Lorsque la reformation de Ludwig Von 88 a été annoncée en 2016 après de nombreuses années de silence, on ne savait pas trop quoi penser de ce retour tant le groupe est pilier de la scène punk rock alternative des années 1980. Mais très vite, le quatuor déjanté s'est imposé au fil des concerts et a (re)gagné par la force du poignet tous ses fans de la première heure... et même ceux qui n'étaient pas encore nés lorsque le groupe s'imposait en France ! Fort de ce succès, les Ludwig Von 88 ont même concocté un nouvel album intitulé 20 Chansons Optimistes Pour En Finir Avec Le Futur et qui se place d'emblée comme l'un des disques de punk rock français les plus marquants de cette fin d'année 2019. Après un passage remarqué (et remarquable) lors de l'Xtreme Fest d'Albi cet été, voilà que les vieux roublards sont de retour à Toulouse dans l'antre du Bikini, 3 ans après un concert de reformation sold-out. Inutile de dire qu'en ce soir du samedi 7 décembre, nombreux sont les fans déjà solidement accrochés à la barrière de devant la scène...
SCHLAASSS
Mais pour l'heure, c'est le duo punk/rap/électro déjanté de Schlaasss qui se charge de lancer les hostilités. Autant le dire tout de suite : le groupe va prendre à revers le public toulousain qui ne s'attendait pas à une telle tornade. En effet, même si Schlaasss invoque parfois l'esprit de Ludwig Von 88 dans son approche artistique, sa musique s'en éloigne drastiquement. En effet, les Stéphanois envoient un rap punk énervé et barré qui agresse les yeux et les oreilles... mais dans le bon sens du terme ! Véritable enfant caché d'une partie fine entre Sexy Sushi, Stupeflip, Didier Super et Ludwig Von 1988, Schlaasss a pris tous les meilleurs côtés de ses aînés pour recracher une musique brute, primitive et sans concession. Avec ses textes provocateurs et sa prestation scénique malsaine, le duo n'a pas de mal à marquer les esprits et faire adhérer les spectateurs. Ces derniers, véritablement dubitatifs en tout début de set vont peu à peu se rapprocher de la scène pour se surprendre à scander des "salope" avec le groupe sur le morceau du même nom !
Bref, au fil de titres aussi accrocheurs que violents comme "Les Moches", "La Bagarre", "Pupute" ou "Selfie", Schlaasss va délivrer un concert coup de poing d'une rare intensité et ce, malgré quelques petits problèmes techniques (faux départs de la boite à rythme, Mika qui jette son micro dans le public en le faisant tournoyer, etc.). On sent que Schlaasss est une personnalité à part dans le petit monde aseptisé de la musique rap/électro à la sauce punk et son énergie non canalisée est un véritable bol d'air frais comme on aimerait en voir/entendre plus souvent ! Quelle gifle, mes aïeux !
LUDWIG VON 88
Après un rapide changement de plateau lors duquel de nombreux déguisements sont entreposés ici et là, c'est au tour des vieux roublards de Ludwig Von 88 de rentrer sur scène sur un furieux "Sur La Vie De Mon Père" qui va mettre le feu au pit dès ses premières mesures. En effet, le public se presse en masse sur le devant de la scène pour pouvoir se prendre dans les oreilles les classiques de la belle époque comme "Oui-Oui Et La Voiture Jaune", "Mon Cœur S'Envole", "Bilbao", "HLM" et bien sûr "New Orleans". Et le moins que l'on puisse dire c'est que ça marche plutôt bien même s'il faut avouer que ce début de set est un peu poussif dans la mesure où on a l'impression que le groupe est un peu en pilotage automatique. Cependant, au bout de quelques titres les choses commencent à se décanter si bien que les Ludwig Von 88 seront un peu plus incisifs. À ce titre, le nouveau morceau "Jean-Pierre Ramone" va mettre tout le monde d'accord et relancer la machine ! Sur scène, la bande des quatre se donnent à fond (malgré l'âge et l'embonpoint) et il faut bien avouer que l'ensemble tourne bien. Bruno à la gratte et Charlu à la basse tiennent le haut du pavé et délivrent une prestation très correcte ("Sebastiano Furioso", "Guerriers Balubas", "O Tchang"...).
Mine de rien, le public du Bikini se retrouve transporté quelques années en arrière dans les années 1980 / 1990 avec des morceaux qui font du bien à réentendre comme "Louison Bobet For Ever" ou "Paris Brûle-t-il ?". En effet, en axant sa set list sur des vieux classiques ponctués de morceaux plus récents ("En Avant Dans Le Mur") qui démontrent que le groupe a encore des choses à dire. Côté le public, l'ambiance est excellente et les plus anciens n'hésitent pas à pousser la chansonnette avec Karim avec une petite pointe de nostalgie.
Cependant, l'humeur n'est pas à la mélancolie car les Ludwig Von 88 sont restés de grands enfants. Ainsi, entre les nombreuses vannes, les déguisements en tous genres et l'humour à tous les étages, le groupe montre qu'il est vraiment content d'être sur scène et partage son plaisir avec l'audience. On sent que ces gars-là prennent du plaisir à jouer des morceaux décalés ("J'ai Gobé Du LSD", "Nous Sommes Des Babas", "Pocanhontas (Chaque Fois)", "30 Millions D'Amis", ...) sans prise de tête. Après le sempiternel "Trash Medley" qui annonce la fin du set, le groupe finira de mettre tout le monde à genoux sur le classique "William Kramps Le Tueur De Boucher" et l'indémodable "Houla La !". Voilà, une véritable cure de jouvence qui fait du bien...
Au final, malgré un concert un peu en demi-teinte en début de set, les Ludwig Von 88 ont réussi à redresser la barre pour en mettre plein la vue et plein les oreilles du public toulousain. Avec son nouvel album en poche et une fan base toute acquise à sa cause, le groupe prouve qu'il a encore de beaux jours devant lui. Non, le rock alternatif français n'est pas mort, qu'on se le dise ! Ludwig Von 88 est toujours dans la place !
Un grand merci à Les Productions du Possible, Mick ainsi qu'à toute l'équipe du Bikini
