Un tel album de Heavy Blues, on n'en avait pas connu depuis le parfait Bones de The Delta Saints en 2015, et c'était de la part d'Américains aujourd'hui malheureusement séparés. Le 30 novembre, Dirty Deep a sorti son Tillandsia en s'entourant de ce qui se fait de mieux en la personne de Jim Jones (Jim Jones Revue, Thee Hypnotics, Jim Jones And The Righteous Minds) et avec Rémi Getliffe (Last Train), le tout chez Deaf Rock (The Blind Suns, Colt Silvers...), label habitué à la crême des émergents. Voilà pour les ingrédients, qu'en est-il de l'appareil cuit à point ?
Le projet initial de Victor Sbrovazzo, chanteur, guitariste et harminiciste, a bien évolué. Après s'être entouré du batteur Geoffroy et du bassiste Adam, et avoir sorti un dernier album remarqué il y a deux ans, What's Flowin' in My Veins, Dirty Deep a remis le couvert pour une cinquième production. Une oeuvre blues rock magistrale pourvue d'une production comme on en voit que trop rarement. Tillandsia, est comme ses grandes soeurs, longue et savoureuse, une cinquantaine de minutes pour 14 titres déments. On pourra dire que le trio n'a pas inventé l'eau tiède, certes, mais à la différence de Greta Van Fleet plus tôt dans l'année, Dirty Deep jette son âme dans sa musique, avec une folle passion transmise dans le défoulement des instru (écoutez le virevoltant "Shake It" par exemple).
Sur leurs précédents disques, on se souvenait d'un son très gras et crasseux pour une qualité blues roots, ici, on assiste à la mise en place et en avant d'un son riche et franc, aux aspects live - entendez la contre basse là dans le fond, ici l'harmonica, là-bas la batterie et la voix en altitude, dans un écho étouffé. La captation de cet album est fabuleuse, un travail d'une grande précision, et l'écoute au casque est simplement magique, vous serez englobés dans des "Stawberry Lips". Des bars du bayou sont rarement éloignés, mais des bars à motards de routes perdues aussi, où dans des ambiances à la Rival Sons, pêchues, sont largement fréquentés ("Wild Animal"),
Crédit photo : Yann Buisson
Quand un album s'ouvre sur un gospel aux claquements de mains (comme le "One of These Days" du bluesman toulousain Slim Paul), qu'il se ponctue de riffs puissants et ravageurs au fuzz ("Hangin' On An Oak Tree"), qu'il passe par une ballade "You've Got To Learn" en douceur, qu'il nous pénètre d'une blues old school acoustique ("Confessionnal Hole"), qu'il se transforme en fanfare New Orleans ("By The River") avec l'adjonction de cuivres, qu'il soit méchamment heavy dans son "Sunday Chruch", Tillandsia montre la maîtrise, la variété et la justesse des trois membres de Dirty Deep. Le tout orchestré par un Jim Jones prodigieusement inspiré - on n'en attendait pas moins du bonhomme - lors de deux semaines en studio, et le sort était lancé. Vaudou à souhait ("I Want To Miss You"). Du Blues ténébreux, sinon stoner, sinon heavy, démesurément efficace, Tillandsia porte la marque des très grands.
Sortie le 30 novembre chez Deaf Rock