Deuxième EP pour la formation de Montreuil après un premier opus, "Vertical Being", sorti l'année dernière et déjà prometteur du genre. Résultat ? : un grand cocktail survitaminé à base de garage et de post-punk, saupoudré d'un zeste de pop sixties et d'un nuage d'indé noughties. Un remontant que certains jugeront peut-être un peu court à la dégustation (24 mns) tellement le mélange est savamment dosé et appelle à une plus longue mise en bouche. Car oui, en ces temps de scène sécheresse on reprendrait bien encore une tournée énergisante de Basic Shapes.
Et c'est bien ce qui étonne à la première écoute de ce Clockwork Organs, on ne s'est jamais trop où et quand on est. Conséquence : zéro ennui, zéro étiquette !! Décousu ? Non, influences digérées, réappropriées. Et pourtant, "l'étiquette", on croit l'avoir dès l'entame de ce "Wolf In Sheep’s Clothing" : 100 % garage, 100 % berzingue et on se dit que Basic Shapes est bien parti pour venir gonfler les rangs d'une scène garage française déjà bien achalandée. Oui mais... "Mechanical Parts". Le deuxième titre est directement enchaîné et une fois encore, on ne s'est pas trop si l'on est dans la clôture en rupture géniale du premier morceau ou dans le début plein de promesses du deuxième. Sur le riff introducteur on verrait presque ce satané Wilko Johnson faire son fameux arpentage de scène avant-arrière, prêt à en découdre. Et soudain, tiens... une guitare sixties façon Shadows, ... ça passe plutôt bien ! Puis plus loin une conclusion indé post-punk, ... bien vu ! Décousu ? Naaan, influences digérées, réappropriées !! Ces messieurs ont de la bouteille et savent de quoi ils jouent.
Le single "Credo" pointe alors le bout de ses arpèges clairs et délicats et l'on se dit que cela va nous rafraîchir un peu de nous plonger dans une pseudo comptine indé après la sueur laissée dans la course poursuite des deux premiers morceaux. Mais c'était sans compter sans l'autre grand atout de ce disque trompe-l'oreille : la voix de son chanteur François "Basic". Nous ne sommes pas ici sur le charme désuet pop sixties de l'accent français s'essayant à l'anglais. Ca sonne vrai ! On pense à Eddie Argos (en moins cockney quand même !) avec ce chant mi chanté mi parlé toujours en vogue dans la jeune renaissance post-punk actuelle. C'est particulièrement notable dans les premiers couplets de "Crédo" où le chanteur ne s'épargne rien en terme de débit. Cette voix sur le fil du rasoir apporte vraiment cette touche de morgue toute british nécessaire à la vigueur de l'ensemble.Tout est là, changeant mais cohérent. Les Basic Shapes se sont trouvés.
Arrive "No Creep" qui réunira punks et garageux dans un grand élan de fraternité et de poussière lorsque la fosse nous sera de nouveau ouverte. Ouvrant sur une ligne de basse que J.J. Burnel n'aurait pas renié "Burning Flats" est le classique post-punk de ce mois de février 1980. On se retrouve quelques semaines plus tard avec " Homeless Walk" et son intro plutôt Clashienne pour finalement se réveiller quarante ans plus tard sur n'importe quel album du revival du genre actuel, notamment grâce au phrasé de François. "MYOB" creuse le sillon même si l'on s'attend plus à une escarmouche punk à l'entame avant de basculer dans une rythmique à la The Fall, de reprendre son souffle sur un break planant bien senti puis de se dire que finalement, rien ne vaut la chicane des premiers rangs. Enfin, arrive le couronnement de l'album, "Night Train", sept minutes de morceau noir et blanc où, la tête collée à la vitre, on regarde défiler un monde à la Philip K. Dick. La ligne introductive de trois minutes à la basse y est pour beaucoup. Une cloche sonne au loin, des volutes de guitares aériennes se réverbèrent et distillent une menace urbaine et nocturne. Puis, il est là, le lick de gratte qui finit d'asseoir le danger. Le chant est cette fois plus posé, ajoutant à la pesanteur du présage qui rode. Un morceau crescendo irrésistible, à passer et repasser, qui vaut à lui seul l'addiction portée à cet album.
Au final, Clockwork Organs est certes un album d'obédience post-punk mais n'est prisonnier d'aucun genre. Véritable centrifugeuse à influences, il malaxe, mélange, pétrit, concasse et recrée sa propre matrice. Une créativité inspirée et digérée qui se retrouve à l'intérieur même de chaque morceau, riche en ruptures de rythmes et nouveaux horizons. Un album qu'il faudra assurément voir live tellement son souffle de vie est grand, sur comme devant la scène !!
Tracklist :
1 - Wolf in Sheep Clothes
2 - Mechanical Parts
3 - Credo
4 - No Creep
5 - Burning Flats
6 - Homeless Walk
7 - MYOB
8 - Night Train
Sorti le 28 juin 2020