Des riffs, du groove, un son lourd et des rythmes accrocheurs, c’est en substance la formule furieusement efficace de Rückwater, formation finlandaise qui sort son premier album long après trois EP. Une nouvelle preuve que la Finlande est une valeur sûre de la musique, en stoner autant qu’en black metal.
A entendre Supernova, on dirait qu’il a été conçu par un groupe de vieux briscards du sud des Etats-Unis, il s’agit en fait du premier opus d’un trio finlandais, relativement jeune – dix ans d’expérience au compteur et trois EP, tout de même. On a envie de dire que tout est extrêmement maîtrisé pour un premier album, et pourtant, la maîtrise n’est pas vraiment ce qui définit Supernova: rageur, poussiéreux, sont des adjectifs qui lui siéent davantage.
Une guitare, une basse, une batterie, deux voix, les ingrédients sont simples et en nombre limité chez Rückwater, ce qui permet à chacun de se démarquer et de s’exprimer pleinement, dans une harmonie furieuse à la lisière du rock et du metal.
Les voix de Jussi Vehman et Markku MacKone, par ailleurs respectivement bassiste et guitariste, absorbent instantanément l’auditeur, et retranscrivent à elles seules la rage et la puissance des compositions. Eraillée la plupart du temps, elles interpellent, respirent l’urgence, la frustration, charrient un maelstrom d’émotions qui ne tournent pas spécialement autour de la plénitude et la paix intérieure.
En alternance avec ces déferlements, elles savent aussi opter pour un chant clair, presque éthéré en comparaison, mais d’où sourd toujours un mal-être indéfinissable, une tension contenue sur le point d’exploser, ce qui arrive comme inéluctablement sur « Broken Stone ». « Forever Play » offre encore de nouvelles variations en chant clair, « Blindfold » se fait toute douce sur le refrain, alors qu’au contraire « Parangon of Bullshit » est une explosion de presque quatre minutes où le chant hurlé répond à quelques passages au chant clair aérien.
La guitare s’en donne à cœur joie dans les riffs saturés et mordants, les soli rock’n’roll, magnifiés par la basse qui porte tantôt des ambiances lourdes et sombres, tantôt un groove addictif. Le travail des deux instruments convoque le stoner, le doom, le grunge, le rock sudiste, pour un résultat sans demi-mesure à l’allure crasseuse et pourtant étrangement lumineuse.
Les mélodies savent se faire véhémentes, tortueuses, belliqueuses, ou beaucoup plus accessibles, tel « Forever Play » qui deviendrait du coup presque un single taillé pour la radio. Mais c’est bien le rythme des morceaux qui marque sur l’ensemble de l’album, porté par le travail de batterie saisissant de Jarno MacKone, frère du guitariste. Marqué, saccadé, groovant, il pénètre l’esprit pour ne plus en sortir, que ce soit sur « Rat in a Jar » ou sur « Rocket Fuel », qui évoque des réminiscences de Slaves, ce groupe anglais au batteur si mémorable.
Abouti, viscéral, explosif, extrêmement homogène – peut-être un poil trop -, Supernova se paye le luxe d’une conclusion un peu déroutante avec « 3/1 », long morceau de près de sept minutes, tout à la fois planant, hypnotique, déchainé, ultra agressif, tendu, un vrai trip à lui tout seul. Avec un tel coup de maître en guise de coup d’essai, Rückwater devrait conquérir fiévreusement les scènes européennes.
Tracklist
01. Rat in a Jar
02. Cruel Thing
03. Supernova
04. Once More With Feeling
05. Broken Stone
06. Foreverplay
07. Blindfold
08. Paragon of B.S
09. Rocket Fuel
10. 3/1
Sortie chez Inverse Records le 23/072020