Il a bien longtemps que la Catalogne nord est une place forte de la scène garage punk et mod en France. Le double LP, récemment chroniqué par Le Mad dans les colonnes de la Grosse Radio en est un parfait témoignage. Les activistes de ces scènes ont mis ce soir les petits plats dans les grands et ont ramené à l’affiche du Mediator, magnifique salle de concert de la capitale du Roussillon, deux formations ayant défrayé la chronique au milieu des années 90.
Un comeback quelques 25 ans plus tard, sur le papier, ça a de la gueule…. La ville de Perpignan est prête. L'événement est annoncé en grande pompe sur les panneaux publicitaires. Mais voyons comment ça s’est passé…
Plus de 500 personnes pour voir et surtout écouter du rock‘n’roll gorgé de fuzz et d’orgue. C’est déjà en soi un phénomène assez rare pour être signalé. C’est vraiment la preuve que la scène garage a marqué les esprits et continue à le faire actuellement. Ce n’est pas Lionel Limiñana, fervent activiste de cette même scène, qui nous dira le contraire. Depuis, le succès a frappé à sa porte et s’il se retrouve placé comme le fer de lance de la mouvance rock en France, le résident de Cabestany n’en oublie pas ses racines. S’il n’est pas sur scène ce soir, il est bien présent dans la salle pour applaudir ceux avec qui il a croisé la scène et la guitare à maintes reprises il y a plus d’une vingtaine d’années.
Soirée d’anciens combattants sponsorisée par Nostalgie ? Que nenni ! La radio ferait partir en syncope la plupart de ses auditeurs si elle osait passer ne serait-ce que quelques secondes de "Teenage Cavemen", morceau phare des Feedback à la puissance de feu d’une escadrille de B’52’s ! Même France Bleu Roussillon qui, dans l’émission de "Visca La Musica" consacrée à la scène musicale locale, présentait la compilation et la soirée, a dû couper "Teenage Cavemen" moins d’une minute avant son lancement en précisant qu’il s’agissait d’un son fuzz, rock et "velu".
Effectivement la soirée Back From The Canigó était bien rock, fuzz et velue ! On y retrouve essentiellement un public de quadragénaires ayant vécu le phénomène original de l’intérieur. Mais pas que… A Perpignan, le vivier rock et surtout garage ne s’est jamais tari. Les groupes se forment et se défont sans cesse depuis les 90’s qui ont vu la naissance de cette scène protéiforme. Beaucoup laissent au passage quelques traces en studio du plus bel effet ce qui permet aux auteurs de la compilation Back From The Canigó d’entrevoir sereinement la suite avec le début d’une possible collection. Souhaitons-leur la même fortune que les illustres Back From The Grave ou autres Peebles !
Mais, une fois les retrouvailles passées, place à la musique. Les Likyds arrivent sur la scène. Ceux que les plus jeunes n’ont connu que sous leur évolution Hushpuppies avec le fameux "You’re Gonna Say Yeah" attendent avec impatience les premiers décibels de la soirée. Alors que backstage, le combo nous avoue avoir répété de manière plus qu’aléatoire et ressentir une certaine pression avant de monter sur les planches, les premières notes de l’intro suffisent à conquérir le public qui vient s’agglutiner tant bien que mal devant la scène. L’âme de musicien repend très vite le dessus et le plaisir de jouer ensemble se retrouve dès les premières mesures. Enthousiasme bien sûr communicatif. Le public est conquis d’avance.
La magie revival opère sur les plus anciens ayant connu les riches heures des Likyds au Malassis, le bar qui fut leur quartier général à l’époque. D’abord les souvenirs affluent puis on se reconcentre sur la musique. Les six envoient du très bon son. On a affaire à de très bons musiciens et deux ou trois répétitions ont suffi pour que les choses soient calées. Puis la scène galvanise tout le monde. Si on rajoute un côté affectif où les membres du groupe jouent pour la première fois ces morceaux devant leurs familles et leurs enfants, la boucle est bouclée. Un très bon set donc pour les Likyds avec ce "Marbu Dorada" en final avec toutes les familles et enfants sur la scène. Magique !
Après le set, ruée au bar pour se désaltérer ! Les platines, en attendant les Feedback, ont été confiées aux bons soins de deux grands activistes de la scène garage catalane. Frank Mengin et Nicolas Delseny, membres des fondateurs du revival garage fin 80 Les Gardiens du Canigou, font monter encore d’un cran une atmosphère chauffée à blanc en attendant les Feedback.
Photo : Olivia LEPOLARD
On ne présente plus les Feedback en terres catalanes. Dans le milieu des années 90, les Feedback accompagnés des Beach Bitches étaient ce qui se faisait de mieux dans le monde du garage punk. L’héritage mod des Ugly Things s’était estompé et le groupe lorgnait beaucoup vers des choses un peu plus trash mais toujours Big Muff à fond !
Soixante-six pour cent du trio d’origine se présente en face de nous ! Fabrice "Malone" à la guitare et au chant et Tonio derrière les fûts sont prêt à en découdre. Psycho Pat et sa basse Vox Teardrop manquent à l’appel. Pas grave, Phil (Crank, Sonic Chicken 4,...) va suppléer. Son talent et son amour de la chose garage lui feront ingurgiter les morceaux vitesse grand V et les autres pourront compter sur lui.
Les Feedback ont décidé de commencer à fond. Les deux gros singles "She ‘s So Fine" et "Teenage Cavemen" sont alignés en tout début de set. Et là, une folie furieuse s’empare du public. Une foule chaude comme la braise ! Ca pogote plus qu’au Hellfest ! Jeunes, vieux (enfin quadras, nous, quoi..), femmes, enfants… Tout le monde saute dans tous les sens ! Fabrice n’a pas son pareil pour galvaniser une foule et malgré les 25 ans jours pour jours après leur premier concert au Malassis (le 7 février 1995 avec la formation des Electric Feedback Four) et presque 20 ans sans jouer ensemble, qu’est-ce que c’est bon ! On se dit même qu’avec les moyens de diffusion actuels, le groupe aurait certainement connu un succès bien plus grand mais ça c’est une autre histoire…
Revenons au direct ! A peine deux titres et c’est déjà la folie furieuse. Les gars en ont encore sous le pied. "Human Fly" et "Come With Me", encore des titres gravés à l’époque sur le label de Lionel Limiñana, LGDC Productions. Le public hurle en chœur les paroles avec Fabrice. Les vieux souvenirs ressurgissent de toutes parts. Sur scène, même joyeux bordel qu’à l’époque… Ça joue très fort, on retrouve les galères de pédales et malgré des jacks capricieux, Fabrice continue de dérouler. Les ex-Gardiens du Canigou, Sex God Missy, Uguet 68 amassés devant la scène n’en perdent pas une miette. "Big Fuzz Party" met la foule en transe tout comme "Don’t Tell Me Lies" vraiment imparable live.
Pour cette soirée un peu spéciale, Fabrice n’oublie pas qu’il a joué avec Lionel Limiñana et Thomas Arcens, batteur des Buissons, dans les Vox Men. Quelques titres du combo vont donc être interprétés par les trois mousquetaires sur les planches. "Midnight Trouble" et "Bo Diddley" vont nous envoyer dans les gencives quelques giclées lysergiques. Les gars se fendront de deux compos bien senties. En deux répet’s, deux compos… On se prend à rêver à un retour plus conséquent que ce "one shot" des Feedback… L’avenir nous le dira…
Pour l’instant, à court de morceaux répétés et n’ayant aucune intention de quitter les planches en fin de set tant le public en redemande, voilà le trio reparti dans une version dantesque de "Teenage Cavemen" ! Quel final ! Et ça ne suffit toujours pas… On remet une couche de "She’s So Fine"…. Le public exulte… Les trois vont pouvoir quitter la scène avec la satisfaction du devoir accompli…
Le public comblé va prolonger la soirée avec Nico et Franck… Une ambiance étonnante s’installe. Tout le monde se congratule. On échange des souvenirs. Chacun raconte son histoire et sa vision de ces glorieuses années que l’on a eu la chance de revivre pendant quelques heures. Et sur toutes les lèvres, une même question : « Y aura un volume deux de la compil Back From The Canigó ? » Parce que des soirée comme ça, on en redemande !!!
Setlist Likyds : Intro, From 42 To 66, Fly, I’m Gonna take You, Magic Potion, It’s All Over, 1-2-5, Move Your Hip, Gonzozilla, Dim Surf Revolution, Marbu Dorada
Setlist Feedback : She’s So Fine, Teenage Cavemen, Human Fly, Come With Me, Big Fuzz Party, Shake Your Body, Don’t Telle Me Lies, Kinky Girl (nouvelle compo), I Soul (nouvelle compo), Midnight Trouble (Vox Men cover), Vampyre, Bo Diddley (Vox Men cover), Wee Fuck, Teenage Cavemen (reprise), She’s So Fine (reprise)
Photos Eric Jorda (sauf mention contraire)