Et comment nos chers expats de The Lunatix voient ils les choses ?
On part sur une discussion concernant le public thaï, qui n'est pas forcément très présent lors des concerts. Certainement du au fait qu'il y ai peu d'événements comparé à chez nous et pas souvent de groupes internationaux qui passent dans le coin. Mais quand ça arrive :
"C'est l’événement de l'année ! Alors ils y vont et vont se saigner pour acheter une place. Ils ne vont pas hésiter à mettre 1200-1600 baths (30-40€) dedans. Beaucoup d'expatriés vont venir aussi mais c'est parce qu'ils n'ont pas le même portefeuille.
Au final dans la scène le reflet va être là. Les thaïs vont avoir du mal à fréquenter certaines dates qui sont un peu chères. Même sur des petits concerts les thaïs vont forcément acheter des bières au 7 Eleven parce qu'ils n'ont pas envie de payer une bière 3€ au bar. Et même si c'est le bar où ils jouent ! C'est juste une histoire de revenus. Ils n'ont pas les tunes alors ils vont aller au moins cher. Donc ça se ressent dans la scène sachant que ça ramène un max d'expat' mais peut être pas assez pour que ça marche vraiment.
Par exemple Madball est le plus gros concert qu'il y a eu et il devait y avoir au maximum 600 personnes alors que ça faisait au moins 20 ans qu'ils n'étaient pas venu, voir jamais.
Et puis la scène est toute petite et les punks vont au concert de Hardcore et inversement.
Après si on regarde bien il y a quand même pas mal de concerts mais c'est tout le temps les mêmes groupes qui tournent, les groupes locaux, du coup il arrive un moment où ça saoul. On peut voir 4 fois le même groupes en un mois !
Du coup les gens se bougent moins le cul.
Il n'y a pas assez de têtes d'affiches internationales qui viennent, comme à Paris où il y a beaucoup plus de groupes qui tournent. Et c'est ce qu'il manque ici, il faudrait au moins un groupe international différent qui vienne tous les un ou deux mois et ça ramènerait plus de monde.
Ces groupes là vont à Singapour, au Japon, Malaisie, Indonésie mais pas à Bangkok.
Et en plus, souvent les mecs qui organisent ces dates là se cassent les dents. Par exemple le groupe Judge, groupe de Hardcore qui a une bonne renommée au USA, un groupe un peu mythique, ils ont joué ici, la place était à 40 balles et il devait y avoir autour de 50 personnes, ça a été un gros four... et du coup les mec qui organisent ça n'ont pas envie de reperdre de l'argent à chaque fois. »
Mais pourquoi les places sont aussi chères ?
« Parce que les groupes qui viennent jouer ici ont besoin d'un certain cachet entre l'avion, l'hôtel, le mini van. Et en plus les salles ici sont chères. Les groupes ne vont pas pouvoir booker 50 milles dates en Asie du sud est. Tu vas à Bangkok après à Singapour ensuite au Japon et tu as fait le tour.
Et ça encore c'est si tu as des contacts partout parce que entre le Japon et ici c'est quand même loin.
Il y a des groupes américains qui vont au Japon mais il ne vont pas faire le reste de l'Asie du sud est. Comme Rancid qui font le Summer Sonic (festival japonnais) Ils jouent à Osaka en juillet et ils ne vont pas venir dans d'autres villes d'Asie. The Descendants font une tournée en Chine mais c'est tout.
En Europe c'est différent, les pays sont plus rapprochés, les villes sont plus concentrées, du coup tu peux faire plus facilement plusieurs dates en France, puis Angleterre, ensuite Allemagne. »
Ils nous expliquent que de manière générale les groupes de Bangkok ne vont pas jouer ailleurs dans d'autres villes. Et pareil pour les groupes d'autres villes de Thaïlande. Ça va être essentiellement les gros groupes comme The Greed ou The Die Hards qui vont partir en tournée.
« Sinon à Chiang Mai, dans le nord du pays, il y a aussi une petite scène ska, punk, un peu de Oi.
Il y a un groupe plutôt connu vers Pattaya qui s'appelle Srirajah Rockers qui fait une sorte de rocksteady, punk, ska.
Ou alors T-bone aussi. Il y a quelques groupes comme ça, car la musique jamaïcaine est assez présente en Thaïlande. Il y a énormément de rastas.
Quand tu vas plus sur les îles tu vas trouver pas mal de reggae bar. Par contre il n'y aura presque pas de ska, ska-punk en concert. Le ska va aussi être mélangé avec de la musique traditionnelle, le Luktung, (ndr : style de musique né après la seconde guerre dans le centre du pays et dont le style a évolué au fil des décennies) et ça donne de gros événements.
Ils chantent en thaï mais parfois la mise en scène fait un peu Patrick Sébastien avec des danseuses tout ça...
Mais ce n'est pas le Luktung original. Ce groupe là est très connu, mais c'est plus de la parodie, de la comédie. C'est vraiment pour s'amuser. »
On vous laisse vous faire votre propre avis, mais nous comprennons pourquoi il nous dit que le Luktung moderne sonne plus ska. Et on comprend aussi le côté Patrick Sébastien...
« On a vu un groupe de cover qui reprenait du Sublime, c'était mortel. Une fois aussi dans un club - pub à Bangkok, un groupe de cover avec un gros répertoire et tu peux leur demander ce que tu veux. J'avais demandé un Sublime et il m'ont fait un petit "Santeria".
Ils vont faire quelques classiques comme ça. Par contre ce groupe là avait aussi fait un Street Light Manifesto et Mad Caddies. Ils étaient branchés ska punk à fond. Il y a énormément de groupes de cover en Thaïlande qui vont jouer principalement là où il y a des étrangers.
Il y a un groupe de psycho aussi à Bangkok, Tweak or treat et ils tournent plutôt pas mal, ils ont joué au Black Wolf il y a deux trois mois. »
Et l'engagement politique ?
« Oui et non, le dialogue n'est pas ouvert mais il y a des bruits de couloirs. Disons qu'ici c'est très compliqué de donner honnêtement son avis sur les institutions en place étant donné que critiquer la famille royale est passible d'emprisonnement.
Quant au gouvernement militaire installé après un coup d'état, il a truqué ouvertement les élections et effectué des raids chez tous les partis opposants. Le massacre de l'Université de Thammasat reste dans les esprits même si c'était en 1976 et que notre génération ne l'a pas vécu directement, c'est toujours ancré. La plupart des groupes s'attaquent à l'injustice sociale et souhaitent l'arrêt des corruptions en tout genre qui gangrènent le pays.»
On papote, on picole, on papote, on picole et la soirée défile aussi vite que les cadavres de bouteilles de bières. On décide finalement de mettre un terme à l'interview que l'on ne finira malheureusement pas. Il est tard et elle aura déjà durée plus de deux heures. On sent que les membres des groupes commencent à fatiguer...
L'idée n'étant pas de les saouler mais plutôt de leur faire partager leurs expériences et leur vécu de la scène à Bangkok, on insiste pas.
Un dernier mot pour finir ?
« On croit dur comme fer que le punk n'est pas mort et Chaos of Society en est le parfait exemple, n'hésitez pas à prendre contact avec nous et merci pour le support! »
Heureusement (ou pas) nous vivons dans un monde moderne et internet sera mon allié pour la suite du reportage.
Depuis The Die Hards et Chaos of Society sont malheureusement en pause forçée. En effet les batteurs respectifs des groupes ayant des problèmes de santé ils ne peuvent plus assurer leurs shows et enregistrement pour le moment.
Clément, batteur de The Lunatix devrait quand même filer un coup de baguette pour The Die Hards, et The Lunatix vont prochainement rentrer en studio pour l'enregistrement de leur premier album. Affaire à suivre !
La semaine prochaine on continue sur notre lancée avec Medhi, gérant du Black Wolf Barber Sop.