Les jeunes de Clavicule sont bien, basés à Rennes, haut-lieu de la culture bretonne et des Transmusicales dont sont sortis tant de grands noms à chaque génération. Ont-ils déjà tapé dans les oreilles avisées de Papy Brossard ? On ne sait pas encore, mais ça devrait venir. En attendant et en guise de requiem pré-gloire, le groupe sort ce 12 juin son album Garage Is Dead. Pour les quatre Clavicules qui vouent un certain amour à Ty Segall, c'est assez paradoxal. On vous laisse aux explications avec Kamil, Alexis, Ian et Marius.
1. Comment fonctionne le groupe lors des sessions de compositions, qui donne les idées principales, qui fait office de médiateur ?
Ian (Basse) : C'est soit Marius soit Kamil soit moi qui apportons une mélodie de base, on la propose et si elle plait, on developpe tous ensemble. On ne valide rien tant qu'on n'est pas tous les 4 OK sur l'orientation de la chanson. Même si ce sont des répètes fatiguantes nerveusement, ça va souvent assez vite. On peut sortir le squelette bien abouti d'une chanson en 2/3h et on affine ensuite le truc avec le temps.
Kamil (Guitare) : On part souvent d’un riff de guitare ou de basse autour duquel on brode notre dentelle. Ça nous arrive aussi parfois d'improviser et on se dit, « ah, ça c’est coooool ». Je pense un peu comme font tous les autres groupes.
Alexis (Batterie) : En général, une personne propose un riff et tout part de là. Chacun y va de sa proposition par la suite, on essaie des choses, on s'engueule, on superpose des trucs. On a vu des morceaux validés en une session de quelques heures comme on a pu mettre plusieurs semaines à en finaliser d'autres. L'idée c'est que chacun joue des parties qui lui plaisent tout en restant au service de la musique et du morceau en question.
Marius (Guitare / Chant) : Lors des sessions de compo, chacun se ramène avec une idée (on essaye de tourner) soit mélodique soit rythmique ou des idées de structures, on se pointe en répète et généralement ça va assez vite, c'est assez fluide et instinctif. On rentre dans des phases de test sur plusieurs répètes et le morceau fini par pointer le bout de son nez.
2. Dans quel morceau de ta production t’identifies-tu le plus et pourquoi ?
Ian : Il y a une part de chacun de nous dans nos compos et j'ai de l'affection pour chacune d'entre elles. Ça serait comme demander à des parents qui est leur enfant préféré, donc impossible de donner une réponse à cette question pour ma part !
Kamil : "My Time", il est binaire, il a son côté très calme et son côté explosif. Cette dichotomie me plaît dans la musique.
Alexis : je m'identifie beaucoup au morceau "CAB" car c'est celui dans lequel j'ai le plus mis de mes influences HxC, metal et prog. C'est aussi le seul pour lequel j'ai écrit l'intégralité des paroles.
Marius : Il y a plusieurs morceaux qui représentent plusieurs périodes du groupe, celui qui représente la mouture actuelle de Clavicule et tous les styles de musique exploités c'est sûrement "CAB" (titre à paraître sur notre futur album).
3. Y a-t-il un vers ou une phrase dans les paroles d’une chanson qui te tiennent particulièrement à c?ur ? Si oui, pourquoi ?
Ian : Même si nos paroles sont travaillées on n'est pas vraiment un groupe à texte. On utilise plus les sonorités des paroles comme un autre "instrument", c'est au service de la musique dans son ensemble. J'ai donc pas de phrases particulières à mettre en avant.
Kamil : Je pense que dans le projet on a souvent laissé une plus grosse part à l’énergie et à la musique. Les paroles sont au second plan. Même si on aborde plein de thèmes dans nos morceaux, le coeur du sujet appartient au sensible, au ressenti du public. C’est ce langage qui me tient le plus à coeur.
Alexis : "the key to safety lies in our hearts" dans "CAB", qui parle du fait de se reposer sur les autres dans les périodes difficiles.
Marius : Personnellement, même si je suis chanteur du groupe, les paroles m'importent peu, ce qui m'intéresse ce sont les mélodies et l'énergie que celles-ci apportent, c'est tout ça qui donne du sens aux paroles finalement, elles ne sont importantes que sur un plan secondaire.
4. Quelles sont vos principales influences lorsque vous composez vos morceaux ?
Ian : Kamil, Marius et moi on est pas mal influencés par les groupes de la scène garage US et FR mais ça s'arrete pas forcément là comme on écoute tous de tout. Derrière ça Alexis apporte ses influences métal qui donnent un coté plus technique à la batterie que la moyenne des groupes de garage. Ça contribue à notre singularité.
Et comme on a tous les quatre globalement une culture rock correcte on arrive facilement à marier des styles qui vont du Surf au Grunge en passant par le psyché et le punk. Je crois que c'est aussi une de nos forces.
Kamil : On a des influences très variées et c’est ce qui fait la force du groupe. Pour ma part, les groupes ou artistes « du moment » sont Vasudeva, Idles, MgŠ‚a, Metz, Baxter Dury, Vivaldi… Ça passe du post-rock au classique en passant par le black metal et la pop. Tout ça se retrouve forcément un peu dans mon jeu et dans ce que je cherche à faire. Mais je pense que dans nos chansons, on voit surtout la scène garage rock californienne, avec sa petite dose de punk et même de grunge.
Alexis : les influences que j'utilise sont tirées du hardcore américain, du metal et de bande originales de films.
Marius : Pour moi ce sont des groupes similaires à nous, des groupes de garage ou tout simplement des artistes qui nous touchent (évidemment nous n'avons pas les mêmes influences entre nous).
crédit photo : Titouan Massé
5. Est-ce que d’autres sujets hors musique vous inspirent dans vos chansons ?
Ian : C'est clairement un mélange entre nos vies et l'époque que l'on traverse. Il y a rien de prémédité ou de clairement réfléchi dans ce qui nous inspire. On laisse nos humeurs et nos envies définir notre musique à l'instant où l'on compose. Tout est très instinctif et c'est ce qui nous correspond le mieux.
Kamil : Oui et non. On a des valeurs et des opinions bien tranchées mais on essaye de ne pas trop le dévoiler au travers de nos morceaux. Si ça ne tenait qu’à moi, on aurait une part plus forte de notre engagement dans nos textes, mais jouer en groupe c’est aussi faire des concessions (et je n’ai pas de problèmes avec ça).
Marius : Il y a beaucoup de sujets qui nous rassemblent et qui nous inspirent, nos maux, nos histoires de vie, des choses qui nous passent par la tête.
6. Si tu devais écrire et composer un concept album aujourd’hui, quel thème choisirais-tu ? Quelles influences ?
Ian : L'Hédonisme et la lutte contre les peurs. Il faudrait des heures pour développer (et donc sûrement un concept album) mais on n'a jamais été aussi "riches" sur Terre, culturellement, financièrement, scientifiquement... et pourtant dans nos sociétés contemporaines l'anxiété est partout, sous toutes les formes, et les dépressions explosent, comme si a contrario on "s'appauvrissait" humainement. C'est un très vaste sujet pour un très vaste problème. Après dans Clavicule ça pourrait nous arriver d'aborder ce sujet dans une ou plusieurs chansons mais de là à en faire un concept album, ce n'est pas vraiment notre objectif actuel...
Kamil : L’écologie, sans aucun doute. Cette problématique est la numéro 1 sur la liste de ce qui défini l’avenir de l’humanité. Je pense que les morceaux de Gojira portent bien cette thématique même si, musicalement, on est dans le death métal. Il faudrait retranscrire le fond dans une forme post-garage/punk.
Marius : Sûrement le thème de l'enfance, c'est très personnel mais c'est une partie de ma vie dont je ne me souviens peu, mais ça mériterait de creuser en musique
Voir : Emotionnal Muggers - Ty Segall
7. Quelle a été ta première idole musicale ?
Ian : Alors petit j'étais fan des Beatles mais ma première idole musicale adolescente a été Twiggy Ramirez, le bassiste de Marylin Manson époque Antichrist Superstar. C'est vraiment lui qui m'a donné envie de jouer de cet instrument ! Son vrai nom est Jeordie White il a joué dans d'autres groupes que j'adore (Nine Inch Nails et A Perfect Circle)
Kamil : Jack White. Un pote qui m’a fait découvrir les White Stripes et ça m’a donné envie de jouer de la musique, de la guitare plus précisément. Depuis ce temps, j’ai eu beaucoup de respect pour ce qu’il a accomplit et ce qu’il continue de proposer.
Alexis : Nicko McBrain (batteur de Iron Maiden)
Marius : Ma première idole musicale c'était Nirvana à l'époque, aujourd'hui c'est Ty Segall.
8. Avec quels groupes / artistes rêverais-tu de tourner ou bien composer un album en commun ?
Ian : Alors pour tourner, Thee Oh Sees. C'est clairement John Dwyer qui a permis à la scène garage de revenir sur le devant de la scène rock au début des années 2010 et ça serait une sorte de consécration de pouvoir partir en tournée avec eux. Pour un album commun, je dirais les canadiens de Dead Ghosts, j'ai énormement d'affection pour ce groupe et je suis certain que nos univers pourraient très bien se compléter.
Kamil : Forcément, mes groupes préférés sont au coeur de ce fantasme : Fidlar, Ty Segall, King Gizzard & The Lizard Wizard, Twin Peaks...
Marius : J'aimerais beaucoup tourner aux côtés des Psychotic Monks, j'aime beaucoup la noirceur des morceaux, l'intensité de leurs concerts, c'est assez transcendant. Ces mecs-là ont une pure mentalité dans leur taf en plus et on une maîtrise de leur son qui leur permet d'accéder à certains timbres, certaines textures assez intéressantes.
J'aimerais aussi bosser avec Idles, putain de découverte l'année dernière, ça faisait très longtemps que j'avais pas ressenti ça pour un groupe, du son qui tabasse, une texture très punk / post punk des morceaux, une identité visuelle ultra chouette, je suis fan.
9. Quel est le premier album que tu as acheté avec ta propre thune ? Quel est le dernier album que tu as acheté ?
Ian : Gamin j'achetais beaucoup de singles puis de CD mais je ne pourrais pas te dire quel a été le premier. Je vais donc parler du premier vinyle que j'ai acheté et ça a été celui de l'album fabuleux "Can't get no" de Dead Ghosts, un jour où ils étaient passés au Bar'hic à Rennes. Une vraie pépite garage rock que je conseille à tous les amoureux du style. Il vient d'ailleurs d'être réédité chez Burger Records. Le dernier c'est celui de Slift, Ummon.
Alexis : Le premier album que j'ai acheté Cradle of filth - Nymphetamine et le dernier album Nick Cave & the Bad Seeds - The Firstborn is Dead.
Kamil : Il s’agit de First impression of earth de The Strokes et le dernier, c’était Joy as an act of resistance de Idles (que je n’ai toujours pas dans les mains avec le confinement…). Selon moi, deux albums incroyables. L'anecdote ridicule : le premier CD était celui de Nuttea… J’avais 8 ans. Mais techniquement c’était un single, et pas un album.
Marius : Le premier c'était Nevermind de Nirvana. Le dernier c'était un vinyle de punk rock conseillé par Seb de Beast Records (notre label) : Ave Maria du groupe Barrio Tiger.
10. Comment convaincre quelqu’un d’écouter ta musique de la manière la plus rapide possible, à l’image d’un Tweet ?
Ian : Viens prendre ta claque, vilain garnement !
Kamil : Si tu es arrivé.e jusque là, je n’ai plus besoin de te convaincre
Marius : Écoute notre disque ou je te pète la gueule.