La soirée commence tôt, à 16h à l'Etage du Liberté. C'est une nouveauté de cette 40e édition des Transmusicales de placer les sessions du centre-ville en après-midi. Faut-il le rappeler, celles de l'Etage sont exclusivement dediées à la scène française – et toujours en entrée libre.
Saodaj' vient de la réunion et en défend haut la musique traditionnelle, le maloya. La rousse Marie Lanfroy emmène sa troupe d'une voix habitée et puissante, du genre à vous taper soudain dans le bas ventre lorsque vous vous croyez accoutumé. Avec sa comparse en seconde voix, elles harmonisent et proposent d'intenses envolées polyphoniques : c'est là le coeur d'une formule imparable en live.
Autour d'elles, l'instrumentation évolue, traditionnelle bien sûr avec ses percussions multiples et ses cordes acoustiques dont on vous laissera chercher le nom, mais aussi ouverte sur le monde : un didjeridoo prend le relai des basses électroniques, un musicien dégaine une flute traversière pour une intro assez rock'n'roll, les rythmiques, toujours plurielles et soutenues, nous ramènent parfois à l'Afrique continentale. Entre ces dernières et la réverb' planante des chants en créole, le point d'équilibre est parfait pour une transe généreuse.
Si les compositions modernes du groupe sont bien chiadées, les quelques “standards” maloya, cavalcades intenses et dépouillées, restent à notre goût les vrais sommets du concert. Exception faite du titre final, Pokor Lèr (qui donne son nom à l'EP paru cette année) qui prend en live toute sa dimension et son intensité. Ce ne sont pas les petits problèmes d'ampli déformant un instant le son de la gratte et de la flute qui écornent le sourire de l'audience. Saodaj' fait un triomphe ; dommage que le planning serré ne laisse pas la place aux rappels.
Johan Papaconstantino, ou l'Inattendu. Le mec vient poser, nonchalant, des beats musclés et sautillants sur sa petite machine, chante des paroles majoritairement inaudibles en remuant la main, fait péter l'Autotune sans vergogne, dégaine mollement une guitare pour en tirer avec virtuosité des riffs orientaux. Une sorte d'électro-pop chill, ça sonne un peu dub, un peu funk, un peu zouk, un peu raï, bien du monde quoi. On pense à PNL et Etienne Daho fumant des pétards sur une île de la Méditerranée... Et on ne saisit pas grand chose à la nature de ce truc. Sinon que c'est très excitant, que l'ombre de l'ennui a vite laissé la place à la curiosité.
Les oreilles en éveil, on déguste surprise sur surprise : sortie de nulle part, mais tombant hyper juste, une guitare soudain saturée, une voix enregistrée prenant le relai de la sienne... Derrière son flegme singulier, Johan Papaconstantino est un compositeur très malin : il a son truc, à la fois talentueux et original (on a si rarement l'occasion de pouvoir écrire ça...). Une clef sera fournie après coup : l'auteur-compositeur vient de Marseille ; et, le nom parlait de lui-même, il est d'origine grecque. D'où la maîtrise du melting-pot méditerranéen. Planant derrière tout ça, ce n'était pas tant le oud, que le bouzouki.