La Scène Punk à  Bangkok : Episode 6

           

           

           Le temps d'une petite séance photo et Medhi commence à fermer le bar. On s'embrasse, on se serre dans les bras, on se dit merci, à très vite, et moi et Pierre sommes les seuls à rester après la fermeture.

           
           

           
           En effet, Un peu plus tôt dans la soirée Medhi s'est manifesté auprès de moi pour être aussi interviewé. Il en a visiblement gros sur la patate et en même temps il a aussi organisé des concerts punk au début quand il a ouvert son bar. Alors on démarre l'enregistrement et c'est parti pour une discussion qui durera aussi plus de deux heures...

            On apprend que le bar était vraiment un Barber Shop avant d'où son nom actuel. Il l'a ouvert il y a maintenant 3 ans. Cette idée il l'a eu suite à un projet qui est tombé à l'eau.
« Je me suis retrouvée comme une merde ici du coup je suis retourné à Montpellier pour faire un visa étudiant et revenir un an à Bangkok pour apprendre la langue et c'est là que j'ai eu l'idée du barber et bar en même temps. »

       

     

La rencontre avec Stephen du groupe Kick Back l'a bien aidé dans son intégration.
« Il m'a fait rencontré tous ses potes du Hardcore et du tattoo, m'a emmené dans beaucoup d'endroits.
Tout ça m'a pas mal facilité l'arrivée à Bangkok. Comme en France mais en Thaïlande !
On a les mêmes centres d’intérêts. Ce qui est assez rare car on ressent quand même pas mal de différences de cultures quand on habite ici. Mais ces mecs là sont comme nous sauf qu' on est pas né au même endroit. On est vraiment sur la même longueur d'onde, on a des discussions vraiment intéressantes, hyper sérieuses. Ils parlent de dépression alors que la plupart des thaïs ne comprennent pas le concept de dépression.
Pour eux la vie c'est au jour le jour. Tu manges, tu baises, tu chies. C'est un proverbe thaï, et ils vont pas chercher plus loin. »


Avec ce bar, c'est son univers qu'il souhaite partager avec le plus grand nombre.

« Un client une fois m'a dit ce qui est bien ici c'est que quand on te connaît on sait que c'est toi.
Au niveau déco il y a des trucs de punk, de tattoos, de Chelsea, plus la musique.
Si la musique ne plaît pas personne n'ai obligé de rester.
J'ai ouvert ce bar pour que l'on puisse écouter du punk rock, du hip hop, des musiques alternatives. Chose qu'on ne trouve pas forcément dans les bars ici. Y
Il y a des clubs qui passent un peu du hip hop mais c'est très rare de trouver un bar où tu peux en écouter. Je crois que je suis le seul d'ailleurs.
Par contre la clientèle qui vient là c'est pas du tout les punks rockers comme je le pensais. Ponctuellement quand il y a des événements, des concerts. Sinon ils ne viennent jamais.
La plupart des clients qui viennent se sont simplement des personnes qui aiment l'endroit et les gens du quartier, qui travaillent dans le coin. »

        Alors que le bar était tout récent, c'est Sammy et Clément qui lui ont demandé si c'était possible d'organiser un petit concert plutôt en mode acoustique.
« Et je leur ai dit non. Tant qu'à faire faisons un vrai truc ! Et on a monté le premier concert comme ça. Il y avait quelques groupes de Bangkok aussi. C'était vraiment cool il y avait plein de monde.
On a refait 4, 5 concerts comme ça avec des plateaux plus gros et c'était bien le feu à chaque fois.
Tout le monde en parlait ! Ça a bien marqué les esprits. C'était à l'arrache mais du coup bien authentique, bien old school.

C'était vraiment dingue, il y en avait même qui soulevait un vieux, genre 70ans, bourré, pour le faire slamer. D'autres qui s'accrochaient et grimpaient sur le toit. Il y avait pas loin de 120 personnes.
La place devant le bar était remplie, ça grouillait de monde jusqu'au 7 Eleven (de l'autre côté de la rue).
Le plateau a été installé à l'entrée du bar avec la batterie au milieu, la porte ouverte et chant, guitare, basse sur la petite marche de l'entrée extérieure.
On poussait les sièges et tout le monde s'installait où il pouvait."

Quelques vidéos des concerts au Black Wolf pour vous donner une idée avec en dessous nos amis de Street Poison, avant The Lunatix.

       On est plutôt étonné par ce qu'il nous dit car depuis le début on nous parle du manque de public dans la scène.
« J'ai fais plusieurs gros plateau ici (rechercher dates et noms des groupes) et ça a toujours ramené pas mal de monde. Mais c'est vrai que dans l'ensemble il n'y a pas beaucoup de public. Le problème vient du fait que se sont toujours les mêmes groupes qui jouent, il doit y en avoir une quinzaine sur Bangkok. Et ça manque d'avoir des jeunes groupes émergents qui viennent jouer.

Après la relation avec les groupes est assez spéciale. De tous les groupes que j'ai fais jouer, j'en ai pas un qui est venu se présenter à moi. Ils arrivaient je ne savais pas qui était qui, ils ne disaient pas bonjour, ils se posaient, ils jouaient et ils se cassaient. Alors ils avaient leurs potes qui étaient là pour les soutenir et dès que c'était fini tout le monde se cassait en même temps, sans dire au revoir ou remercier.
Du coup j'ai pas mal de gens de la scène qui sont venus jouer ici mais sans le savoir et j'ai même pas pu leur payer un coup ! C'est très particulier... Mais c'est vrai aussi qu'on a pas du tout les mêmes codes.

Au bout d'un moment ça donnait pas une super atmosphère, surtout qu'ensuite j'ai commencé à avoir des problèmes avec les flics et le voisinage. Et ici les flics il faut les payer pour avoir la paix !
Le shop a la fin était dévasté et ça ne me rapportait pas beaucoup de tunes. Je louais le matos mais les mecs allaient s'acheter à boire au 7 Eleven en face et revenaient boire ça devant le bar.
Ils ne consommaient pas du tout ici et en plus après je devais me taper toutes les bouteilles à récupérer devant le shop.
A la fin il y avait plus d'inconvénients que de fun. C'était un peu donner de la confiture à des cochons. J'apporte un lieu pour ça mais on ne respecte pas. Ça m'a vraiment déçu.»

         On le sent effectivement blasé et c'est dans cet état d'esprit qu'il a arrêté d'organiser des concerts.
Mais quel est son avis sur la scène de Bangkok et qu'est ce qu'il pense des groupes locaux ?
« Le niveau des groupes je ne le trouve pas ouf... il doit y en avoir deux trois qui sortent du lot et que j'ai vraiment aimé comme San Dan. Le chanteur est un petit jeune qui en a rien à foutre qui est super naturel, qui fait le gogol, qui se jette partout. (lien sandan)


Never fear tomorrow
, une sorte de HxC-metal bien carré, bien en place.

LowFat, groupe japonais avec un thaï à la batterie, super énergique. C'est vraiment les 3 groupes que je retiens.
Il y a une grosse scène Metal, une grosse scène Hxc mais la scène Punk c'est pas terrible et puis j'ai l'impression que c'est tous les clichés du punk réunit.
Par exemple
The Greed, le chanteur c'est en mode punk 77, cheveux décolorés, tu affiches que tu es un punk et c'est surjoué.

Il y a un peu de skate punk malgré tout mais c'est le old school qui prime.

        Tu les sens contestataires, mais ça ne va pas très loin non plus. Le mec le plus rebel que j'ai vu ici c'est un de mes clients qui vient pour la musique, qui écoute du punk. La politique et le roi il s'en fout complètement. A la mort du roi tout le monde devait porter du noir pendant une certaine période (à la base un an) et lui dès le lendemain est arrivé en vert ! Ça parait banal comme ça mais il aurait pu finir en prison... Y a carrément des mecs sur Facebook qui se sont fait dénoncer parce qu'ils n'étaient pas en noir et on finit en taule... »

          Il se fait bien tard ou tôt, ça dépend, et c'est là dessus que nous achèverons notre soirée qui a été riche en rencontres, partages d'expériences et anecdotes.

        Le bar est maintenant fermé suite au décès de son ex-compagne, Am, avec qui il tenait le bar.
Il a été racheté et un nouveau bar ouvrira prochainement.

La semaine prochaine nous faisons le tour des principales salles de concerts et lieux alternatifs, suivi de ma rencontre avec le manager du salon de tatouage BKK INK.



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