Est-ce le grand âge ou la province, ou bien le style musical qui veut ça, le concert de Winter Family qui s'est déroulé au planétarium de Poitiers était un concert assis. La salle, le planétarium donc, offre une voûte hémisphérique, et le public bien calé sur les strapontins moelleux a pu assister à une prestation cosmique intimiste au son de la pop funéraire (le terme est des artistes) du duo franco-israélien Winter Family. Le groupe présentait sur scène son troisième album, South From Here, qui date déjà de 2017.
Le style ne semblera peut-être pas rock aux plus puristes, il n'y a pas de guitare, mais de la guimbarde, des clochettes, et même de l'harmonium, qui appuient la voix scandée de Ruth Rosenthal. Elle parle, elle déclame, elle chantonne, en israëlien, français ou anglais, elle siffle et bruite des explosions, tout en dansant des mains. Les musiciens, vêtus de sombre, sont comme cachés derrière ces mains menues et volubiles qui captent toute la lumière, qui s'agitent, qui s'expriment par des gestes élancés. Quand ses mains ne dansent pas, elles manient les baguettes des percussions. Xavier Klaine, blotti dans son synthé, accompagne ce chant d'un son envoûtant.
La musique est étrange, onirique, et on peut entendre des flonflons de fête foraine sur des paroles comme "Ici c'est la guerre", décalage perturbant, aigre-doux. Bruitages d'explosions ou air nostalgique joué à deux mains sur l'harmonium, mélodies plus rythmées et électroniques, l'expérience est intense. Parfois, le duo devient trio, avec la montée sur scène d'une flûtiste, et les mélodies gagnent en douceur.
Un concert d'une grande délicatesse, à l'image du fragile phasme qui orne la pochette de l'album, et joliment inclassable.
Photos : MB-Lieu multiple/EMF