Crippled Black Phoenix – Ellengaest

« Il y a une chose que nous ne ferons jamais : suivre les règles et rester dans une case ». Justin Greaves guitariste, auteur-compositeur et fondateur de Crippled Black Phoenix, résume ainsi la philosophie de la formation britannique. Il est vrai qu’en seize ans, il a toujours été difficile de la caractériser. Et ce n’est pas ce nouvel album qui devrait changer la donne.

La musique des Britanniques est d’ailleurs aussi mouvante que son line-up, seul le fondateur Justin Greaves étant en poste depuis les débuts. La formation a même connu un départ qui a grandement influencé la teneur de cet Ellengaest, puisqu’en 2019, au moment de l’enregistrement, le chanteur et claviériste Daniel Anghede a quitté le groupe. Au lieu de tout annuler, le quartette restant a alors décidé de recourir à cinq chanteurs – et pas des moindres ! – pour compléter le travail de sa vocaliste et percussionniste Belinda Kordic.

Le résultat est extrêmement cohérent, Crippled Black Phoenix arrive non seulement à trouver l’équilibre entre des chansons liées entre elles par une identité commune et des explorations propres à chacune, mais également à laisse de la place à chaque chanteur, à le mettre en avant tout en l’incorporant à son univers.

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Post-rock, rock expérimental, dark rock sont les appellations qui reviennent le plus souvent pour catégoriser le groupe. Tous ces éléments se retrouvent ici, mais s’y mêlent aussi des éléments de space rock, de new wave, voire de musique industrielle, orchestrés avec précision, un certain sens du grandiose et une maîtrise indubitable.

Le premier titre, « House of Fools » déploie dès le début son jeu expérimental et progressif, l’introduction à la trompette (la multi-instrumentiste Helen Stanley)  cédant brutalement la place à un déluge guitares / basse / claviers / batterie aux sonorités de metal indus, avant que la voix masculine n’emporte l’auditeur dans un univers cold wave, pour finir dans un déluge space rock. C’est Vincent Cavanagh, en duo avec Kordic, qui, échappé momentanément d’Anathema, vient donner de la voix à ce morceau à la fois froid et plaintif, comme il le fera avec autant de brio sur la chanson suivante, « Lost ».

« Everything I Say », porté par la vocaliste Belinda Kordic, aux tonalités plus chaudes que sur le reste de l’album, incorpore une introduction au piano qui prend presque des accents jazz, alternant avec lenteur la douceur sur les refrains et la puissance sur les refrains. « The Invisible Past », avec Jonathan Hultén de Tribulation, est peut-être la piste la moins marquante, avec un côté plus convenu que les autres titres, un travail moins notable sur le son, les instruments ou la voix. D’autant qu’elle précède une reprise de Bauhaus, « She’s in Parties », qui reprend l’aspect gothique de la version originale, en y injectant une bonne dose de new wave, un peu d’indie rock, un travail particulier sur le jeu de guitare, pour donne plus d’ampleur, de puissance, de profondeur, d’obscurité à ce titre que la version originale.

Dans tous les titres, le travail sur les ambiances est très présent. Les claviers de Stanley et Greaves y sont pour beaucoup, mais la basse et les guitares de Greaves et Andy Taylor brillent tout autant, d’accords doux et mélodieux en distorsions rageuses, de déluges sonores  en soli précis et innovants, rehaussés par une production qui confère à chaque instrument un son particulier – c’est aussi notable pour la batterie, parfois froide, parfois martiale, parfois effrénée.

Outre « House of Fools », les titres les plus marquants sont peut-être « In the Night » et « Cry of Love ». Le premier, lent, vénéneux, qui évoquerait presque du Nick Cave, à la basse entêtante, est menée par une voix masculine parlée, claire mais aux tonalités sépulcrales, entrecoupées d’interventions féminines, et qui ne se mue en chant que sur la fin, prenant, obsédant, répétant en boucle comme un mantra « Live to fight another day ». Difficile de prime abord d'y reconnaître Gaahl, chanteur culte de black metal, qu’on ne s'attendait pas à trouver dans cette ambiance qui lui sied pourtant parfaitement. « Cry of Love », de son côté, réunit au chant l’ancien bassiste de tournée de Crippled Black Phoenix, Ryan Patterson,  et la chanteuse de folk Suzie Stapleton, pour un titre d’apparence plus classiquement new wave mais terriblement électrisant, mené par une cavalcade de batterie, impressionnant sans artifice tant il respire l’urgence et prend inextricablement aux tripes. 

Justin Greaves affirme que cette formation est peut-être la plus solide de Crippled Black Phoenix. C’est fort plausible, tant tous les musiciens sont à leur place et évoluent en harmonie entre eux et avec les chanteurs invités, sans qu’aucun ne soit écrasé par l’autre. Ellengaest pourrait en tous cas bien être l’album de Crippled Black Phoenix le plus abouti et le plus entêtant.

Tracklist
1. House Of Fools (7:52)
2. Lost (8:11)
3. In The Night (8:38)
4. Cry Of Love (5:46)
5. Everything I Say (7:21)
6. (-) (1:51)
7. The Invisible Past (11:26)
8. She’s In Parties (3:51)

Sortie le 9 octobre chez Season Of Mist

NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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