Vingtième album studio officiel pour Bruce "The Boss" Springsteen qui vient tout juste de fêter le 23 septembre 2020 ses 71 printemps. Et cette fois-ci, on nous propose neuf nouvelles compos agrémentées de trois titres écrits dans les seventies. Le Boss est de retour aux affaires avec ce nouvel opus intitulé Letter You You.
Le patron, après avoir quitté les planches de Broadway, s’est remis à l’écriture et a invité ses fidèles compagnons de route du E-Street Band dans son home studio. Et voilà troussés en cinq jours et dans les conditions du « live » ce nouvel album. Il faut revenir dans les années 80 à l’album Born In The USA pour voir le Boss enregistrer de la sorte…
Mais posons donc le magnifique « picture vinyl » sur la platine. Dès l’ouverture de l’album avec la belle ballade "One Minute You’re Here”, on s’aperçoit que le Boss va explorer de nouveaux thèmes comme le temps qui file. Une vision tournée vers le passé à laquelle le Boss ne nous avait pas forcément habitué mais à 71 printemps et presque un demi-siècle de carrière, pas étonnant que certains souvenirs demandent à refaire surface.
On voit apparaitre dans cet album une réflexion profonde autour de la vieillesse, des copains tombés au combat. “Last Man Standing” notamment fait référence à la perte de George Theiss en 2018, son pote des Castiles son premier groupe dont il est maintenant le dernier homme debout. Un hommage très certainement mais aussi un signe de maturité. Dans cet album, les allusions aux chers disparus sont légion. "House of Thousand Guitars" peut se pense comme un formidable hommage aux piliers du E-Street Band partis trop tôt. Sur que Dani et Clarence vont apprécier… Un morceau chargé d’émotion. Sans COVID et sans Smartphone, ce titre aurait allumé des quantités astronomiques de briquets dans les stades…
La force du Boss, c’est d’être capable de parler de thèmes très introspectifs, souvent pas de la première gaité mais en gardant un esprit rock et une musique capable de déplacer des montagnes. “Ghosts”, encore une allusion aux chers disparus, fera vibrer pas mal de monde ! On imagine déjà Dani Federici et le Big Man Clarence Clemons autour d’un verre à discuter de leur pote resté sur terre et se dire qu’il assure grave le Boss ! Et puis, rendez-vous est pris : “Meet you brother and sister on the other side.” Le plus tard possible on l’espère mais le Boss, c’est sûr sera attendu de pieds fermes par ses potes au paradis des rockers.
Et des hymnes rock, Bruce est capable d’en sortir plus d’un de son carnet à spirale. "Letter To You", premier single que Bruce et son E-Street Band ont dévoilé est un rock d'un style reconnaissable entre mille, sans réelle surprise certes mais toujours aussi efficace. Gageons que si un jour les concerts dans les stades pouvaient reprendre, ce titre pourrait faire merveille avec son refrain accrocheur repris en cœur par des dizaines de milliers de fans… Mais pour l’instant contentons-nous du vinyle qui tourne sur la platine. Le clip en studio dans les conditions du live nous montre le Boss et ses compères (son fidèle lieutenant Stevie Van Zandt, sa femme Patti Scialfa, Roy Bittan, Nils Lofgren, Garry Tallent, Mighty Max Weinberg, Charlie Giordano et Jake Clemons) qui semblent s'éclater comme à leur habitude.
Et tu en re-veux du gros riff façon "Glory Days" ou "Ramrod" ? "Burnin Train” est pour toi ! Yes my friends, here is the E-Street Band. Là, ils sont de retour. Voilà peut-être le rock à grosses guitares qu’on attendait. On montre dans ce train en feu, on avance avec le Boss qui semble toujours au top de sa forme malgré les 71 balais qu’il accuse au compteur. Les gratteux Little Steven et Nils Lofgren mettent la main et a la patte et on obtient un de ces rocks dont seul le E-Street Band à le secret.
Tu en veux encore ? "Rainmaker" se pose aussi comme un hymne de stade ! Imaginer encore ces milliers de fans hurlant le titre du moreau en guise de refrain ! Pas de doute, le Boss sait encore écrire des titres capables de galvaniser les foules même si actuellement celles-ci ne sont que virtuelles.
Intro au piano pour "The Power Of Prayer" puis tout le monde va au charbon. C’est bon de sentir encore cette énergie qui se dégage dans les productions du Boss et de son E-Street Band. On sent que les mecs ont pris du plaisir a ces 5 jours de "travail" en studio pour nous livrer tous ces titres. Mention spéciale à Jake Clemons pour son solo.
Autre temps, autre style. Et le contraste est frappant entre les titres actuels dont on vient de causer et trois compos datant des seventies, familières pour les grands fans du Boss mais jamais couchées sur acétate par le patron. On va commencer avec "Janey Needs a Shooter" (coécrite avec Warren Zevon et présente sur l'album de ce dernier Bad Luck Streak in Dancing School), un titre mid-tempo mais pas une ballade. La voix du Boss est trop puissante pour ça. On est sur un titre rempli de feeling, de ce feeling que seul Bruce peut dégager. Et la connivence avec le groupe s’entend encore une fois comme d’ailleurs sur tout l’album. On retrouve cette énergie que le groupe développe live. Il n’est pas évident de faire sonner correctement sur un album studio un morceau de près de 7 minutes sans lasser l’auditoire, mais Ron Aniello, en les faisant enregistrer dans les conditions du live, a réussi à parfaitement capter l’esprit du groupe. OK, ce n’est pas sa première fois mais il est quand même important de le signaler.
Avec "If I Was the Priest" (un titre écrit début 70 puis récupéré par Allan Clarke), on retrouve ici un Bruce plus proche des compositions de Bob Dylan. On mesure au niveau de l’écriture et de l’esprit des morceaux le quasi demi-siècle qui sépare ces trois morceaux des plus récents. Un autre style du Boss qu’il est agréable de retrouver sur cet album ou la diversité des titres fait qu’on ne s’ennuie pas une seconde.
"Song for Orphans" (autre titre du début des seventies disponible sur quelques "live" du Boss). Encore le coté dylanien du Boss qui apparait. L’intro à l’harmonica rajoute à ce côté folk song du plus bel effet. Le contraste reste grand entre ces titres très tournés vers les autres et ceux plus actuels sur le thème du temps qui passe et de la maturité sont omniprésents.
Et pour finir ? De quoi on cause ? Et bien, on ne change pas une équipe qui gagne, des potes disparus. Le Boss écrit encore une fois sur le passé. "I’ll See You In My Dream" musicalement vous rentrer dans la crane un peu à la façon du morceau de Suicide "Dream Baby Dream" que le Boss utilisait en fin de concert sur la tournée Devils And Dust. La boucle est bouclée. Difficile de ne pas verser une larme en fin d’écoute, ce titre va vous filer la chair de poule.
En conclusion, Letter To You est certainement le meilleur album du Boss peut être depuis Devils And Dust. Varié, alternant rock et chose plus tranquilles, titres très dylanien des seventies exhumés et titre plus récents plus tournés vers le passé et l’introspection. Une très belle réussite. Le dernier album studio de Boss du haut de ses 71 piges ? L’avenir nous le dira mais en attenant savourons comme il se doit ce Letter To You…
Sortie le 23 octobre 2020 chez Columbia Records