Th Da Freak – Freakenstein!!

Th Da Freak publie, chez Howlin Banana Records, son premier album de l’année. Après The Hood, un debut- album brillant, et toute une flopée de compils et d’EPs tous plus attachants les uns que les autres, Freakenstein voit le jour avec pour particularité d’avoir été enregistré avec d’autres gens – quand il préférait auparavant jouer tout seul dans son coin.

Forcément, cet album nous fait nous rappeler d’évidences : le fait d’inciter d’autres musiciens à participer à l’enregistrement influe obligatoirement sur l’esthétique de l’album. Ici, on se rend vite compte que les tempos sont plus emballés, les compositions plus urgentes, et les guitares distordues plus présentes.  Même si Thoineau Palis affirme dans son interview pour General Pop, que c’est plutôt l’album The Hood qu’il faut considérer comme une exception, s'étant trouvé dans « une humeur plus léthargique » au moment de sa création, il nous semble qu’il faut remonter à l’EP Garage Punk Songs for Doggos, paru en 2017 (une éternité lorsqu’on parle d’artistes aussi prolifiques), pour trouver, dans un genre différent, une rage aussi prépondérante.

C’est donc ici le premier effet de cette façon de travailler plus collaborative (dans l’interprétation en tout cas, puisque la composition des morceaux est encore entièrement dévolue à Th), résumé en une phrase qui pourrait être tirée du journal intime d’une collégienne : « quand il est tout seul Thoineau il est tout gentil tout doux mais dès qu’il est avec ses copains, il veut mettre le bordel ». L’atmosphère proposée par l’album semble également bien moins personnelle, logique puisque les titres ne sont plus enregistrés dans l’intimité et la solitude de sa chambre à coucher. L’aspect est plus conventionnel, sans que cela ne soit péjoratif : moins idiosyncratique, mais du coup plus accessible, plus entraînant. 

En fait, les ingrédients qui font le style Th Da Freak sont toujours bien présents, mais paraissent légèrement mis en retrait : les guitares sont toujours chargées de vibratos, mais comme nous l’avons dit, la distorsion prendra plus souvent le dessus. De même les bidouillages sonores caractéristiques des sorties de Th Da Freak sont toujours présents, mais moins centraux dans la composition, comme ce pont sur "Surrender" mettant en exergue, par contraste, une envolée de guitare. Et puis, l’apport des musiciens qui l'accompagnent en concert est intéressant, en rien démonstratif, travaillant pour le collectif en toute discrétion et sortant de l’ombre pile quand il faut (écouter le pont aérien de "Peeling The Onion", la basse de Siz, frère de Th, toute en spasmes groovy sur les arpèges-jolis de guitare lointaine, et la batterie de Julien repoussant, à coup d’explosions molles, les frontières de ce qu’on pensait être la batterie).

Outre toutes ces considérations sur le passé le présent l’air du temps la conjoncture des choses et tout ça, on pourra aussi relever que la composition est loin d’être paresseuse : les structures des morceaux ne se limitent pas à de vagues enchainements couplet-refrain ("Hospital" la bipolaire), et même lorsqu’un titre est voué à une certaine simplicité, une esthétique dépouillée, on ne peut s’empêcher de placer quelque espièglerie rafraichissante (petit pont instrumental sur "Never Enough Beer"). Les registres varient également de façon très fluide et agréable, d’up tempos endiablés à des riffs bourrins comme celui, méticuleusement déstructuré, de "Kurtain", jusqu’au final répondant à l’aspect cinématographique de l’introduction, "Adios Freakos", une mélodie tristounette même pas bien sifflotée, qui reste inexplicablement dans la tête (14 heures série en cours) sur fond d’orage, on est tout mouillés de pluie et de larmes.

th da freak, freakenstein, howlin banana, peeling the onion, 2019

Freakenstein propose également un gros travail sur les voix, et en particulier sur l’habillage des voix, comme s’il ne fallait jamais qu’elles ne se trouvent nues (pudique, Th Da Freak ?). On se sert alors de doublages quasi-constants, d’harmonies dans tous les sens ; on s’en rend compte avec "Never Enough Beer" et ses jolis chœurs (héhé, jolis chœurs), ou "Freakenstein" qui propose un condensé de tout ça : il y a des harmonies faussement foutraques presque partout, et quand la voix se retrouve toute seule au couplet, on met un gros effet dessus - qu’il soit artificiel comme dans le cas présent, ou naturel, comme ailleurs, avec la mélodie décomplexée en voix de fausset comico-touchante de "Mars Attacks!!".  Tout cela pour porter des paroles typiquement th-da-freakiennes, d’une apparente légèreté (« I never drink enough beer »), chargées de références 90’s (« I hate myself and I want to die », continué en « but suicide is not for me ») et d’absurdité/malaise (« I hate my curtains, but I have no curtains », il y en a un qui est resté trop longtemps dans sa chambre).

C’est donc un album très plaisant que nous proposent Th Da Freak et ses copains, qui a su remplacer  assez efficacement l’absence d’éléments auxquels un connaisseur du larron pouvait tenir par d’autres propositions tout aussi intéressantes ; on n’est plus du côté de la plongée en apnée dans un univers ultra-personnel, on remonte un peu à la surface pour jouir d’un plaisir immédiat dont on jugera de la durabilité plus tard, mais contenant suffisamment de mélodies attachantes  pour qu’on ait envie d’y retourner, et dont l’esthétique est sans doute plus proche de celle qui peut être développée en concert  – ce qui devrait réserver de bons moments de live assez prochainement.

En concert :
27 mars – Point Ephémère – Paris
28 mars – Mc Daid’s – Le Havre
30 mars – Iboat – Bordeaux (Release Party)

Sortie de l’album le 8 mars 2019, chez Howlin Banana Records

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Crédits photo : Pierre Martial

NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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