Avec son mètre quatre vingt treize de charisme de french bluesman, Mathieu Guillou - aka Mister Mat - fut l’imposante moitié de Moutain Men, le duo formé il y a plus de treize ans avec l’harmoniciste Ian Giddey (avant d'être rejoints par Denis Barthe et Olivier Mathios, à la batterie et à la basse). Au printemps dernier, il comptait fêter son premier album solo sorti en plein confinement. Opiniâtre, comme souvent les musiciens bluesy, il a remis le couvert à la Maroq et pour deux services consécutifs ! Nous avons assisté à la séance de dix-neuf heures, on vous raconte ce dernier concert parisien pré-couvre-feu…
Mille excuses par avance à Mister Mat… Ça va digresser sévère en intro, car il nous semble difficile d’écrire une chronique de concert comme si de rien n’était. Mathieu, si tu nous lis, sache que nous pensons que tu as toute ta place dans la prog des Nuits de l’Alligator, rendez-vous annuel à la Maroq en février ! A propos de cet excellent festival, indépendant, défricheur et novateur, qui ne va pas pouvoir se tenir - et peut-être survivre - en 2021, comment le soutenir, à l’instar de toutes les prods, labels, techos et artistes qui vivent du live ? On n’a pas la réponse immédiate à LGR, mais déjà, si toutes et tous autant que nous sommes, nous nous mettions à acheter plus d’albums, ne serait-ce pas déjà un sacré coup de pouce ? Certes léger, au vu de ce qui tombe au final dans l’escarcelle des artistes, mais ce serait déjà ça, non ? Si vous êtes d’accord avec le principe, commencez par celui de Mister Mat Désespérément optimiste, offrez-le à des frenchouillards indécrottables ou à des anglophiles invertébrés, tous vont kiffer ce blues classieux et empreint d’une émotion simple et sincère.
Revenons à notre Maroq chérie. Trop contents nous fûmes d’être accueillis par le débonnaire agent de sécu, devenu notre meilleur pote du lieu, de remercier Manon et Paul de nous avoir accrédités et de tout simplement descendre à nouveau cet escalier qui nous mène à la salle en sous-sol. Ses murs, vierges de toute affiche annonçant les prochains concerts, nous font quand même un peu froid dans le dos et tempèrent notre joie… L’entrée dans la salle, transformée en club - tables dans la fosse, chaises jusqu’au fond des coursives qui l’entoure - nous désespèrent un brin. On s’est surpris à imaginer dans cette config un set de Didier Wampas, qui fit l’an passé trois concerts mémorables et pleins à craquer. Tant pis, on crèvera moins de chaud et on sera mieux installés. Mais avouez que le no binouze - no diet coke pour notre shooteux David Poulain - c’est tout de même un peu hard, on sent votre solidarité s’exprimer sur ce coup-là, n’est-ce pas… Soyons pas bégueules, même assis sur une chaise tape-cul, masque sur la tronche, nous étions impatients de voir débouler Mister Mat et ses musiciens !
Son éternel chapeau sur la tête* et un sourire tout aussi inamovible, Mister Mat pénétra sur scène suivi des siens. Citons-les d’entrée pour ne pas les oublier, Aurélien Calvel à la basse, Julien Audigier à la batterie et Cyril Barbessol aux claviers. Il attrapa une Gibson électro-acoustique et lança la machine. Du blues en français... et ça l’fait ! “Je vous parle de nos vies, je n’ai plus d’amis”, quintessence de la thématique blues, sonne tout aussi bien qu’en V.O. Autant que la sublime reprise de “Girls want to have fun” de Cindy Lauper qui suit… Après nous avoir convaincu de répondre “de rien” à ses “merci” - le gimmick de la soirée - Il switche pour une électrique pour entamer “Passe dans la vallée”, un titre écrit avec Moutain Men. Du blues charnu, puissant, à l’instar du titre suivant, qui permettra à ses compères de s’éclater, chacun dans sa partie… “Simplement te dire” qui suivit, belle ballade intimisme en mode piano/guitare. “Ça fait du bien de jouer, même masqué” nous confie-t-il, ce n’est pas passé loin, n’est-ce pas…” Et d’embrayer sur une autre cover, de Dylan cette fois-ci “Girl From the north country”.
Très habile dans les intermèdes entre chaque morceau, Mister Mat nous a fait l’historique de la chanson suivante, “Fruit défendu”, un blues sudiste et sautillant. L’inspiration lui est venue d’une femme en pleurs, perdant son rimmel, aperçue et jamais revue alors qu’il savourait une bière sur une terrasse parisienne. Il explicitera de la même façon la chanson suivante, “Jouer dans le vent”, hommage tendre et respectueux à un couple d’amis ayant perdu leur enfant de seize ans, parti d’une leucémie. Changement d’ambiance avec un morceau “sexe”, autre thématique classique du blues.… Associés à la rythmique, on se délecte à écouter ses “Rock me all Night long” et à l’entendre pousser des “rock me baby” lascifs en diable. Après un “Kif Kif” qui lui permet de donner un coup de chapeau à son grand-pa, il reprend “Je m’envolerai” de Daniel Lavoie, nous gratifia de son “Désespérément optimiste” sur lequel ses phrases et son phrasé prennent des accents Bashungien, en plus nerveux. Mister Mat avait gardé pour le rappel un titre qu’il interprète avec brio “Georgia” de Ray Charles et une des compos “Une part de nous”, une belle note d’espoir pour clore ce premier set. Comme lui-même l’a rappelé en nous saluant, on espère que ceux qui sont passés au deuxième service comme à la cantine, auront eux aussi apprécié ce concert !
*Un Stetson cuir et non un porkpie de Gene Hackman, comme le prétend hâtivement Paris Match…
Crédits photos : David Poulain