Un concert de La Poison, ça tient presque de l’expérience existentielle, tant on ne sait plus si l’on assiste à un concert d’electro-rock assez déjanté ou à un prêche d’une grande prêtresse revenue d’une décadente civilisation futuriste. La preuve avec la dernière congrégation en date, dans les tréfonds de la Boule Noire.
Vigor Hugo
La salle est plus que clairsemée pour le début du spectacle, et ce n’est pas l’affluence sur scène qui va nous faire nous sentir moins seul, puisque le groupe est composé d’un seul homme.
Vigor Hugo, c’est son nom (pas le vrai, puisque c'est Hugo Fabbri le leader de Fuzzy Vox) assure donc la voix, la guitare, le clavier, une forme rudimentaire de batterie… Et surtout le spectacle. Car si son rock aux accents blues est tout à fait honorable, c’est surtout son sens du show qui marque les esprits. L’homme accumule les blagues – pas toutes réussies – à commencer par des bouteilles de Vigor éparpillées autour de lui en hommage à son nom de scène et dans lesquelles il n’hésite pas à s’abreuver.
Malgré le peu d’affluence et le public essentiellement concentré au fond de la salle, le musicien parvient à s’attirer les faveurs de l’auditoire et à le faire participer, d’abord en faisant monter un spectateur pour jouer de la caisse claire, puis en distribuant des percussions dans toute la salle pour un effet de percussions assez fun.
Si on se demande ce que donnerait un tel concert sur une durée plus longue, l’échauffement était tout à fait plaisant.
La Poison
La salle s’est remplie pour le groupe principal, mais n’est pas complète. Quand l’obscurité se fait, des projecteurs viennent la verdir pour créer une atmosphère tout à fait singulière. Les membres du trio entrent en scène un par un ; la lumière leur confère un teint verdâtre, et leur démarche syncopée, l’allure de robots.
Un à un, ils vont balancer tous leurs morceaux horriblement efficaces – « Super Hero », « Black Pulses », « Smash you up », « Open Your Eyes », «Shake It »….. Sur disque, leur musique est très entraînante, mais comme peuvent l’être d’autres disques. Sur scène, elle prend une autre dimension, l’énergie étrange des musiciens est communicative, et les premiers rangs de toute façon sont convaincus d’avance. La Boule Noire se transforme assez rapidement en piste de danse géante, tant la musique du trio rend l’envie de bouger irrépressible.
Mais La Poison, ce n’est pas que de la musique, c’est tout un univers, et il ne se déploie nulle part aussi bien que sur scène. Pourtant, à bien y regarder, le groupe ne fait pas étalage de décors fastueux – sur la scène de La Boule Noire, il aurait de toute manière du mal. Un ou deux ballons en papier qui servent de support à des projections lumineuses, des lumières qui donnent une atmosphère futuriste et vaguement horrifique, et surtout, une tonne de maquillage.
En fait, ce sont surtout les talents de conteuse de la chanteuse, imposante avec son visage blanc et noire et son immense boule de cheveux sur la tête, qui suffisent à transporter le public dans son univers. Elle raconte que le groupe arrive d’une civilisation futuriste, qui semble plutôt apocalyptique, très contrôlée, où la musique est l’un des seuls échappatoires.
Avec seulement un album et une reprise, le concert passe très rapidement. En rappel, le groupe fait revenir Vigor Hugo pour une reprise de "You Really Got Me des Kinks". Singulier, La Poison l’est assurément, et ses performances méritent amplement plus de visibilité.
Photos : David Poulain. Toute reproduction interdite sans autorisation du photographe