Le théâtre Alexandre Dumas a ouvert en 1989. Il est situé dans le Jardin des Arts, en plein cœur du centre historique de Saint-Germain-en-Laye juste à côté du Château qui a vu naître Louis XIV n’en déplaise aux qataris qui ont enlevé le berceau du logo du PSG en 2013. Dans cette grande salle en amphithéâtre la programmation met plus souvent à l’honneur des pièces de théâtre, de la danse et même parfois de l'opéra. Ce soir c’est un peu différent, place au blues, à des ambiances jazzy comme dans un bar enfumé de la Nouvelle-Orléans.
Après un bref arrêt au bar qui propose, et c’est tout à leur honneur, des bières locales, comme La P’tite Sœur qui vient de Sartrouville, c’est au tour des anglais de Kris Barras Band d’ouvrir le show avant que La Voix, celle de Beth Hart ne vienne ensorceler les cœurs d’un public déjà conquis.
La scène est large et les musiciens paraissent éloignés les uns des autres pour suivre leur leader. Kris Barras délivre un blues rock bien relevé. Le musicien est pour le moins atypique puisqu’au départ c’est un amateur de «free fight», mélange de boxe, kickboxing, karaté et autres sports de combat. Il a d’ailleurs combattu chez les pros pendant plus de 10 ans des États-Unis à la Thaïlande en gagnant 14 fois pour seulement deux défaites et deux matchs nuls.
Bref pour «défendre» un album le guitariste virtuose sait s’y prendre assurant même le merchandising lors de l’entracte. Modeste, il est reconnu par ses paires puisqu’en avril dernier, Kris est devenu le frontman et le lead guitariste d’un « All Stars band » américain comprenant en son sein Billy F. Gibbons de ZZ Top, Steve Lukather, Warren Haynes ainsi que Walter Trout.
Le Britannique sait y faire avec des mélodies qui vont «droit» à l’âme sans uppercut et tout en finesse. Sa voix épaisse nous fait passer un moment très agréable et permet à un public de découvrir un musicien très talentueux dont on a pas fini d’entendre parler. Les musiciens sont attachants et donnent une belle prestation en nous balladant entre blues, rock et parfois teinté de rock FM.
Après un retour au bar pour découvrir une nouvelle bière qui ne fait toujours pas parties des gros brasseurs industriels que l’on retrouve dans toute les salles de spectacles de la capitale (mais qui ne peut être bue dans la salle), il est temps de passer à celle qui est considérée dans le monde entier comme l’une des plus belles voix actuelles.
Elle arrive sous les ovations et pendant les premiers titres, Beth Hart se tient devant la scène. Sa démarche, sa présence, son déhanché, sa puissance impressionne. Elle joue avec le public du haut de ses talons de 15 cm alors qu’elle est déjà grande. Elle s’agenouille devant le premier rang laissant des regards éberlués de la gent masculine qui tombe sous le charme de l'Américaine ; avant d’entamer, assise sur un tabouret le savoureux « I’ll rather go blind » où elle évoque la fin d’une histoire d’amour. La version avec Jeff Beck et Joe Bonamassa mérite le détour...
Sa voix rauque et gutturale a une puissance incroyable. Il suffit de voir la distance qu’elle laisse entre sa bouche et son micro pour imaginer ce qu’elle à encore sous le moteur de sa Mustang.
Par la suite, quand elle passe derrière son piano (elle a commencé l’instrument à 4 ans), on entre dans des ballades, des ambiances jazzy émouvantes où elle évoque sa mère, ses blessures, sa vie passée, ses amours envolées. Elle se dévoile et cela la rend encore plus attachante. La salle se transforme dans ces moments en une petite salle perdue dans un Chicago par une nuit enneigée.
Beth Hart a débuté sa carrière en 1993, mais s'est faite véritablement connaître en 2011 avec Don't Explain, en collaboration avec le grand Joe Bonamassa. Sa voix profonde et éraillée touche au divin à chaque envolée, comme sur «I'll Take Care Of You» tiré de cet album. Elle réitérera sa collaboration avec le maître de la 6 cordes en ce début d’année avec l’album Black Coffee.
Beth sait parfaitement jouer entre titres blues, rock et soul, et nous surprend en prenant une basse acoustique qu’elle maltraite sur «Isolation».
Elle aborde aussi le classique à nous émouvoir jusqu’aux larmes lorsqu’elle entame le merveilleux et bouleversant «Leave The Light On» qui fête ses 15 ans cette année... « I want to love, I want to live, I don't know much about it, I never did seventeen and I'm all messed up inside, I cut myself just to feel alive, I leave the light on twenty one on the run, On the run on the run from myself ».
Beth a consacré sa vie à la musique, écumant salle après salle de tour bus en en salle d’attente d’aéroports surchargés, difficilement d’abord aux États-Unis pour gagner le cœur des Européens passant par les Pays-Bas, le Danemark puis la France.
Elle s’amuse en nous racontant ses addictions passées, elle évoque ses démons avec des trémolos dans la gorge pour maintenant s’apaiser en parlant plus de l’amour en nous souriant…
Merci Madame, vous nous avez touché au plus profond de nous même, vous êtes l’une des plus grandes et vous le resterez pour longtemps.
Photos : © 2018 Lionel / Born 666
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