Parfois, il nous arrive des ovnis dans le monde de la musique que l’on ne sait où classer. C’est le cas de Pulled By Magnets, projet réalisé par un trio de musiciens au CV déjà bien fourni qui signent ici leur premier album ensemble.
A la tête de cet objet inclassable : Sebastian Rochford, batteur qui a officié chez Patti Smith, Brian Eno ou David Byrne. On a vu pire comme références. A ses côtés, le bassiste Neil Charles et le saxophoniste Pete Wareham, qui partage avec Rochford une appartenance à Polar Bear.
Ils se sont tous les trois lancés dans un album entièrement instrumental, Rose Golden Doorways, qu’ils assurent avoir enregistré seulement tous les trois, en prise live, et sans ajout. Et à écouter l’album, c’est paradoxalement difficile à croire et terriblement évident.
L’avantage avec les albums instrumentaux, c’est qu’ils laissent beaucoup de place à l’imagination, et peuvent vite se lancer dans des ambiances cinématographiques. C’est clairement le cas ici, et quand on sait que Rochford a composé plusieurs bandes-originales, on comprend pourquoi cet aspect « film » est si présent. « Those Among Us », en particulier, donne l’impression d’être plongé au cœur d’une usine ou des machineries d’un paquebot.
Les pistes sont plutôt prenantes, elles donnent l’impression d’être foisonnantes, et de faire appel à une multitude d’instruments. Et pourtant, elles semblent souvent presque minimalistes. Le rythme est souvent lent, et c’est l’un des défauts de l’album : le manque de variations finit par lasser, et, alors que les pistes proposent beaucoup d’expérimentations sonores, cette monotonie rythmique donne une sensation de redite.
La batterie de Rochford est omniprésente – ceci dit, à trois, il est facile de se faire entendre –, souvent lente, lourde, oppressante, elle arrive à elle seule à instaurer une ambiance, et on ne sait parfois plus s’il s’agit bien d’une batterie ou si quelqu’un tape comme un forcené sur un matériau indéterminé.
A la basse, Charles n’est pas en reste. Souvent mis en retrait dans des formations de rock et de metal classiques, l’instrument a ici tout loisir de s’exprimer, de créer des atmosphères « psyché planant dans le cosmos », qu’elle soit distordue ou non, remplacée semble-t-il sur certains titres par une guitare tout aussi expérimentale.
Mais c’est peut-être le saxo de Wareham qui surprend le plus. Les instruments à vent sont omniprésents, mais il est difficile d’affirmer que tous ses passages soient du saxophone, tant les sonorités sont variées, étranges, inattendues.
L’album présente donc des musiciens qui maîtrisent leur sujet et savent faire preuve d’inventivité. Pourtant, il manque quelque chose à ce Rose Golden Doorways pour complètement nous emporter. Le rythme trop monotone n’aide pas, et les mélodies ne sont peut-être pas assez travaillées, comparées à l’inventivité mise en œuvre dans les arrangements. Du coup, ceux-ci finissent par ressembler à une démonstration de technicité, sans réel souci d’accrocher l’auditeur, qui risque par trouver l’album un peu trop long. De plus, certains partis pris de mixage sont très curieux : certaines pistes ont un volume sonore très bas, ce qui oblige à monter le son à fond… qui se retrouve du coup beaucoup trop fort sur la piste suivante.
Rose Golden Doorways est donc loin d’être exempt de défauts, mais il montre en tous cas la qualité de ses musiciens et une inventivité indéniable. Le trio, expérimenté, offre en tous cas ensemble un premier album solide, et qui donne envie d’entendre bientôt de nouveaux travaux de Pulled By Magnets.
Tracklist
1. Nowhere Nothing
2. Slow Shrouded Aisle
3. Breath That Sparks
4. Those Among Us
5. The Immortal Fire
6. Cold Regime People Die
7. Within
8. The Moon Of Oduglin
9. Invite Them In
Sortie le 28 février chez Differ-Ant / Glitterbeat
