Rencontre avec l’Australienne Georgia Knight

Il aura suffi d'un mail sans objet de la part de Georgia Knight pour que sa musique atteigne nos oreilles. Et pourtant le son partait de loin, de Melbourne, en Australie, pour être précis. Deux lignes, un lien d'écoute et un merci en français, il n'en faut parfois pas plus. Il suffit de cliquer, de lancer le morceau et de se laisser emporter par une voix des plus matures et chaudes pendant près de 6 minutes 30. Nous sommes touchés dès la sobre intro d'1 minute 30 en guitare voix. Puis l'emballement ou du moins, l'envolée. Le nom de la chanson en français ? "Laissez-moi sortir". Parfait timing. Un bon paquet d'écoutes des 5 titres dispo sur la page soundcloud de l'artiste, puis à notre tour un mail : Si vous voulez bien répondre à quelques questions, nous aimerions en savoir plus...

Vous êtes une jeune musicienne australienne, vous nous avez envoyé le titre « Let’s Have I Out » comme carte de visite puisque vous n’êtes pas connue en France. Il n’y a pas vraiment d’info sur vous sur internet, pouvez-vous vous présenter au public français ?

En 2018, je suis restée à Paris un moment, dormant sur le sol chez des amis pendant quelques semaines. Je me suis promené dans la ville, ressentant l’exaltation de l’art à chaque coin de rue. J’étais comme une gosse dans un magasin de bonbons.
Je ne peux pas parler précisément du genre de musique que je joue. J’aime le rock, la folk, la country. Tout cela est probablement présent dans ce que j’écris. C’est de la musique pour celles et ceux qui aiment mettre leurs écouteurs et qui aiment plus qu’un genre de musique.
Bonjour public français ! J’espère vous rencontrer bientôt !

Pourquoi avez-vous ciblé La Grosse Radio ? Nous avez-vous déjà écouté sur internet ? (Nous avons du public partout dans le monde !)

Cela en dit long sur La Grosse Radio que vous ayez ouvert mon email et vraiment écouté la chanson. Cela arrive rarement !
Je veux vraiment venir jouer en France et je cherchais un moyen de me connecter avec le public français. J'ai écouté votre station pour voir à quoi ressemblait la programmation, et il y avait un article sur Jeff Beck sur votre site... Je ne comprenais pas grand-chose de ce qui était écrit, mais j'ai eu le sentiment que vous alliez au fond des choses.

Y a-t-il des groupes français que vous connaissez et appréciez ?

En grandissant, il n’y avait pas beaucoup de musique à la maison et j’ai eu une enfance assez calme. Mais quand j'étais adolescente, je me souviens avoir été attirée par Carla Bruni et Serge Gainsbourg. J'ai adoré à quel point sa musique était sexuelle et poétique.
Et... Oh mon Dieu, Grace Jones ! (ndr : Grace est Jamaïcaine, installée à Paris dès ses 18 ans) Je suis allée à son spectacle à Melbourne, c'est le meilleur spectacle que j'aie jamais vu. Elle était nue et changeait tout le temps de chapeau, buvait du vin et fumait de l'herbe en charmant un vaste public. Elle a chanté tout "Pull Up To The Bumper" en faisant du hula hoop - c'était génial.
Christine And The Queens sont vraiment populaires ici, j'en ai beaucoup entendu parler.
Mais j’aimerais vraiment venir voir des groupes français plus costauds jouer en live.

Vous aimeriez donc revenir visiter la France et y jouer dès que les concerts seront à nouveau autorisés ?

Putain, oui ! Je prévois de venir le plus tôt possible. Peu m'importe si c'est un concert dans la salle de bain de quelqu'un… Je veux juste venir jouer.

Mick Harvey a récemment déclaré dans un magazine français (Gonzaï, voir ici) que les musiciens australiens voulaient juste quitter l’Australie (comme il l’a fait il y a 40 ans avec Nick Cave). Au regard de son âge, peut-être parle-t-il pour les musiciens de sa génération. Avez-vous (ou des amis musiciens) cette volonté ?

Dans l’ensemble, c’est probablement toujours pertinent. A Melbourne, c’est facile de faire des concerts, mais il est inhabituel que les gens sortent voir un artiste dont ils n’ont pas entendu parler. Alors que j'ai l'impression qu'en Europe, les gens sont plus susceptibles de tenter leur chance avec un artiste inconnu (comme votre station de radio l’a fait avec moi !).

A ce propos, je pense que Mick Harvey / Nick Cave devaient être également assez stupéfaits à l'époque où ils ont réalisé à quel point la vie était difficile pour eux en Angleterre. Je pense que certaines personnes en Australie ont gardé cette idée d’un pèlerinage de retour dans la mère patrie. Ces idées coloniales commencent à peine à être contestées par la société. La musique australienne n'est pas moins «cultivée» que la musique européenne, et à bien des égards, il y a une liberté créative comme nulle part ailleurs. Mais le gouvernement australien conservateur décourage les artistes de rester en Australie en minimisant la valeur de l'industrie musicale. Récemment, ils ont supprimé le Département fédéral des arts, déplaçant les arts vers le Département Internet et Télécommunications.
Il y a tellement d'excellentes musiques en Australie, mais à cause de ces politiques, elles ne reçoivent pas les soutiens qu'elles méritent.

J’ai entendu d’autres artistes dire que c’est super de tourner en Europe, que le public se soucie vraiment de leur musique. J’ai toujours eu l’impression qu’un public français est assez ouvert à une musique qui ne correspond pas à un genre, pour ainsi dire. Il y a quelques groupes australiens que j'aime beaucoup - The Drones, Cash Savage & The Last Drinks, The Peep Tempel - qui ont tous beaucoup joué en Europe, et je lisais que Jeff Buckley a joué certains de ses meilleurs concerts en France. Nina Simone aussi.
Jouer de la musique est ma manière de découvrir le monde. Voyager, faire des concerts, voir des groupes de différents pays. Qu’est ce qui pourrait être mieux ? C’est une position privilégiée que d’être musicien.

J’entends du Anna Calvi ou du Nadine Shah dans votre chant. Les écoutez-vous et les appréciez-vous ?

Merci ! (ndr : en français dans le texte). Ce sont des grandes musiciennes. Mon amie et moi avons l’habitude de passer du Anna Calvi au café où nous travaillons. J’ai moins écouté Nadine Shah, mais j’y travaillerai.

Sur votre page soundcloud, on peut aussi écouter « Kangoo Roo » et « Who knos where the time goes » de récent parmi deux autres plus anciennes chansons. Avez-vous un album en préparation ?

Je vais enregistrer un EP en juillet. Et éventuellement ensuite un album. J’attends de voir…

Vos paroles et votre musique sont très poétique. Y a-t-il une strophe ou une phrase d’une de vos chansons qui est particulièrement importante pour vous ?

Il n’y a pas une phrase en particulier qui soit «la plus importante», mais il est important pour moi que les paroles aient une sensibilité poétique. Ecrire des paroles, c'est en partie collecter des mots et des phrases, et les utiliser musicalement en les rythmant et faisant progresser des accords. En tout cas, j'essaie toujours d'être la plus honnête quand j'écris des paroles.
J'adore la poésie, je viens d'acheter un recueil de poèmes de Rimbaud (ah! Français!). Mais je pense que la poésie est différente des paroles musicales. C’est pourquoi les deux coexistent.

Quelles sont vos influences ou sujets principaux quand vous composez vos chansons ?

J'ai tendance à être vraiment influencée par ce que j'écoute. Par exemple, j'écoutais beaucoup de Cocteau Twins, Dirty Three et Nick Cave lors de l'écriture de « Let’s Have It Out ». Tout peut être source d'influence. Je suis une personne assez sensible, je ne peux rien cacher. En ce moment, j'écoute beaucoup de Kate Bush et un groupe de grunge appelé The Grifters.

Si vous écriviez un album concept aujourd’hui, quel en serait le thème ?

Ouah, dois-je dire le mot à haute voix ? J'ai l'impression que nous vivons actuellement dans un album concept. C'est irréel. Qui sait quels genres de créations vont sortir de cette période. J'ai l'impression que les gens vont plus en profondeur, remettant en question les institutions pendant que le système s'effondre et tombe en panne.

Quelle a été votre première idole musicale ?

A l’adolescence, j’étais très obsédée par une artiste australienne du nom de Kate Miller-Heidke. Je voulais être une chanteuse d’opéra (comme elle) mais j’ai manqué le coche et à la place je suis allée en école d’art pour faire de la sculpture.

Avec quels groupes ou artistes rêveriez-vous de tourner ou de composer un album en commun ?

Il y en a tellement. J’aimerais faire quelque chose avec Warren Ellis ou votre pote Mick Harvey... Ou Liz Fraser des Cocteau Twins, Sandy Denny dans les années 70 ou ce brillant collectif folk moderne irlandais appelé The Gloaming. Je les écoute énormément.

Quels sont le premier et le dernier album que vous avez acheté avec votre propre argent ?
 
C’est difficile, parce qu’il m’a fallu beaucoup de temps pour comprendre la musique moderne. Un ami me passait beaucoup de compiles avec du Muse, du The Whitlams et ce genre de choses.
Je pense que le premier album que j’ai acheté avec mon propre argent était celui de The Flaming Lips intitulé Yoshimi Battles The Pink Robots. Je ne sais pas bien si c’était celui-là, mais ça a l’air cool. Aujourd’hui dans un OpShop (ndr : boutique d’occasions à bas prix), j’ai acheté un CD bootleg de Tori Amos et je l’ai écouté sur l’autoroute en buvant un coca zéro.

Comment convaincre quelqu’un d’écouter votre musique de la manière la plus rapide possible, à l’image d’un Tweet ?

MEUFS A POIL ICI !!!!” 
 



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