C'est au FGO Barbara, à la Goutte d'Or (Paris), que Vincent Bosler (chanteur/guitariste), Olivier Mathios (Basse) et Denis Barthe (Batterie), de The Hyènes, nous ont accordé cet entretien.
Une occasion de parler musique bien sûr, de leur EP tout frais "Ça s'arrête jamais", mais surtout de tout ce qui nous entoure, de leur engagement...
L'aventure The Hyènes a commencé autour d'un projet de film de Albert Dupontel, Enfermés Dehors, en 2012. Vous l'aviez vu, le film, avant de démarrer?
Vincent : Oui, on l'avait vu avant. Albert Dupontel nous avait fourni un montage prévisionnel, et il nous avait donné carte blanche, il nous avait demandé de mettre ce qu'on voulait, où on voulait. Ensuite il a pris les morceaux. Il a gardé des trucs là où on les avait mis, il en a déplacé d'autres, il a pris des morceaux d'un autre compositeur qui bossait aussi sur le film...
Denis : On a composé à l'image. Albert est passé, on avait installé un vidéo-projecteur, il a passé les scènes, et nous on a joué comme ça. A l'image. C'est un exercice hyper intéressant. On ne se définit pas comme des musiciens de cinéma. Mais c'est hyper intéressant, de bosser à l'image, d'être non pas au service, mais d'être inspirés par quelque chose... C'est comme si l'image c'était des paroles. On compose autour de ça, suivant ce que ça nous inspire.
Olivier : Et puis ça nous amène ailleurs, là où on n'irait pas d'emblée si on était tous les quatre, face à une scène.
Denis : On a fait du court-métrage, on a fait le BD-concert, on a fait une musique pour un film qui n'est pas encore sorti... C'est un truc intéressant.
Le film est sorti il y a quelques années. La suite a été entrecoupée par quelques aventures, que ce soit avec le Very Small Orchestra ou Mountain Men entre autres. Et il y a un an, vous avez annoncé votre retour. Qu'est-ce qui vous a motivé?
Vincent : Ce n'est pas un retour en fait. Il y a eu plusieurs parenthèses, comme tu l'as dit, qui ne devaient être que des parenthèses, mais manifestement on n'arrive pas à courir plusieurs lièvres à la fois. Du coup on a ajourné la sortie de l'album, encore et encore. Mais les titres on les a depuis pas mal de temps. On n'a jamais lâché l'affaire en fait. Et puis il y a eu le BD-Concert aussi.
Olivier : Ce truc, le BD-Concert, c'est dingue. On devait le faire 3 ou 4 fois, on ne savait pas trop où on allait. On est restés plus de 3 ans avec 100 dates ! Alors avec tout ça, on avait du mal à ranger notre chambre, avec tous les projets qu'on avait. Et puis voilà, cette fois-ci on s'est remis dans la salle de répéte, et on est repartis sur notre projet d'album, qui finalement était en cours depuis pas mal de temps.
Denis : Il y avait l'envie, il y avait la musique aussi. On n'était pas devant une page blanche à se demander quoi faire. il y a des trucs qui existaient, d'autres qui traînaient. Il y a des choses qui remontent à avant le BD-Concert, qui sont revenues sur le tapis. Il y avait l'envie et la matière.
Avant cette soirée, vous avez eu l'occasion d'étrenner ce nouvel EP notamment à Blanquefort, pour un concert de soutien aux salariés de l'usine Ford. La musique reste-t-elle un vecteur militant ? Et est-ce que ça l'a été d'ailleurs ?
Vincent : Je ne sais pas. On est dans une période paradoxale, où tu vois très bien qu'il se passe des choses terribles, et où tout ce qui est proposé par les politiques, c'est du spectacle, des effets de manche. Du vent, au final. Et on se retrouve dans la situation inverse, où ce sont les citoyens, les musiciens, les scientifiques, qui sont obligés de donner l'alerte.
C'est plus un truc de citoyen que quelque chose de purement musical. Mais l'engagement est en chacun de nous. On a la chance d'avoir un micro, des gens qui viennent nous voir, on peut de temps en temps essayer de faire passer un message, même si c'est très cliché.
Mais c'est tout simplement une façon de raconter nos idées, en tant que citoyen. J'ai l'impression que ça a toujours été comme ça. Quand tu regardes le rock des années 60, j'ai envie de dire de la préhistoire à nos jours, il y a toujours eu quelque chose, un à-côté politique, ou social, en parallèle de la musique
Denis : Mais aujourd'hui, plus qu'un outil de révolte ou de contestation, c'est surtout un vecteur de solidarité. Là on a été sollicités par Philippe Poutou, qui nous a expliqué le problème des ouvriers de Ford, problème qu'on connait bien en tant que Bordelais. Mais ces problèmes-là il y en a dans toute la France.
Et plus ça va, plus on est dans un contexte social où l'on prône la division, le chacun-pour-soi. Il y a quelques prémices de choses où on se dit qu'il faut penser plus globalement des problèmes de société, d'environnement, de notre survie... On dit toujours qu'il faut sauver la planète, mais la planète, elle est sauvée ! Elle a déjà survécu à plusieurs extinctions de masse, elle survivra à la prochaine. C'est nous qu'il faut sauver, pas la planète. On a, comme disait Vincent, un micro devant la bouche et un spot au-dessus de la tête. Si on peut en profiter pour faire passer des choses qui nous semblent importantes... Après, je pense qu'il n'y a aucune chanson qui a changé le monde. Même celles de Bob Dylan elles n'ont pas changé le monde.
Nous on est des musiciens, on n'est pas autre chose. Il y a des vilains mots, décideur, donneur d'ordre, ce sont des vilains mots qu'on utilise constamment, alors qu'on a juste une seule envie, c'est d'être consultés, d'être respectés. Si on a l'occasion d'apporter un peu d'eau à ce moulin qui en manque beaucoup, alors pourquoi pas.
Revenons à la musique, au rock. L'esprit du rock existe-t-il encore?
Olivier : Tant que ça continue à jouer, c'est bon signe. Alors évidemment, on peut dire que c'était mieux de notre époque, des trucs comme ça. mais ce que je trouve intéressant, c'est qu'on dit que ça s'éteint, mais il y a toujours autant de groupes qui jouent. Les gamins reprennent les guitares... Après c'est l'exposition qui est moindre. Je travaille dans pas mal d'ateliers avec des gamins, et ça joue encore, autant qu'il y a 10 ans, qu'il y a 20 ans.
Denis: Chaque année, il y a toujours un prophète, un mec un peu con, qui dit que le Rock'n'Roll est mort. Mais en fait c'est lui qui est mort ! C'est lui qui est en train de mourir, c'est pas le Rock'n'Roll ! Bien sûr que ce sont des vagues. Peut-être que dans 5 ans les groupes seront tous dans le reggae. On a eu un passage rap énorme. Un passage électro énorme. Là il semblerait que les mômes recommencent à écouter des groupes à guitare. Je pense que c'est un éternel recommencement, un éternel foisonnement.
Le Rock'n'Roll, c'est un peu un phoenix. Il meurt, il renaît, il meurt, il renaît... Peut-être qu'on aura une période hippie bientôt, qu'on ira tous se promener à poil dans les champs...
Vincent: On est dans une soirée "Punk Is Not Dead", on ne peut pas passer à côté non plus. "Punk Is Not Dead", la contestation elle est toujours là, quelque soit le style musical d'ailleurs. Plus on essaye de nous endormir, et plus on voit que les gens sont quand même réveillés. Qu'il se passe quelque chose.
Denis: On est revenu presque à l'état des années 70. Tout était dinosauresque. Les festivals étaient énormes, tenus par les financiers de l'époque. Les groupes étaient énormes. Il n'y avait que des dinosaures que tu allais voir dans des grandes messes, où tu voyais les gens à 150 mètres. Les petits groupes ne pouvaient plus exister parce qu'il n'y avait pas de place pour eux.
Et là, est arrivée la vague Punk, qui a tout dézingué. Tu sais placer 3 accords, tu vas monter sur des petites scènes, et tu vas juste essayer de vivre.
On oublie toujours un truc, qui m'hallucine à chaque fois. Quand on parle du Punk, on dit toujours "No Future". Mais l'important, c'est la fin de la phrase. "No Future for You" ! C'était pas "No Future" pour eux, c'était "No Future for You". Pour vous. Pour votre système, pour votre manière de voir les choses.
Et ça, ça revient un peu. Les festivals sont rachetés par les grosses boîtes, les Vivendis, et les autres. Et donc on est revenu à cet état de chose, des grandes messes dinosauresques, où on paye les places une blinde, pour voir des groupes qu'on adore à 200m de la scène. Est-ce que c'est ça le plaisir de la musique, je ne sais pas...
Tu prédis un nouveau truc, un nouveau mouvement, comme le Punk il y a quelques années?
Denis: ce ne sera sans doute pas la même musique, mais oui, ça pourrait bien. Il y a eu ça avec l'électro déjà. L'électro, ils ont été très malins. Ils n'ont pas essayé de combattre le système, ils ont créé le leur à côté. Ils ont dit, on va tout faire à la main, on ne va pas toucher à votre business, qui est si bien huilé et qu'on mettrait des années à démonter, on va faire notre truc à côté.
Et je pense que si des petits festivals veulent créer des choses, si les artistes jouent le jeu aussi, ça se pourrait. Et Internet est un vrai atout pour ça. L'industre du disque s'est plaint de Internet, mais il ne faut pas oublier que tous ces gens-là avaient fermé la porte à tous ces petits groupes qui essayaient d'exister. Internet reste un moyen d'exister, de présenter leur musique, pour tous ces groupes-là.
Revenons à The Hyènes. Aujourd'hui c'est la sortie d'un EP, "Ça s'arrête jamais", suivie de quelques dates. Et l'album ?
Denis: L'album sera pour septembre 2020 normalement. Et puis il y aura sans doute un deuxième EP en avril, parce qu'on a des trucs. On a du matos. Et puis parce que on ne tiendra pas un an avant la sortie de l'album, il faudra bien qu'on fasse quelque chose pour se faire plaisir.
Il va parler de quoi, cet album? Vous le savez déjà?
Vincent: On a déjà une dizaine de titres en boîte, plus un ou deux bonus. L'album précédent était très engagé, et c'est un truc qui reste. Mais là il y a des trucs un peu plus intimes. Presque des chansons d'amour. Du désespoir positif. Musicalement c'est une évolution aussi. On est passé par différents trucs, notamment le BD-Concert, et ça s'est un peu ouvert. Ca reste The Hyènes, un groupe à guitare, ça restera brut.
The Hyènes est à suivre sur facebook ici.
Nouvel EP, "Ça s'arrête jamais", disponible dans toutes les bonnes fromageries.