Tous les spectateurs de plus de 25 ans ont dû se prendre un méchant coup de vieux en ce vendredi soir à la Boule Noire car la scène a été prise d’assaut par des gamines – et quelques gamins – à peine majeurs, maniant les guitares électriques avec une énergie revigorante. Quand on vous dit que le rock n’est pas mort…
Lauran Hibberd
Sur disque, Lauran Hibberd ne semblait pas extrêmement convaincante : trop pop, assez mièvre, pour tout dire globalement insipide.
Alors quand on voit ce qui s’agite sur scène, on se dit que la première partie a dû changer au dernier moment. Mais non : la demoiselle est juste beaucoup plus percutante sur scène que sur disque. Entourée de trois musiciens et alternant entre basse et guitare, elle assène donc des compositions, certes pas forcément démentielles, mais assez rock qui donnent envie de sautiller en rythme.
La chanteuse, à qui l’on trouve de faux airs d’Elle Fanning – plus version Teens Spirit que How To Talk To Girls At Parties, dommage – est en plus de cela très à l’aise sur scène, elle parle énormément et s’avère souvent très drôle, que ce soit pour raconter ses dernières mésaventures parisiennes, tenter de caser son batteur, ou recommander un moyen imparable de sortir de la pauvreté – se trouver un « Sugar Daddy », titre d’une de ses chansons, et vivre à ses crochets.
Son répertoire étant encore limité, il passe quasiment en intégralité dans cette première partie et le public, en majorité très jeune lui aussi, l’accueille avec enthousiasme. Si les prochaines sorties studios se rapprochent plus de ce qui a été montré sur scène que de la discographie existante de Lauran Hibberd, celle-ci pourrait avoir une carrière plus intéressante que ses premiers enregistrements laissent penser.
Setlist
Call Shotgun
Bang Bang Bang
Hoochie
What Do Girls Want?
Sweat Patch
Frankies Girlfriend
Sugardaddy
Shark Week
The Regrettes
A Rock En Seine, le cru 2018 avait été bon sans être extraordinaire, et les vraies claques s’étaient comptées sur les doigts d’une main – vous nous direz, pour mettre une claque, une main suffit… The Regrettes avait été de celles-là : trois filles et un garçon à peine sortis de l’adolescence qui avaient embrasé la scène de la Cascade, dégainant des compositions aux relents punk et provoquant quelques-uns des rares pogos rock du festival, notamment grâce à une interprétation habitée de « Killing in the Name of », le tube aussi culte que ses interprètes originels de Rage Against The Machine.
Un an après, le second album du groupe, How Do You Love, nous avait paru sympathique mais bien loin de la rage survenue durant ce concert. Alors forcément, la tournée suite à cette sortie est attendue pour savoir si le quartette s’est déjà assoupi sur ses frêles lauriers.
Après l’introduction enregistrée « Are You in Love ? », qui ouvre aussi le dernier album, le groupe met à peine quelques dizaines de secondes à nous rassurer : non, il ne s’est pas mis à faire de la pop vaporeuse sur scène. Les deux guitaristes Lydia Night et Genessa Gariano enchaînent les riffs rageurs et tous les instruments sonnent de façon beaucoup plus intense et enragée que sur album. Ce n’est pas non plus du punk hardcore, mais c’est du bon indie rock californien aux vrais relents de punk mélo. Les guitares sont plus saturées, la basse de Brooke Dickson plus puissante, la batterie de Drew Thomsen moins en retrait : on dirait que sur scène, le quartette lâche la bride.
C’est abrasif, entrainant, revigorant : fidèle au concert de Rock En Seine plus qu’au dernier album studio. Pourtant, celui-ci est sur-représenté avec huit titres sur 14, le premier album ayant droit à trois, quelques EPs complétant l’ensemble. Mais la différence est telle qu’on se demande si le groupe, encore très jeune, n’a pas été trop timide dans la production, cherchant à obtenir un son trop propre, ou s’il lui a été conseillé de lisser son son pour paraître plus accessible. Auquel cas, c’est une grave erreur, les versions albums semblent parfois assez fades, alors que les versions scéniques fougueuses et enragées restent parfaitement audibles par le grand public pour peu qu’il ne fasse pas d’allergie aux guitares.
La jeunesse du groupe est en tous cas quelque chose qui stupéfait toujours autant sur scène : les membres semblent avoir 15 ans de moyenne d’âge. La chanteuse guitariste Lydia Night, avec son maquillage pailleté, est très charismatique et on sent déjà l’expérience de quelqu’un qui sait tenir une scène et un public, mais en même temps, elle arbore parfois des moues de gamines qui rappellent qu’elle sort à peine de l’adolescence.
Elle communique pas mal avec le public, lui aussi très jeune – quelques vieux sont disséminés ici et là, expliquant que c’est la première date de la tournée européenne et qu’il s’agit pour les spectateurs d’être les plus fous possible. Elle tente même de lancer un wall of death, mais avec 50 cm entre les deux parties du mur, on ne peut pas dire qu’il soit particulièrement impressionnant.
Sur la dernière chanson, la chanteuse demande à « toutes les femmes et les personnes non binaires de s’avancer devant la scène », expliquant en substance que dans la période actuelle il n’est pas toujours facile d’être une femme, mais que si autant de gens veulent faire taire ces dernières, parce que « ces gens-là savent à quel point les femmes sont puissantes ». Une conclusion politique que le reste du concert mais qui montre qu’en dépit – ou grâce ? – à leur jeune âge, les Regrettes ont à la fois la musique, l’attitude et le message d’un groupe de rock tout à fait captivant.
Setlist
- Are You in Love? (Intro)
- California Friends
- Dress Up
- Come Through
- Go Love You / Picture Perfect
- Hey Now
- Lacy Loo
- Pumpkin
- I Dare You
- More than a Month
- Fog
- Seashore
- Stop and Go
Rappel:
- Poor Boy
Photos : David Poulain. Reproduction interdite sans autotorisation du photographe.