Duo de post-punk anglais formé en 2011, Snapped Ankles a sorti une poignée de singles avant d’enchaîner sur deux EPs en 2017 et un premier album long la même année. Les deux acolytes reviennent pour un second LP en cette fin d’hiver, et s’ils poussent loin les expérimentations, ils nous perdent parfois en route.
Classée en post-punk, la musique de Snapped Ankles en a effectivement le sens de l’expérimentation, une radicalité certaine dans les compositions, et un certain minimalisme. Le duo britannique fait pencher son post-punk du côté électronique de la force, empruntant notamment au krautrock, mais il se distingue aussi par des performances scéniques très arty, intégrant des « costumes chamaniques ».
Pour ce second album, le groupe exploite à fond un concept un peu barré. Le communiqué de presse explique en effet que « Les membres de Snapped Ankles ont pris l’apparence des agents qui ont causé la disparition de leur communauté : promoteurs immobiliers et autres courtiers qui enflamment le marché avec la promesse d’un « luxe époustouflant » (le Stunning Luxury du titre, ndlr). Pour contrer la menace constante sur leur habitat, les hommes des bois ont décidé d’infiltrer directement la menace. La résistance commence ici ! ».
On est tenté de se demander ce qu’ils se sont injectés avant d’écrire un tel manifeste, aussi improbable que réjouissant, on est en tous cas convaincu que la même substance a été utilisée pour donner naissance à Stunning Luxury. Dans cet opus, les instruments électroniques et les voix, tordues dans tous les sens imaginables, prédominent largement sur tous les autres instruments. Ces expérimentations électroniques et vocales sont propices à la création d’un climat de transe hypnotique qui se révèle parfois jubilatoire. Le problème, c’est qu’en dépit de ces expérimentations, le disque s’avère très monotone et répétitif à l’écoute.
Analysés élément par élément, les morceaux recèlent de nombreuses bonnes idées : un riff intéressant sur ""Delivery Van", des sonorités amusantes sur "Three Steps to A Development", un traitement des voix complètement décalé sur "Dial the Ring on a Tree". Le problème, c’est que les idées semblent parfois être jetées pêle-mêle ensemble, sans aucune volonté d’en tirer un morceau cohérent.
Certes, il est impossible de reprocher à Snapped Ankles une approche trop commerciale ou « easy listening » : le duo semble en être aux antipodes et prendre au contraire un malin plaisir à créer les chansons les plus déstructurées possibles, et les plus dissemblables possibles d’un single. Il définissait d’ailleurs certains titres de son premier album Come Play The Trees comme des « non-chansons ». Mais à force de refuser de faire des morceaux accessibles, le duo finit par perdre en cours de route les auditeurs, qui risquent de subir plus qu’autres choses certains morceaux. Certains ressemblent plus à des ébauches qu’à des morceaux terminés, lorgnent vers la mauvaise BO de jeu vidéo, voire le bruitage de cinéma.
Quelques morceaux font heureusement exception, et réussissent à allier une ambiance perchée et une construction accrocheuse : "Pestisound", "Tailpipes", "Drink and Glyde" sortent clairement du lot en proposant une composition barrée et néanmoins cohérente.
Si le groupe a effectué un vrai travail d’expérimentation sur cet album, il néglige trop souvent le sens de la mélodie et la cohérence pour que ce soit complètement convaincant. Mais il possède de réelles qualités, et parviendra peut-être à garder son côté déjanté tout en le rendant plus audible. Il est aussi probable qu’il cherche éviter à tout prix une musique accessible et se concentrent sur des sons de plus en plus torturés et de plus en plus déstructurés. Auquel cas, on salue la radicalité, mais ce sera sans nous.
Tracklist :
1- Pestisound (Moving Out)
2 - Tailpipe
3- Letter From Hampi Mountain
4 - Rechargeable
5 - Delivery Van
6 - Three Steps To A Development
7- Skirmish In The Suburbs
8 - Dial The Rings On A Tree
9 - Drink & Glide
10 - Dream And Formadehyde
Sortie le 1er mars chez Leaf Label