Archive a atteint ses 25 ans. Vingt-cinq années d'un habile mélange de trip-hop et de rock, aux mélodies psychédéliques et aux tentatives expérimentales. Celles d'aller plus loin dans l'électro tout en gardant un carcan rock, ce qui a permis de forger cette identité unique. Chaque album est aventure, jusqu'à The False Foundation, qui était alors un nouveau coup de maître de la part de la formation. La prochaine étape pour savourer sa musique dans les meilleures conditions reste la scène, avec un son optimal au possible. En cela, la Seine Musicale tombe à point nommé, surtout quand il s'agit de fêter le quart de siècle.
Au programme, deux sets pour trois heures de show, de quoi faire une large rétrospective de la carrière du groupe. En entamant sur "You Make Me Feel" , issu de son second album Take My Head, Archive nous offre ses racines sur un plateau. Le son est fort, très fort, mais toujours bien calibré et rond à souhait. Par moments, les voix, qui surplombent un mix déjà très haut en décibels, peuvent saturer, mais ce ne sont que de très minimes détails. Niveau lumières, on a rarement atteint une telle osmose. Chaque titre a son identité, le travail est colossal et ne fait pas démentir la réputation perfectionniste de la formation. Sur scène, les membres sont discrets, fantomatiques, et nous laissent la même sensation que Maynard James Keenan lors de ses dernières prestations avec A Perfect Circle. Des goules au service de leur art, des éléments de scénographie intradiégétiques qui ne prennent aucun espace superflu. Il s'agit ici s'oublier, de se laisser emporter par une vague qui jamais ne s'arrête. Aucun temps mort entre les titres, aucune discussion de la part des membres, si ce n'est pour nous demander à deux - trois reprises si ça va, notre imagination accompagnée des lumières est la clé du voyage, et l'immersion est totale.
Car en choisissant de s'effacer de la sorte, les musiciens n'en perdent pas leur force, au contraire. Se mêlant totalement à leur spectacle, ils en gagnent en puissance et renforcent l'harmonie générale. Le diptyque Controlling Crowds est le plus représenté lors de cette première partie, pas moins de six titres, et son nom est d'ailleurs évocateur : nous sommes totalement sous contrôle de cette poignée d'artistes, qui nous font voyager à travers leur univers riche de maints horizons. Une immense piste sans interruption qui comporte pourtant dix-sept morceaux, dont certains radicalement différents. Les grands écarts sont nombreux, mais ne se ressentent jamais comme tels tant, à l'instar de tous les éléments pré-cités, la setlist est elle aussi travaillée avec minutie.
Alors que l'entracte laisse rêveur l'auditoire, on est droit de se demander si le second set va radicalement changer de cap. Côté ambiance, aucune courbe à l'horizon : on est de retour dans une prestation calculée et axée sur le grandiose, et le voyage peut reprendre. Avec "Lights" en introduction, on comprend que c'est le choix des titres qui va apporter la différence. Place maintenant au progressif, à ces pièces maîtresses qui ont offert un point d'orgue aux albums d'Archive. L'occasion, avec "Erase" et "The Hell Scared Out Of Me", de découvrir de la meilleure des manières 25, le best of sorti pour l'anniversaire qui contient huit nouveaux titres dont on compte bien rapidement se délecter ("Remains Of Nothing", en première partie, a aussi fait forte impression). Composé de huit morceaux, ce deuxième set n'en est pas moins long ni moins intense, et malgré une durée hors normes pour un concert, qui pourrait en effrayer certains, elle est indispensable, et on n'imagine aucunement ce concert amputé du moindre morceau. Tout se répond, a sa place et son sens, le plaisir est immense.
On se quitte sur un "Again" - de l'excellent You All Look The Same To Me - intimiste à souhait, après la déferlante "Numb" qui aura joué tout son psychédélisme dans des éclats lumineux explosifs. Le choix du sombre pour ce dernier titre sonne comme un écho particulier, une dernière communion avant le retour à la réalité. Les Britanniques ont donné ce soir un spectacle exceptionnel dans une salle qui l'est tout autant. Ils montrent que leur empreinte a évolué et n'est que plus grande au fil du temps, et que le prochain chapitre risque d'être tout aussi grandiose au vu de la qualité de ces 25 premières années.
You Make Me Feel
Fuck U
Pills
Bullets
King Of Speed
Noise
Kid Corner
Violently
System
Wiped Out
Shiver
Collapse/Collide
Splinters
Remains Of Nothing
End Of Our Days
The Empty Bottle
Dangervisit
Lights
Nothing Else
Erase
Finding It So Hard
The Hell Scared Out Of Me
Controlling Crowds
Numb
Again
Photos : Rodolphe Goupil. Toute reproduction interdite.
