Avis aux amateurs de rock atmosphérique, d’ambiances planantes, de morceaux de plus de dix minutes et de sonorités qui font faire le tour du monde en moins d’une heure : voici Black Haze, de LLOYD, un album progressif, psychédélique, entêtant, qui n’aurait pas dépareillé dans les années 70.
Il y a beaucoup à dire et beaucoup à écouter dans ce nouvel album de LLOYD. L’album fourmille de sons, d’orchestrations riches, d’ambiances, et pourtant, il se montre implacablement cohérent de la première à la 58e minute.
Black Haze déploie un rock psychédélique, progressif, qui sent indubitablement le rock barré des Britanniques dans les années 70. Mais le réduire à cela serait une grave erreur. Certes, les claviers omniprésents, les guitares profondes et aériennes, la basse impeccable et la voix tour à tour éthérée et énervée, épique et profonde, tout cela donnerait déjà un très bon album de rock psyché. En témoigne "Dreams Overture", magnifique titre introductif lent et hypnotique. S’il est prenant dès la première écoute, le titre révèle peu à peu des subtilités harmoniques qu’on n’avait pas notées, des chœurs plus présents qu’il n’y paraît, un ensemble de cordes discret mais qui accentue la richesse musicale…
crédit photo : Stephane Letur
Mais LLOYD multiplie les influences : jazz, blues, musique orchestrale, musique traditionnelle de différents pays, electro. "Black Haze", morceau mémorable, transporte ainsi l’auditeur sur les bords du Bosphore pour une nuit mystérieuse où les guitares s’énervent sans prévenir, tandis que "Lust For Dreams" le fait revenir du côté de l’Espagne, là aussi à grand renfort de guitares. Les références à d’illustres confrères ne manquent pas, de Pink Floyd à Led Zeppelin, de David Bowie ("Delirium", notamment) jusqu’à Queen Of The Stone Age (la très réussie ballade "Not a Dreamer"). Mais jamais le groupe ne donne l’impression de n’être qu’une pâle copie, et il travaille avec ambition et précision l’ensemble de ses titres.
Alors que l’album dure près d’une heure, jamais l’ennui ne se fait sentir, grâce à cette variété qui se fait sentir dans les styles et les formats. Black Haze passe ainsi d’un morceau de pas loin de dix minutes à un titre d’à peine deux minutes, et si le rythme reste relativement lent, les ballades alternent avec les morceaux mid-tempo, les musiciens n’hésitant pas à inclure des changements de rythme et même d’ambiance au sein d’une même chanson. Aucun titre n’est à jeter, et beaucoup viennent nous hanter bien après l’écoute, tel ce "Prince of Clouds" épique et tourmenté.
crédit photo : Emilie Mauger
L’ensemble est aérien, onirique, et d’une ambiance à l’autre, les motifs musicaux se répètent pour garder une cohérence. De fait, Black Haze sonne comme un album concept. Le groupe explique d’ailleurs que l’album raconte une histoire sur ces onze titres, parle du rêve, de notre tendance à vouloir nous en protéger, de nos peurs, de nos addictions… et pour mieux illustrer ces tourments, les pistes ont une double numérotation, pour mieux perdre l’auditeur : ainsi, la deuxième est-elle numérotée XI, la neuvième, II… Hasard ou pas, en écoutant l’album dans cet ordre alternatif, on se rend d’ailleurs compte que l’album n’en est que plus cohérent et plus homogène.
A entendre un son aussi maîtrisé d’un groupe dont le nom ne nous évoque absolument rien, on se dit qu’il doit s’agir d’une obscure formation britannique des sixties, culte pour une poignée de fans, qui effectue un comeback après une poignée d’albums réservés à quelques élus. Et là, double surprise : le groupe est français, et n’est qu’un trio, une fratrie de Parisiens ( Alexis - guitare / voix, Loris - claviers / chœurs, Antoine - batterie / séquences / chœurs) dont le son est si riche qu’il donne l’impression qu’ils se sont dédoublés durant les enregistrements. Et surtout, Black Haze est le tout premier album de LLOYD, si l’on excepte deux singles et deux EP. Les influences plus que marquées des années 70 induisaient clairement en erreur, mais elles sont ici transcendées e t offrent un album rétro et dépaysant. Avec une entrée en matière aussi saisissante, espérons que le souffle psychédélique de LLOYD se répandra sur tout l’Hexagone et bien au-delà.
Tracklist
01. I. Dreams Overture
02. IX. The Fall
03. X. Black Haze
04. VIII. Not A Dreamer
05. IV. Wild Trip
06. III. Prince Of Clouds
07. V. Lust For Dreams
08. VI. Blame Me
09. II. Anger
10. VII. I Leave
11. XI. Delirium
Sortie le 12 avril