En 2018, nous nous étions bêtement privés de fée verte et de rock garage… C'est dire si cette année, la date du 13 mai était biffée, entourée, surlignée sur notre agenda ! Cette soirée annuelle et unique en son genre, organisée par la marque Chartreuse est toujours "the place to be" pour les aficionados de rock n'roll vintage et autres amateurs de boisson forte. Comme à chaque édition, ce sont trois groupes qui se succèdent sur la scène de La Maroquinerie. Comme souvent, ce sont les régionaux de l'étape qui ouvrent le feu. Cette année, ce sont The Nobels, qui furent suivis du duo grenoblois Moonrite et The Limboos le combo madrilène, jouaient ensuite les guest-star !
The Nobels donc. Le nouveau supergroupe garage de Paname. Oui, oui, on assume la référence. Jugez-plutôt la méga formule : les trois Howlin' Jaws - Djivan (qui troque sa contrebasse chérie contre une basse "à cornes"), Lucas et sa guitare survoltée et Baptiste et ses fûts, plus Mister Francis Viel guitar surfer hero des Wave Chargers, le tout emmené par Tom, chanteur-clavier effectivement sonicien en diable. On dirait les Sept Mercenaires ! Sauf qu'ils ne sont que cinq… Mais, ce soir-là, c'est presque ça, car la somptueuse Célia Formica fera deux apparitions remarquées à leurs côtés. Tous assument fièrement leur nom de scène, arborant sur leurs torses ou autour de leur cou, de splendides médailles.
The Nobels / la Maroquinerie © Christophe Cussat-Blanc
Tanqué ou presque, aux pieds de Lucas, on entend ses boots claquer tel un danseur de flamenco, en total osmose avec ses soli furioso. Et si l'on effectue un quart, on se retrouve presque collé au clavier de Tom. Ce dernier, lorsqu'on l'avait vu au Supersonic l'an passé, nous avait paru encore un peu hésitant dans le costard de frontman, il en a désormais bien pris les mesures. Nos médaillés modèles vont alterner leurs propos compos ("The say" signé Francis ou "Catch a ride" par Lucas) avec des reprises rythm'n blues (l'iconique "Midnight Hours" de Wilson Pickett, "Trick bag" de Earl King) ou garage ("lie beg borrow and steal" des Plimsouls). Ça fuzz, ça vibre, ça bastonne, un vrai récital de quarante cinq minutes chronos, mené à fond la caisse. Une durée insuffisante néanmoins, pour que la banane de Lucas se fasse totalement la malle comme d'habitude ! (smiley clin d'oeil...).
The Nobels / la Maroquinerie © Christophe Cussat-Blanc
Changement d'atmosphère sur le plateau. Lumière tamisée ou presque. On a viré les micros du devant de la scène, qu'occupait largement les Nobels, et installé un clavier à droite de la batterie. Les deux Poitou Brothers aka Moonrite s'installent dans la pénombre. Yann "cracker", coupe swinging London, pull noir moulant, croix psyché autour du coup prend place derrière son instrument, surmonté d'un bass 3 de Ohner et pourvu du plus impressionnant rack de pédales d'effets jamais entrevu… Julien arbore un dress code identique et ne tarde pas à taper pour battre le rappel des celles et ceux partis goûter de la Chartreuse ou se recharger en binouze. Francis Fuzz rapplique comme à l'exercice et vient se planter en rigolant devant eux, afin de donner l'exemple à tous les garageux présents. Et il y en a ; sa bande au grand complet bien entendu, mais aussi Mister Rimette des Glendas ou Big René, pilier de la scène parisienne…
Moonrite / la Maroquinerie © Christophe Cussat-Blanc
La musique des Moonrite se veut dark à souhait, presque martiale sur le premier titre qui ouvre le set. Brillamment exécutée. Les deux frères, virtuoses de leurs instruments respectifs, sont dedans, hyper concentrés, tout en étant relativement en phase avec le public, lequel se laisse hypnotisé pour la plus majeure partie (traduisez, ils ne jouent pas que pour eux…). Après un solo bien enlevé de Yann, Celia Formica, qui a troqué sa verte tenue pour une tunique vermillon du plus bel effet, apporte un peu de couleur et de gracieux mouvements à l'ensemble. Ses deux apparitions renforcent le côté messe noire psyché. Jeux de lumière en contre-jour aidant, on se croirait dans "Les Vierges de Satan" de Terence Fisher (brillante adaptation ciné d'un roman de Dennis Wheatley) ou dans "Dracula 73". Des références reçues cinq sur cinq par le bassiste des Wave qui lance moult blagues cthulhesques…
Moonrite / Celia Formica - la Maroquinerie © Christophe Cussat-Blanc
Après la dark and gothic attitude des Moonrite, place aux rythmes joyeux et ensoleillés de The Limboos. Lesquels réinvestissent l'intégralité de l'espace scénique. On se souvient d'une prestation plus que remarquée lors du Cosmic Trip Festival en 2018 (le rendez-vous annuel de l'Internationale garage pour les non-initiés). Malheureusement comme à Bourges, la batterie demeure à notre grand désespoir en fond de scène, nous privant d'apprécier à sa juste valeur le jeu de la féline Daniela Kennedy… Passé ce léger désagrément, nous sommes vite sous le charme du combo madrilène. Roi Fontoira, leur chanteur et lead guitar, déborde de charisme latino et de professionnalisme. Cassage de corde dès le premier morceau… Lucas des Nobels vient aimablement lui prêter son instrument, mais Roi a sa gratte de secours. Son acolyte Sergio Alarcón le seconde à la guitare rythmique, joue des claviers et on peut lui aussi lui décerner le titre de roi… des maracas ! Son trémoussement est dangereusement contagieux et si l'on ajoute Santiago Sacristán à la basse ou à la contrebasse et le baryton tonitruant de Dani Niño, on obtient la recette Limboos !
The Limboos / la Maroquinerie © Christophe Cussat-Blanc
Un cocktail plutôt qu'une recette, relevé comme il se doit et épicé de multiples influences. Une base garage certes, un pincée de rumba, un zeste de jazz parfois - saxo oblige - et à deux reprises, une grosse dose de mambo fifties qui fait danser toute la fosse. "Mambo à volonté !" comme le clame Roi. "Dont buy it !" nous lance-t-il plus tard sur fond de rock fifties endiablé. Qui plait particulièrement à deux jeunes pogoteurs du dimanche, mal préparés pour la chartreuse et s'obstinant à convertir la fosse. Mal en prend, Samy des Wave Chargers et Big René n'ont pas de leçon à recevoir sur le sujet et ne s'en laissent pas compter. À tel point qu'un agent de sécurité s'inquiète des sauts de carpes de ce dernier. "La dernière fois que j'ai failli me faire sortir par un mec de la sécu, j'avais seize ans !" jubile Big René à la sortie du concert… Lui comme d'autres connaisseurs, auront beaucoup apprécié ce set de The Limboos, bien plus à leur aise manifestement que lors de leur récent passage au Supersonic. On se dit à l'année pour une autre soirée green & garage ?
The Limboos / la Maroquinerie © Christophe Cussat-Blanc
Un grand merci à Christophe Cussat-Blanc pour ses superbes photos (son travail est à admirer sur son site et à suivre sur sa page Facebook). Un kdo pour terminer, les vidéos de Franck Rapido que nous remercions chaleureusement pour sa participation.