Depuis quelques albums, The Resistance, voire Absolution pour certains, chaque nouvel opus de Muse suscite les déchirements chez les fans : quand certains saluent un groupe en perpétuelle évolution, d’autres hurlent à la perte d’inspiration et au craquage total. Et on ne vous parle même pas de ceux qui considèrent le trio britannique comme une masquarade depuis ses débuts en 1994 – après tout, ils ont le droit d’avoir tort. En tous cas, ce n’est pas avec Simulation Theory que Muse va faire cesser les disputes chez ses adeptes.
Qu’attend-on de Muse en 2018 ? Des hymnes de stadium rock, des expérimentations improbables, un retour à Origins of Symmetry ? Après un The Second Law qui oscillait entre expérimentations inspirées et titres insipides, et un Drones qui mariait avec bonheur rock rentre-dedans et electro aguicheur, mais sans atteindre les sommets d’Origins Of Symmetry ou Black Holes And Revelations, difficile de savoir.
En tous cas, les premiers singles issus de Simulation Theory, bien avant sa sortie, n’avaient rien de rassurant. Si l’esthétique des clips rappelaient les fondamentaux de Muse en multipliant les références de SF et d’anticipation, le son, lui, allait de l’intéressant au scandale intergalactique, sans jamais réussir à mettre tout le monde d’accord.
Et à la première écoute, l’opus est loin d’être vraiment convaincant : les chansons semblent boursouflées, surproduites, saupoudrées de clavier rétro-futuristes pour donner un semblant de cohérence à l’ensemble, sans qu’aucun morceau ne se détache. Du Muse, avec la voix inimitable de Bellamy et des passages grandiloquents, mais sans aspérités.
Et pourtant… Pour l’auditeur téméraire qui prend le temps de plusieurs écoutes attentives, l’album se révèle bien au-dessus de ce jugement hâtif. Tout du moins, une partie de l’album. Car si le groupe n’échappe pas par moments à une production pompière, il a le mérite de pousser très loin certaines expérimentations sonores. Ce n’est pas toujours nouveau dans le monde de la musique, mais ce sont des choses que Muse n’a jamais tentées, et quand il insuffle son énergie conquérante à de l’electro futuriste, l’auditeur est d’abord désarçonné, avant de se laisser emporter.
Mais il peut aussi être rassuré par des fondamentaux qui restent présents : la voix de Matthew Bellamy, plus acrobatique que jamais, des chœurs symphoniques, une ambiance post-apocalyptique et des arrangements grandiloquents. Les paroles contribuent complètement à cet ancrage en territoire connu : les chansons tournent beaucoup autour de la noirceur du monde, la corruption, les tentatives d’asservissement et de libération des uns et des autres, ou encore la confusion grandissante entre la vérité et le mensonge… Un syndrome de notre ère de fake news ?
La montée en puissance de "The Algorithm", sa progression d’accords, son alliage entre electro assumé et orchestration symphonique est une magnifique entrée en matière, qui fait le lien entre l’ancien et le nouveau. Entre l’ambiance sombre et malsaine de "The Dark Side", les phrases mélodiques entêtantes, les trompettes et les guitares efficaces de "Pressure", le délire electro de "Propaganda" qui laisse la place à un passage presque blues au milieu des gros beats, le travail incongru sur la voix et la mélodie orientale de "Break it to Me", le début de l’album est un enchaînement de bonnes surprises.
Mais le Titanic sombre sans violons sur "Something Human", blasphème odieux qui fait regretter de n’être pas né sourd. A partir de là, le groupe navigue en eaux troubles, passant d’un "Thought Contagion" qui s’en sort pas mal grâce à son ambiance grotesco-horrifique, à un "Get up and Fight" ou un "Blockades" qui semblent parodier le meilleur du rock à guitares de Muse sans jamais atteindre les originaux. L’album se conclue sur un "Dig Down" déjà connu, efficace à défaut d’être mémorable, et un "The Void" guère plus marquant.
En fait, cet album mériterait une double notation : un tiers des chansons, globalement dans la première moitié, tirent l’opus vers le 8/10, tandis qu’un tiers, plutôt en fin d’album, atteint à peine le 4/10, le tiers restant se plaçant quelque part entre ces deux extrêmes.
Si Bellamy , Howard et Wolstenh olme montrent une capacité jubilatoire à incorporer des éléments improbables pour proposer des chansons détonantes, le groupe a cependant un statut tel qu’il est difficile de lui pardonner toute une série de chansons beaucoup plus insignifiantes et dépourvues d’inspiration. Pas totalement convaincant, Simulation Theory s’avère cependant loin du carnage redouté, et aurait même pu être un grand cru si les Britanniques avaient été plus sélectifs dans le choix des titres.
Tracklist
1- Algorithm 04:05
2- The Dark Side 03:47
3- Pressure 03:55
4- Propaganda 03:00
5- Break it to Me 03:37
6- Something Human 03:46
7- Thought Contagion 03:26
8- Get Up and Fight 04:04
9- Blockades 03:50
10- Dig Down 03:48
11- The Void 04:44
Sortie le 9 novembre chez Warner