C'est un groupe soudé, une identité, une particularité et un talent à l'épreuve du temps et des modes. C'est un répertoire varié, culte, le goût de la scène, la communion avec le public, la cohésion. C'est de l'engagement, de la colère, mais c'est aussi cette voix singulière. Tout ça, c'est Skunk Anansie. Les Britanniques sortent pour notre plus grand plaisir un album live célébrant leurs 25 ans de carrière, 25Live@25, et c'est à cette occasion que nous avons rencontré les charismatiques Skin (voix) et Ace (guitare), pour un entretien rock impertinent, mature et authentique.
La Grosse Radio : Bonjour Skin, bonjour Ace. Votre album live, 25Live@25, sorti le 25 janvier, comporte 25 pistes célébrant les 25 ans de Skunk Anansie. Vous diriez que cela a été facile de vous mettre d'accord sur le choix des vingt-cinq titres ?
Skin : Cela n'a pas été trop difficile de trouver vingt-cinq chansons, puisque nous avons une liste de quarante-cinq morceaux que nous répétons et que nous jouons régulièrement, on aime bien changer souvent la setlist. Je dirais que pour une petite vingtaine de morceaux la sélection a été très facile, ce qui en laisse cinq pour lesquels il y a eu davantage de désaccords, enfin quelques échanges... mais tu sais, après vingt-cinq ans d'existence, savoir quelles chansons mettre dans la liste, c'est quelque chose d'assez évident.
Ace : Oui, on a fait un mix avec des hits, des singles, et des morceaux qu'on adore personnellement. Pour les titres qui sont les favoris des fans, c'est facile. La partie la plus difficile c'est pour nos titres préférés. On sait bien quels titres le public aime, lesquels fonctionnent bien en concert, mais pour les chansons qu'on aime vraiment bien, c'est plus compliqué, chacun a sa chanson préférée dans tel ou tel album... mais la sélection a tout de même été faite en quelques jours maximum: ça n'a pas pris tant de temps que ça de faire notre choix.
La Grosse Radio : Comment s'est passé le débat ou la discussion ?
Skin : Il n'y a pas de gagnant, ça n'a été qu'un débat.
Ace : Tout s'est très bien passé entre nous !
Skin : Et je pense que personne ne s'est senti lésé ou frustré.
LGR : Est-ce que cet album live, 25Live@25, représente la fin d'une ère, une étape, ou une sorte de renouveau pour Skunk Anansie ?
Skin : Pour moi, vingt-cinq, c'est un chiffre rond, alors je ne sais pas si c'est la conclusion de quelque chose, car les choses sont encore ouvertes pour l'avenir, mais en tout cas, ce chiffre rond fait comme un joli cercle, une jolie boucle.
Ace : Plutôt qu'une conclusion, je dirais que cet album est un instantané, comme un documentaire, des vingt-cinq ans du groupe. C'est un peu un jubilé d'argent, comme pour la Reine ! [Le jubilé d'argent est l'anniversaire des vingt-cinq ans de règne d'un monarque NDLR]
Skin : Ou comme vingt-cinq ans de mariage ! Comment ça s'appelle ?
Ace : Je crois que ce sont les noces d'argent.
Skin : De l'argent mais qui pèse comme du plomb ! [Rires] Je plaisante !
LGR : Cela veut-il dire que tout cela vous a insufflé le désir de créer, d'écrire de nouvelles choses avec Skunk Anansie ?
Ace : Absolument ! Comme je viens de dire, cet album est une sorte de célébration que les fans ont toujours voulu, mais ça ne nous a jamais arrêté dans la création. Nous continuons à écrire et à composer. Nous ne nous arrêtons jamais. C'est d'ailleurs à cause de ça que nous n'avons pas fait d'album live plus tôt ! En fait on est toujours en train de penser à la suite, et c'est toujours le cas aujourd'hui.
LGR : Vous fêtez vos vingt-cinq ans en tant que groupe, avec un line up qui n'a jamais changé. Quelle longévité, rare dans le milieu du rock ! Quel est le secret de la jeunesse éternelle de Skunk Anansie ?
Skin : Je pense que notre secret, c'est notre différence. Tu sais, les choses qui sont uniques ou différentes des autres ont tendance à durer plus longtemps, on peut en profiter plus longtemps. Nous avons toujours été un groupe qui était une alternative à tous les autres, quelque soit l 'époque. C'est comme ça que les gens vont retenir qui tu es, alors que si tu fais de la musique dans un style trop actuel, trop dans l'ère du temps, dès que cette mode commence à disparaître, tu disparais avec elle. Je pense que nous avons tiré cette leçon de ce qui s'est passé avec la Brit-pop des années 90, où nous avons trouvé le bon moment où ne pas être considéré comme un groupe « dans le vent ». Nous avons toujours aimé la musique qui reste pertinente et qui peut continuer d'exister, d'être de la bonne musique, même vingt-cinq ans plus tard !
LGR : Et en ce qui concerne votre façon de travailler tous les quatre, est-ce que les choses ont changé et évolué depuis toutes ces années ? Abordez-vous la création, le travail en studio aujourd'hui de la même façon qu'il y a deux décennies ?
Ace : Nous avons essayé différentes façons de travailler. Certaines fonctionnent, d'autres pas. Ça peut partir comme ça : Tiens, si on enregistrait un album uniquement avec de l'électronique ? On va utiliser des samples, utiliser des synthés, des ordis... Alors on essaye, on voit qu'il y a des parties où le synthé va bien fonctionner, alors on va garder ça. Par contre on se rend compte que pour le reste ça ne fonctionne pas. Alors on arrête ! Et on repart pour une approche plus traditionnelle, on écrit de nouveaux morceaux, dans lesquels on intègre des éléments qu'on avait laissé de côté auparavant... Ou alors on se dit : Tiens, si on essayait un orchestre de cuivres ? Pour découvrir plus tard que ça ne sonne vraiment pas bien, mais la trompette, elle, rend vraiment bien, donc on garde ça pour l'intégrer à des projets futurs... Pour la partie écriture et composition, c'est tout simplement nous quatre réunis dans une pièce. C'est tout simple et c'est ce qui fait la force de Skunk Anansie. On ajoute des choses qu'on a accumulées au fil des années, et nous abordons les choses différemment, pour que ça nous inspire davantage, tu vois. C'est la même chose quand on contruit un morceau : on peut se dire qu'on va essayer de construire la chanson de façon complétement différent de d'habitude, alors on essaie, et soit ça marche super bien, soit ça n'est pas le cas, alors on reprend. On n'a pas peur de se remettre en selle si ça ne fonctionne pas du premier coup.
Skin : Comme tu viens de le dire, le travail de création chez Skunk Anansie, c'est avant tout nous quatre ensemble. Tant qu'on est tous les quatre dans la même pièce, la musique qu'on va faire va sonner comme du Skunk Anansie, c'est sûr. Alors on joue un peu de tout, ça peut aller du reggae à la dance, du disco au rock, et avec nous quatre ça finira par rendre la griffe Skunk Anansie. Quelquefois on va très loin au niveau du style, juste pour voir où ça nous emmène [Rires] et on ramène ça dans notre style à nous. Nous avons des morceaux qui sont très bons, mais on ne les sort pas car ils sont trop pop, par exemple, alors on les met de côté en se disant que ce n'est pas pour nous, ce genre de morceau. Ça irait mieux à un autre groupe. D'être capables d'en arriver là, ça montre que nous connaissons suffisamment bien notre son et nous savons dire ce qui pourra se faire et ce qui ne marchera pas.
LGR : Vous avez d'ailleurs toujours utilisé des influences et des sons différents dans vos chansons, pour en faire quelque chose d'unique.
Skin : Oui. Par exemple, les trucs électroniques sont vraiment sympa à utiliser. Sur les deux ou trois derniers albums on en a intégré à des morceaux. Ça te permet d'aller assez loin. Et puis c'est toujours bien d'essayer et d'expérimenter des trucs.
LGR : J'ai écouté l'album et je dois dire que le son live apporte une valeur ajoutée non négligeable à tous les titres. On ressent vraiment l'énergie du concert, la communion avec le public.
Skin : Oui, et ça change les chansons !
LGR : Complètement ! Skunk Anansie est vraiment le groupe live par excellence. D'ailleurs je ne peux pas ne pas vous demander si et quand vous repartez en tournée !
Skin : Oui, on repart en tournée cette année. En fait on a une année chargée en dates de concerts, que ce soit pour des festivals en Italie mais pas mal de shows en headline entre ces dates. [NDLR : Skunk Anansie a depuis annoncé ses dates de tournée : ils s'arrêteront à Paris le 17 juillet prochain ] C'est une année bien pleine pour Skunk Anansie et en même temps il y aura de nouvelles chansons, puisque nous travaillons en ce moment même sur un nouveau disque.
LGR : Vous venez de sortir deux clips vidéos pour les tubes Weak et Hedonism en version live (album 25Live@25). Ces clips sont faits à partir de vidéos de vous et de vos concerts pendant les vingt-cinq années qui se sont écoulées. Ça vous a rappelé de bons souvenirs de revoir toutes ces images ? Ce n'était pas un peu difficile, de se voir il y a longtemps comme ça … ?
Skin : Tu veux dire de voir comme on était jeunes et minces à l'époque ? [Rires] Eh bien, en fait, je dois dire que quand j'étais petite, personne ne prenait de photos de moi. Je n'ai aucune photo de moi enfant, donc pour moi ces images d'archives sont la seule chose qui peut se rapprocher d'un album-souvenir, pour me voir plus jeune. J'ai une photo de moi à l'âge de trois ans, et trois photos de moi adolescente, vers 14 ans, et c'est tout ! Rien avoir avec ce que les jeunes ont maintenant à leur disposition : ils doivent avoir un millier de photos d'eux par an ! Donc moi, tu comprends, j'adore voir ces vidéos, parce que je me revois à l'époque, je me rappelle des concerts, de ce qui s'est passé, et pour moi c'est la seule référence, les seules photos-souvenirs que j'ai. Je suis passée de rien du tout à des milliers d'images, c'est dingue !
Ace : Nous avons eu un privilège immense, que peu de gens ont, c'est d'avoir été filmés. Des gens ont filmé pour nous tous ces moments de notre vie. Tout ce que nous avons fait a été capté, enregistré, et c'est pour ça que ça a été pour moi quelque chose d'extraordinaire de regarder ces vidéos. Depuis que je suis jeune, j'ai toujours voulu partir en tournée. Et là, quand on s'est revus, on s'est dit : « Oh la la ! Comme on était jeunes ! » , ou bien, avec Mark « On s'est bien marrés cettte fois-là ». C'est vraiment quelque chose de fantastique.
LGR : Skin, sur la pochette de l'album, tu portes une tenue exceptionnelle, une sorte de combinaison moulante ornée de plumes. Peux-tu nous en dire plus ?
Skin : Ce sont des plumes de paon. Il s'agit d'une tenue de scène, ma préférée, que je portais quand on faisait la tournée de Black Traffic en 2011. C'est vrai que j'ai eu pas mal de costumes de scène impressionnants. En fait, la blague du moment, c'est que Ace est le seul dont on voit vraiment le visage sur le liret de l'album 25Live@25. On voit le dos de Mark, on voit Cass caché dans la pénombre, moi j'ai la tête penchée, alors que Ace apparaît de face, avec son visage rock … [Rires]
LGR : Vous avec toujours eu l'image d'un groupe de rock engagé. Vous prenez part à de nombreux projets pour défendre des causes qui vous sont chères, et surtout vous exprimez vos opinions, que ce soit sur la société, la religion ou la politique, dans vos chansons et vos paroles. Est-ce que vous considérez que c'est votre mission en tant qu'artistes ?
Skin : Notre boulot, avant tout, c'est de faire de la musique. Mais par le biais de sa musique, chaque artiste a différentes choses à dire, et nous, l'une des choses sur lesquelles on veut s'exprimer, c'est la politique. Tu vois, en ce moment, il y a un peu partout cette montée de mouvements de droite et d'extrême droite, et nous, nous sommes concernés par ça, directement, dans nos vies : l'épouse de Ace est japonaise, ils ont deux enfants métis, moi je suis noire, Cass est noir, la femme de Mark est métis asiatique, et c'est justement nous, les personnes de couleur, qui sommes « leur » cible. Je pense qu'ils vont d'abord s'en prendre aux personnes sans abris, parce que ce sont les cibles les plus faciles. Puis ils s'attaqueront aux homosexuels parce que, encore une fois, c'est un marché facile, puis ils s'en prendront aux noirs, aux Asiatiques,... Ils pourront s'en prendre à ceux dont le conjoint est noir, enfin tu sais bien, c'est un schéma qui se répète à chaque fois. Les juifs en savent quelque chose. Il faut se souvenir que, si tu penses que tu es blanc et que ça va aller pour toi, souviens-toi qui si tu as des amis noirs, ou gay, ou sans abri, ils vont en avoir après eux, et puis ils vont en avoir après toi aussi si tu essaies de les aider ou de les défendre ! Et ainsi de suite...
Ace : Et après ça arrive à tout le monde dans la société !
Skin : Mais oui ! Nous, en tant que groupe, nous savons parler de politique, on a pas mal de chansons fortes, engagées, là-dessus. Mais attention, cela ne veut pas forcément dire que tout le monde sait faire ce genre de chansons. Tu vois, par exemple, quelqu'un comme Taylor Swift, eh bien, elle n'est pas très forte pour écrire des chansons avec des mesages politiques, et pourtant, elle a eu le courage de déclarer pour qui elle votait car elle croyait en ses idées. C'est un message très important qu'elle a osé passer à ses fans. Elle est arrivée à un point dans sa carrière où elle s'est dit qu'elle en avait assez de ne pas prendre position, qu'elle avait déjà gagné assez d'argent, et que si elle devait perdre quelques fans en s'exprimant sur ses convictions, et bien qu'ils aillent se faire voir, tu vois. C'est une artiste importante, elle influence les gens. Et quand tu regardes à côté de ça la famille Kardashian avec Kim et Kanye West, tu vois que c'est une famille d'origine arménienne, elles ont toutes des conjoints qui sont noirs, ils ont tous des enfants métis, et tu les vois soutenir publiquement un mec qui va les mettre tout en haut de la liste de ceux qu'il voudrait dégager de son pays !
Je pense que pour un artiste, c'est un choix personnel de prendre position. Je ne vais pas juger ceux qui le font, ni juger ceux qui ne le font pas. Mais je suis persuadée que si quelqu'un a des convictions, il faut oser et ne plus être frileux. Il faut y aller, et s'exprimer avec des mots qui te semblent sérieux et percutants. Si quelqu'un me dit « Je préfère ne pas prendre position parce que si je le fais, je vais vendre moins de disques », eh bien qu'il aille se faire voir ! Si c'est parce que tu ne sais pas bien écrire des chansons là-dessus, ou parce que tu n'y crois pas vraiment, ou parce que tu n'es pas sûr de savoir comment t'y prendre, d'accord, alors prends ton temps ! Mais si ce qui te freine, c'est la crainte de gagner moins d'argent, eh bien va te faire foutre, parce que tu fais partie du putain de problème...
Ace : Skin, tu parles vraiment très mal ! [Rires]
LGR : Je peux effacer les gros mots, si vous voulez !
Skin et Ace [en riant] : Non, non !
Skin : Tu sais quoi ? Ce sont ces gens qui restent assis tranquillement à compter leurs dollars, sans s'exprimer sur quoique ce soit, qui pour moi perpétuent le schéma. Je ne vais pas perdre mon temps avec ce genre de personnes. En revanche, les artistes qui ne font pas de chansons politiques parce qu'ils savent bien mieux écrire des chansons légères, des chansons d'amours, ceux qui n'ont pas vraiment l'âme engagée au niveau artistique, eh bien ceux-là ne me posent aucun problème, parce que, au final, quand je me relaxe et que j'écoute de la musique pour me changer les idées, tranquille, eh bien c'est leur muqiue que j'écoute !
Ace : Ah, ces enfoirés ! [Rires]
Skin : Eh ouais, ce sont ces enfoirés-là que j'écoute ! En fait, pour revenir à ta question, il faut être authentique. Si pour toi être authentique ça veut dire parler de tes opinions et que tu penses que les partager peut servir une cause, eh bien vas-y, ne sois pas une putain de poule mouillée ! C'est le choix de chaque individu. Tout le monde ne sait pas forcément écrire une chanson engagée, et c'est cool. Mais juste ne sois pas un putain de connard de poule mouillée.
Ace : Tu sais, j'ai des playlist Apple Music dont une playlist de musiques actuelles, y compris sur mon ordinateur à la maison. J'aime bien écouter Lil Peep, parce qu'il a une sorte de mélancolie dans sa voix , comme ça : « Polly wants a cracker... » [Il fredonne Nirvana, NDLR], et donc un jour sur la liste apparaît une suggestion d'album de rap avec un visuel qui ressemble à un jouet d'enfant, tu sais, avec des lettres et des chiffres, ça ressemble vraiment à un truc de gosses, alors ma fille, qui a sept ans, voit ça sur mon ordinateur et clique dessus, et là on entend « Motherf***er f***ing f**k... » ! Je n'avais jamais entendu autant de gros mots dans une seule chanson ! Quelle horreur !
Skin [Rires] : Mais arrête, elle connaissait déjà tous ces gros mots !
LGR : Parlons enfin de votre expérience avec les autres : depuis longtemps, vous utilisez votre statut d'icônes de la scène rock britannique pour aider et soutenir des jeunes artistes. Ace, par exemple, tu enseignes dans des instituts prestigieux. Vous avez votre propre label. Vous soutenez des jeunes artistes via des projets, des fondations...
Skin : Oui, cela fait des années que nous faisons cela. Pour Ace, c'est comme une seconde activité professionnelle. Il enseigne la guitare à des jeunes dans une école de musique.
Ace : Nous avons une bourse d'études qui s'appelle Skunk Anansie Scholarship. Chaque année, le lauréat de cette bourse reçoit 20000£ pour s'inscrire dans un cursus et valider son diplôme. Ce sont des jeunes artistes dans la création musicale, artistes interprètes, que ce soit à la basse, aux cordes, à la guitare ou à la batterie, tant qu'ils font de la musique live. Cette bourse prend en charge leur formation. On organise cela chaque année. On choisit toujours un jeune artiste en devenir, qui a un grand potentiel, quelqu'un de frais, moderne, un talent encore brut, mais pas quelqu'un qui est déjà un artiste extraordinaire ou accompli, sinon il n'y aurait pas d'intérêt à financer ses études. Le lauréat 2017 s'appelle Ky Lewis. Comment pourrait-on décrire le style musical de Ky ?
Skin : C'est du R'n'B actuel, avec un peu de rap, un peu de chant, et pas mal de trucs acoustiques. Voilà, on dirait du R'n'B acoustique.
Ace : Exact. Et cette année la lauréate s'appelle Nic Christiana. Son style est plutôt moderne...
Skin : Elle est plus rap, un peu plus avant-gardiste.
Ace : Donc, voilà ce qu'on fait. On débarque aussi dans des masterclass pour faire des cours.
Skin : Personnellement, je travaille aussi avec des groupes. Ce ne sont pas des groupes de musique à proprement parler, mais des groupes de soutien où on travaille sur la musique. Il y en a un par exemple, qui recueille les adolescents homosexuels qui ont été rejetés par leurs parents, et avec eux on discute beaucoup, on monte des projets ensemble. Un autre groupe est composé d'ados qui étudient dans une école de musique, et là j'ai plus un rôle d'enseignante. Je bosse enfin avec un groupe de demandeurs d'asile, des anciens enfants-soldats qui sont arrivés en Angleterre en tant que réfugiés et qui n'ont pas de papier. Avec ces jeunes-là, on essaie de les aider grâce à la musique, donc là je fais plutôt de la musicothérapie.
LGR : Est-ce que ce rôle de mentor, de professeur, de guide vous apparaît comme une évidence, et comme quelque chose de gratifiant ? Cela va de pair avec votre engagement et vos convictions personnelles, on dirait.
Skin : Nous nous sentons tous concernés. Mark, par exemple, a eu dans le passé des problèmes d'addiction à l'alcool et à la drogue. Il a ensuite monté une association qui aide les musiciens. Il a un stand sur de nombreux événements et les artistes peuvent aller le voir et obtenir de l'aide en cas de besoin.
Ace : Oui, c'est vrai qu'on se sent tous concernés par ces causes. Je travaille aussi avec la fondation Amy Winehouse en Angleterre, qui aide les gens qui luttent contre les addictions. C'est quelque chose d'incroyable. Ces jeunes, les gens que j'y rencontre, sont vraiment une source d'inspiration pour moi. On prépare ensemble un spectacle, une représentation, et il y en a qui sont malades de trac, et ils y arrivent, et c'est tellement émouvant de les voir, j'en suis presque au bord des larmes parce que je me reconnais en eux. De voir leur sentiment de fierté et de sentir comme ils sont transformés, plus forts, en sortant de scène, c'est vraiment extraordinaire. Je participe aussi aux Global Youth Awards, et c'est vraiment super. Les jeunes qui participent à cette compétition, peu importe qu'ils soient riches ou pauvres, ce qui compte c'est leurs actions. Ça peut aller de celui qui va en Afrique pour y construire une école, à celui qui ouvre un bar qui n'emploie que des anciens détenus en réinsertion, par exemple. Ils sont tous très jeunes, c'est ça qui est intéressant.
LGR : Ce ne sont que des belles causes dont vous nous parlez là. Bravo ! Cela vous a toujours paru logique de donner de votre temps et de votre talent pour les autres ?
Skin : Je pense que nous, en tant que groupe où tout le monde a plus de cinquante ans … Euh on a tous la cinquantaine, non ?
Ace : Tous sauf Mark qui est encore un jeunot ! [Rires]
Skin : Donc à la cinquantaine, en tant que groupe, on peu dire qu'on s'y connaît !
Ace : Et tu sais quoi ? C'est vraiment facile de donner de notre temps, en retour.
Skin : Oui, vraiment. Et nous avons une bonne connaissance de tout ça, tu sais, parce qu'on fait partie du même groupe depuis les années 90, donc Skunk Anansie a traversé les époques, on a vécu l'arrivée d'internet. Quand on voit les jeunes de maintenant qui essaient de se lancer, de surmonter les obstacles, nous sommes heureux de pouvoir leur transmettre des choses parce qu'on est passés par là.
Ace : En plus, quand on est jeunes, il y a toujours ce moment où on fait son propre truc, on essaie de se lancer, on essaie de gagner un peu d'argent pour vivre, et puis petit à petit on trouve un peu de temps libre, et on s'investit dans une association, on commence à faire des trucs gratuitement. Ce n'est qu'une ou deux heures par ci, par là, et pour toi ça ne te semble pas grand-chose, mais pour celui qui va te rencontrer une demi-heure, cela peut changer complètement sa vie.
Skin : C'est une direction qui peut être changée, ça peut les remettre sur le bon chemin, tu vois. Parfois, c'est super difficile de trouver ce qui va marcher pour toi, car il y a tellement de choix et d'options possibles, il y a énormément de façons de faire. Pas étonnant que les jeunes aient du mal. Ça me fait penser à cette jeune fille avec qui je travaille depuis un moment, à qui j'ai offert une guitare. Elle a eu des problèmes d'anorexie, et mon rôle avec elle c'est d'être un soutien, d'être là. Elle chante extrêmement bien, elle joue très bien de la guitare alors qu'elle n'a commencé les cours qu'il y a un an et demi, et tu vois, avec des jeunes comme ça, il faut qu'ils sachent que parfois c'est bon d'avoir quelqu'un à qui parler qui n'est pas leur mère ! Parfois, les parents nous connaissent trop bien, ou bien ils ont des idées préconçues, et donc c'est bien de savoir qu'on peut parler à quelqu'un d'extérieur.
Ace : Tout le monde a besoin d'un mentor.
Skin : Et ça c'est très important pour Skunk Anansie. Tous les groupes ne le font pas, mais en tout cas pour nous c'est essentiel.
LGR : Merci à tous les deux.
L'album live de Skunk Anansie, 25Live@25, est sorti le 25 janvier 2019.
Le groupe est attendu pour une unique date en France, à Paris (La Cigale) le 17 juillet 2019.
Entretien réalisé à Paris le 30 janvier 2019.