Souviens-toi, c'était en décembre dernier.
Tu avais bravé les éléments, les grèves des transports, la pluie, l'apocalypse et deux-trois autres périls majeurs, pour venir au Trianon.
Souviens-toi, tu étais arrivé les pieds brulants dans la salle.
Souviens-toi, c'était la fête. C'était les Ludwig Von 88.
tRukks
Souviens-toi, tu avais commencé la soirée par aller récupérer ton breuvage sacré, une Kékenne tiède bien fadasse mais que tu aimes quand même. Et puis tu étais parti voir tRukks, de Vesoul.
Souviens-toi, tu étais un peu perdu dans cette grande salle pas encore pleine, même si la soirée était sold-out. Alors tu étais parti voir de plus près ces minots, qui s'envoient dans un style entre Metal et noise, un peu de Punk-Rock dedans... Souviens-toi, tu as souri lorsque les tRukks ont évoqué leur provenance, de Haute Patate. Et tu t'es replongé dans ces tempos lourds, à la croisée de tous les mouvements du Rock. Tellement à la croisée qu'ils en ont perdu la moitié de la salle, venue voir du Punk-Rock rigolo-mais-pas-que, et déstabilisés par tRukks.
Souviens-toi, tu avais décidé d'une manière quasi-dictatoriale que tRukks, tu écouterais bien plus tard, mais que pour cette soirée la cohérence de la programmation ne te sautait pas aux oreilles, et que du coup tu allais t'en jeter une autre.
Ludwig Von 88
Souviens-toi, tu étais un peu fatigué ce soir-là. Parce que venir au trianon, en plein Pigalle, un jour de grève, ça fait chaud dans les rangeos. En plus il pleuvait, et ça c'était forcément un coup du gouvernement pour casser la grève, mais pas grave on allait tous tenir, les grévistes comme les autres.
Souviens-toi, tu en étais là de tes considérations du moment lorsque les Ludwig Von 88 sont arrivés sur scène. Tu as vu Junior Cony courir partout chercher le câble débranché, qu'il a finalement trouvé aux pieds de Charlu, puis le son est monté, fort, et tu t'es jeté dans le pogo. Direct. "J'ai tué mon père car il souffrait trop". A peine le temps d'admirer la spendide perruqye Grand Siècle de Karim, que tu étais déjà en sueur. Et oui, c'est ça le Trianon, froid dehors mais bouillant dedans !
Souviens-toi, tu as vu les morceaux se mélanger. Les vieux, les derniers. "Disco Pogo Nights", ou l'histoire d'un groupe cohérent de ses début à maintenant. Mélange de styles, Punk bien sûr, mais aussi Reggae, Rock tout simplement. Avec en guest un bon flot Ragga, le fidèle Toto Bavarois venu pousser la chansonnette.
Souviens-toi comment tu étais ému de ré-entendre les titres de ta jeunesse, "HLM" ou "Oui-Oui", "Club Méditerranée" bien sûr... Souviens-toi, tu as même posté la liste des titres à la fin de l'article.
Souviens-toi enfin que les Ludwig se sont même entourés d'une section cuivre, et de choristes. Tout pour faire la fête. Souviens-toi des ballons géants dans le public, des confettis, et de tout ces gens avec la banane. Souviens-toi aussi que tu t'es dis quie vraiment, les titres du dernier album se marient fort bien avec les anciens. Souviens-toi de l'enchaînement entre "Pocahontas" et "en avant dans le mur", deux époques, deux styles, et pourtant une fluidité surprenante.
Souviens-toi surtout que la fin du concert venue, tu as mis du temps à redescendre. Parce que les Ludwig Von 88, c'est quand même une fiesta garantie. Un dernier "Houlala" pour sonner la fin de la partie, tu l'attendais depuis le début, alors tu as jeté tes dernières forces au milieu du public, au milieu des slammeurs, dans ce pogo rigolo qui au final aura duré tout le concert.
Souviens-toi, c'était décembre 2019, les grèves, la colère, et Ludwig Von 88 jouait au Trianon.
Photos : Arnaud Dionisio / © 2019
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