thème d'Halloween revisité pour le "40 ans après" fera lever la foule comme un seul homme. John présente le nouveau film et son apport à la compo puisque c'est David Gordon Green (Pineapple Express...) qui le réalise. C'est son fiston au clavier qui aura l'honneur de jouer le solo de clavier du thème principal du film, bien entouré par les guitares décidemment très actives ce soir. Fin du thème, une pluie d'applaudissements arrose la scène, les musiciens quittent la scène. La foule gueule avec entrain pour voir revenir son héros qui a déjà assuré une heure de show ce soir. Après quelques minutes, John revient, sourire en coin. Il reprend avec le thème du méconnu téléfilm Body Bags (Petits cauchemars avant la nuit, 1993), dont les images nous laissent apercevoir un Stacy Keach encore une fois au bord de la crise de nerfs. Faudra se trouver une copie de cette seule production du boss que nous n'avons jamais vue, c'est pas gagné. S'ensuit le thème de Vampires (1998) où un autre grand malade est à l'écran, James Woods; côté musique et alors qu'on touche à la fin, c'est une alliance des seuls claviers et guitares qui font le jeu d'un Blues en douceur. 

Le show se conclut par le thème de la voiture folle Christine (1983) pour lequel, taquin, John nous préviendra : "When you leave, drive carefully, Christine is out there..." Environ une heure et quart après le début du concert, "The End" apparaît sur l'écran géant, suivent les salutations des musiciens, une franche standing ovation du public pour Carpenter et sa troupe. Et le maître tire sa révérence, goguenard. Merci John Carpenter pour ce moment, vous avez permis à plusieurs centaines de personnes de réaliser ce qui ne pouvait même pas être un de leurs rêves de gosses tant il paraissait improbable de vous voir un jour sur scène. Rappelons pour l'anecdote que c'est par manque de budget que Carpenter composa lui-mêmes ses premières BO au synthé. Il les aura finalement quasiment toutes composées, pour notre plus grand plaisir, hormis Starman (Jack Nitzsche), Les Aventures d’un homme invisible (Shirley Walker), The Thing (Ennio Morricone) et The Ward (Mark Kilian).

Un énorme merci pour les photos à Pierre Montali de Verdammnis (son report et le set photo complet ici) 

Article dédié à Mehdi Gzom

Setlist :

Escape From New York (New York 1997)
Assault on Precinct 13 (Assault)
Village of the Damned (Le Village des Damnés)
The Fog (The Fog)
Vortex (Lost Themes)
Mystery (Lost Themes)
They Live : Coming to L.A. (Invasion Los Angeles)
Starman : Starman Leaves (Starman)
The Thing 
Distant Dream (Lost Themes)
Big Trouble in Little China : Pork Chop Express (Jack Burton dans les griffes du Mandarin)
The Shape Hunts
Halloween
In the Mouth of Madness (L'Antre de la folie)
Body Bags (Petits cauchemars avant la nuit)
Vampires : Santiago (Vampires)
Prince of Darkness : Darkness Begins (Prince des Ténébres) 
Christine (Christine)



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