En amont du festival Guitare en Scène, on nous a proposé une interview de Rob Hirst, batteur d'une des têtes d'affiche, Midnight Oil (avec Mark Knopfler, Joan Beaz, Dream Theater..). L'occasion de parler de l'actualité du groupe, de sa tournée des festivals et de son engagement politique.
Vous tournez depuis trois ans maintenant, depuis la reformation. Qu'est-ce que ça te fait de repartir sur les routes après 14 ans de pause ?
En fait on a surtout recommencé à jouer en 2017, on a tourné toute l'année. On a commencé en mars en Amérique du Sud, on a fait l'Amérique du Nord, l'Europe, encore les États-Unis, l'Afrique du Sud et on est revenu faire des concerts en Nouvelle-Zélande et en Australie. On n'a rien fait l'année dernière, surtout pour écrire des morceaux. Là on fait une courte tournée européenne et après on espère pouvoir aller en studio pour enregistrer. Ce sera la première fois depuis presque 20 ans.
C'était ce que je comptais te demander ensuite, parce que vous n'avez rien sorti depuis Capricornia, en 2002. Du coup je me demandais si vous pensiez beaucoup tourner avec vos classiques ou proposer quelque chose de nouveau, tu as répondu à ma question ! (rires). Vous vous dirigez vers quoi, musicalement ?
Ça fait longtemps qu'on a pas été dans un studio ensemble. Évidemment, chacun des membres séparément, surtout Jim (ndlr : Moginie, le guitariste du groupe), ont eu d'autres projets, Peter (ndlr : Garrett, le chanteur) a aussi fait son album il y a deux ans. Mais ce sera la première fois qu'on sera tous ensemble, et je pense que ce qu'on va proposer est intéressant. On part sur des morceaux très hard rock vers des titres plus world, avec beaucoup d'instruments. On n'a jamais été un groupe qui s'est cantonné à un style, l'idée est toujours d'explorer de nouvelles choses, et je suis très excité d'enfin faire de nouveaux morceaux, et de pouoir les jouer sur scène, normalement en début d'année prochaine si tout va bien.
On espère voir ça alors !
Peut-être en Europe cette année, on essaiera vite de revenir !
Midnight Oil est, historiquement, un groupe très engagé. Vos paroles parlent avant tout de la culture australienne, de ses lois, de son gouvernement. Pourtant, vous avez eu un impact international. Est-ce que vous imaginiez avoir du succès hors de vos frontières, avec des fans qui ne connaissent pas forcément les choses auxquelles vous faites allusion ?
Je pense que beaucoup de gens nous comprennent parce que beaucoup de pays vivent des situations similaires. On parle beaucoup des Premières Nations qui ont vécu en Australie avant qu'on ne les extermine en partie, mais si on regarde les États-Unis, le Canada, la Nouvelle-Zélande, même certaines parties d'Europe ont des communautés de Premières Nations, de véritables indigènes. C'est la même base. On parle de constitution, d'éducation, de santé, des avancées, d'avoir les mêmes opportunités, tout le monde peut se reconnaître là-dedans. En Australie, on a encore des aborigènes qui se battent pour que l'on reconnaisse leurs droits constitutionnels. Il y a deux ans, des Anciens de ses Premières Nations ont exigé de pouvoir faire valoir leur droits et d'officialiser une réconciliation avec une décoration magnifique comme symbole, et le gouvernement a préféré se taire et est resté silencieux face à leurs demandes. C'est honteux quand tu vois que beaucoup d'autres pays ont opéré des réconciliations avec leurs premiers autochtones. Il y a encore beaucoup de problèmes en Australie, on a un gouvernement très conservateur, on se demande encore quels progrès peuvent être faits. On tourne avec une énorme version de cette décoration sur scène, on l'aura en Europe, ça nous semble important d'expliquer aux gens que l'on croise partout dans le monde ce qui se passe. En France, Allemagne, ou en Scandinavie, on a toujours eu un public très ouvert, qui a compris le message dans nos morceaux.
En tant qu'Australien donc, est-ce que tu as malgré tout vu des améliorations qui ont été dues en partie à l'activisme du groupe ou au fait que Peter ait été ministre de l'éducation et de l'environnement ?
Peter a été très engagé quand il a été ministre, il s'est beaucoup battu pour la protection des mers en Australie et la régulation de la pêche. Je ne sais pas si tu es au courant, mais on a tous ces immenses bâteaux destinés à attraper des poissons énormes, peu importe leur taille, et ils attrapent par la même occasion un certain nombre de dauphins, de requins, beaucoup de poissons qu'ils ne sont pas supposés pêcher. Ils ne sont même pas supposés entrer dans nos eaux mais ne respectent pas ça, et Peter s'est arrangé pour faire des pactes pour que la pêche autour de l'Australie continue d'exister sans qu'elle ne soit impactée par ça et que le renouvellement se fasse. Mais ce problème existe partout, en Asie du Sud-Est, en Afrique également. Peter a été très engagé là-dedans, et c'est une continuité de ce que faisait le groupe, on a toujours inclus dans nos actions et nos morceaux ces thématiques. Et ce depuis toujours ! Notre tout premier morceau, "Powderworks", parlait des dangers de la guerre froide, de beaucoup de choses qu'on redoutait et qui se sont avérées vraies dans les années 80. On parlait d'hiver nucléaire, et aujourd'hui on a ce retour de situation avec le président des États-Unis, son rapport avec des pays comme l'Iran. Les rapports entre un dictateur comme Kim en Corée du Nord avec Duterte au Philippines.
Pour l'instant en France, pas mal de festivals. Les Vieilles Charrues, les Déferlantes, maintenant Guitare en Scène. Les festivals sont-ils un bon moyen pour vous de tourner et toucher le plus grand nombre ou est-ce que c'était une volonté d'assurer beaucoup de dates en France ?
C'est une combinaison, je dirais. Ce soir on joue au Grand Rex, et dans ces shows on peut jouer plus longtemps. 1h30 , 2h, des fois un peu plus, et ça nous permet d'explorer tous nos albums, notre répertoire, c'est assez différent. En festival, on est souvent limité à une heure, des fois un peu plus, et les gens qui viennent voient souvent le groupe pour la première fois, donc on ne va pas jouer le même genre de set. On aime donc faire une combinaison des deux quand on peut.
À Guitare en Scène, vous allez avoir un set complet. Est-ce que vous connaissiez le festival avec l'intention d'y jouer, ou est-ce que c'est eux qui vous ont contacté ?
On ne connaissait pas ce festival. On a joué dans beaucoup de festivals, dans différentes villes, et l'idée est de combler les trous dans la carte, d'aller où on n'a pas joué encore, les festivals sont un bon moyen de faire ça. En gros on a dit à notre agent "On a joué à Berlin, ici, à tel et tel endroit.... Maintenant, fais-nous passer là où on n'est jamais allé, dans d'autres festivals". Pour l'instant aucun regret, tout a été génial, avec de supers publics tous les soirs. Et en plus sur celui-là, on a notre ami John Butler, lui aussi australien, qui joue le même soir ! L'occasion de faire quelque chose, peut-être.
Sur ce festival, vous partagez la tête d'affiche avec Mark Knopfler, Joan Baez, Dream Theater. Vous avez partagé la scène avec de nombreux artistes, vécu de nombreuses anecdotes, est-ce qu'il y en a une qui te vient en tête ?
(rires) On a joué à Boston en 1990. C'était le 1er mai, c'était un concert en extérieur et il faisait -2 ou -3° sur scène. On vient d'Australie, on aime la chaleur, et on n'est pas spécialement adapté au froid (rires). Juste avant y'avait les Kinks, et certains groupes qui sont montés sur scène à moitié à poil ! On a joué, nos guitaristes avaient les doigts gelés, moi mes bras n'en pouvaient plus, c'est le show le plus froid qu'on ait jamais fait ! (rires) On fait un concert en Australie à la fin d'année, dans un endroit qui ressemble un peu au Burning Man, ils créent une immense ville au milieu de nulle part. On y joue le lendemain de notre tournée Européenne. Ça va nous changer, parce que le soir il fait froid, autour de 0, 25° en journée. Tout ça pour dire que quel que soit le climat, les situations, si on arrive à monter un spectacle, alors tout va bien.
J'imagine que tu n'iras pas jouer en Antarctique comme Metallica !
(rires) Oh, si, on a même essayé d'y aller figure-toi ! On attend qu'on nous invite à y jouer.
Au festival, nous avons Mark Knopfler et Joan Baez qui sont sur leurs tournées d'adieu.
Oh, j'ignorais, c'est triste.
Est-ce que tu penses que vous continuez grâce à votre rage politique et quels seraient les signes qu'il est temps d'arrêter pour Midnight Oil ?
Bonne question pour finir ! On a pas l'intention d'arrêter, c'est sûr, on a la même passion, la même énergie. Et comme tu le dis, on a encore beaucoup de choses à dire, de choses à combattre, il faut qu'on les mette en musique. On a vu Iggy And The Stooges en Australie, et ils arrivaient encore à faire des concerts de malade, donc tant qu'on est capable de faire des gros concerts, on a aucune raison d'arrêter.
Photos : John Tsiavis, Dana Distortion et Tony Mott. Toute reproducton interdite.