Six ans après le dernier sursaut de vie de sa chaîne YouTube, Michael Pitt, que le grand public connaît principalement pour sa carrière d'acteur (Funny Games, Last Days, Innocents: The Dreamers, ou encore la série Boardwalk Empire...), refait surface dans le monde de la musique avec la publication d'une vidéo longue de 45 minutes, accompagnant un contenu sonore dont plus personne ne se souvenait qu'il l'attendait : Rebirth, l'album perdu de Pagoda !
Une vidéo postée simplement sur YouTube, un titre balécouilles sans majuscule, re birth, et une description que l'on ne pourrait concevoir plus profondément grunge (« This video is about re birth ») : c'est ainsi que Michael Pitt a offert aux fans de Pagoda, s'ils existent encore ou s'ils ont déjà existé, la possibilité d'accéder à une œuvre devenue légende des souterrains.
Après sa création en 2001, après un premier album éponyme en 2007, qui avait permis à tout un tas d'enfants nés trop tard pour assister au feuilleton Kurt Cobain de ressentir un peu les émotions qui avaient été celles des jeunes paumés de la Seattle des 90's, après avoir rendu au violoncelle son statut d'instrument cool, et après avoir été élu meilleur groupe live de tout New-York selon une source que l'on ne retrouve pas du tout (affabulation de jeunesse ?), Pagoda avait frustré son public des années durant, promettant un album qui devait finalement ne venir jamais. Plusieurs morceaux étaient dévoilés de temps à autre, ici sur YouTube, là sur Myspace (c'est dire comme ça date), puis retirés du web ; les suiveurs les plus réactifs avaient à peine eu le temps de prendre ces petits bouts de trucs et de les assembler ensemble, pour tenter de créer l'album que ses créateurs ne créaient jamais.
L'histoire était d'autant plus frustrante qu'à l'écoute de ces précieux extraits, il semblait évident que Pagoda prenait une dimension supplémentaire, mûrissait merveilleusement : c'en était fini de l'ersatz, de cette influence grunge envahissante, et plus encombrante encore lorsqu'on est un blond hirsute aux yeux bleus qui se fait connaître pour l'interprétation d'un méta-Kurt Cobain pour un film de Gus Van Sant. A cet héritage se substituaient des sonorités désertiques, percussions et gammes d'Orient, laissant émaner un mysticisme qui seyait parfaitement à l'interprétation profonde et incarnée de Michael Pitt.
Cette impression est désormais confirmée avec cette publication inopinée : re birth, dont la production semble avoir été bien soignée depuis sa publication éphémère sur Myspace, se singularise par ses arrangements extatiques et ses longues plages hypnotiques, entrecoupées de quelques puissantes estocades fort bruyantes et distordues, qui ne sont désormais plus centrales dans le son de Pagoda, mais nous rappellent tout de même comment on en est venu à la fascination que l'on éprouve à son égard.
Le groupe n'ayant jamais été bavard et cette caractéristique n'évoluant manifestement pas, il est difficile de savoir qui cette exhumation concerne, et ce qu'elle apportera dans le futur ; on aimerait évidemment que le titre de l'album se fasse prémonitoire, et que cette publication enclenche la renaissance du groupe new-yorkais – sans trop d'espoir toutefois, parce qu'on a déjà été déçus et que l'expérience de la vie nous construit une carapace émotionnelle et tout ça.
Crédits photos : Foxes Magazine, Pagoda