Après de long mois à arpenter les planches du théâtre Walter Kerr à Broadway pour une introspection tirée de son autobiographie Born To Run agrémentée de quelques pièces acoustiques en solo, le Boss revient avec treize nouvelles compositions, les premières depuis 2014 et High Hopes.
Un mot sur la formation. Le Boss parle d’un album solo. Certes au niveau de l’écriture, c'est le cas. Mais solo veut certainement dire sans le E-Street Band dans le jargon du Boss. Attention, on est loin des albums comme Nebraska ou Devils And Dust (où le Boss s’est retrouvé "live" sur scène tout seul). Ces titres sonnent beaucoup plus actuels au niveau de la production.
Ces titres, on les attend depuis cinq ans chez les fans du Boss. Depuis quelques semaines, les deux premiers extraits sont décortiqués et analysés par tous les spécialistes de la chose rock. Sur "There Goes My Miracle", le Boss se laisse aller à quelques digressions vocales. Sa voix est vraiment travaillée et on peine parfois à reconnaitre les intonations qui nous sont familières. On se perd parfois un peu dans ces beaux arrangements qui sont assez rares sur ses productions solo. On appréciait beaucoup la simplicité des précédents efforts solo et on reste un peu sur notre faim.
Deuxième extrait, "Hello Sunshine" est encore une belle ballade désabusées où le Boss se montre très à son aise. On pense forcement aux pépites de Nebraska. La voix est plus produite, moins roots que d'habitude mais le titre se révèle accrocheur et, même s'il ne s'apprivoise pas dès la première écoute, dévoile toute ses subtilités avec un peu de persévérance. La partie susurrée rappellera aux nostalgiques quelques versions magiques de "I'm On Fire". Un beau moment.
Ces deux titres sont un bon résumé de ce que l’on peut ressentir à l’écoute complète de ce Western Stars. Bruce y dépeint surtout des personnages, quelques tranches de vie. Il parle de ses héros à lui, ceux qui l’inspirent. Bruce renoue avec son amour pour les road trips américains. "I’m a Rolling Stones just rollin’ on" nous dit-il sur "Hitch Hiking".
"Somewhere North Of Nashville" revisite les classiques folk du Boss. On y retrouve nos repères et on y sent l’âme des grands poètes comme Dylan. Il ne faut pas plus d’une minute et cinquante deux secondes au patron pour prouver qu’il est encore capable d’écrire et de chanter et jouer des titres de très haut niveau remplis d’émotions aussi bien dans l’écriture que dans l’interprétation.
"Stones" avec son intro au piano rappelle des travaux comme ceux de l’époque "Streets Of Philadelphia". Bruce n’a pas son pareil pour provoquer une communion avec le public comme peuvent le faire de grandes chansons comme "Spirit In The Night" ou "Jungleland". "Stones" en live pourrait se rajouter à la liste.
Mais le sentiment qui domine, c’est cette nouvelle façon de produire voire de surproduire, surtout pour un album se voulant plus personnel. Des arrangements soignés avec des cordes introduisent "The Wayfarer". Des cuivres sont rajoutés ici et là. Ces orchestrations sont nouvelles dans les productions du Boss qui nous a habitué a des choses beaucoup plus épurées lors de ses prestations solo plus personnelles.
Quelques compos mid-tempos semblent un peu parachutées sur ce Western Stars et au risque de se répéter on a du mal à reconnaitre le timbre si caractéristique du Boss auquel on est habitué depuis 18 albums ! Cela déroute un peu.
Puis ici, pas de place pour le gros rock puissant qui enflamme les stades. Ça, c’est prévu pour cet hiver puisque le Boss livre qu’un album pour le E Street band est déjà composé et sera prêt à tourner pour 2020…
Quelques rares incursions sont faites vers des choses un peu plus rock. Avec "Tucson Train", Springsteen revisite les productions country rock. Un Johnny Cash aurait pu trouver en le Boss son digne successeur avec des morceaux comme celui-ci. Les harmonies vocales et les mélodies sont toujours soignées. Ici, on retrouve l'esprit du Boss, amoureux de son Amérique et en train de faire partager une partie du rêve américain avec le commun des mortels. On pense à "Atlantic City" de Nebraska.
"Sleepy’s Joe Café" accélère un peu et retrouve des airs de country rock un peu à la manière des titres des Seeger Sessions. On retrouve ses orchestrations très travaillées avec beaucoup de musiciens mais la voix du Boss arrive à lier toutes ces influences. L’orgue Hammond s’en donne à cœur joie.
Avec cet album Springsteen nous offre une transition en douceur, un retour à la musique seule après un long passage à Broadway où les chansons venaient illustrer des textes et se retrouvaient finalement au second plan. En attendant un retour triomphal avec le E-Street Band pour 2020, le Boss finalement reste dans un cycle qu’on retrouve tout au long de sa carrière. Après un album à grand succès avec le E–Street Band, on envoie des choses plus personnelles puis on revient avec le groupe. La vie est un éternel recommencement…
Les années passent mais le Boss est toujours là. Quoi qu’il arrive cet album ravira les "die-hard" fans et fera patienter les autres. Même si certains titres semblent un peu faire office de remplissage, ils sont quand même d’un très bon niveau mais du Boss, on n’attend que l’excellence d’où ces quelques bémols. En tout cas, Le Boss nous fait savoir qu’il est encore bien vivant et que s’il ne compte pas tourner avec Western Stars, c’est pour mieux revenir avec le E-Street Band avec un album et très certainement une tournée estivale en 2020.
Sorti le 14 juin 2019 chez Columbia Records