Par notre correspondant lorrain, Barclau.
Quelques secondes du premier morceau suffiront pour comprendre l'histoire de The Yokel.
C'est celle d'une ascension qualitative impressionnante de maturité qui ne sacrifie rien de son énergie originelle. Dès les premières notes c'est une évidence : le groupe vient encore d'entrer dans une autre dimension.
Un petit rappel historique peut encore être nécessaire. Bien qu'au prochain disque le groupe sera assez dans vos cœurs pour que l'exercice soit devenu inutile.
Commencé en duo par deux passionnés de la folk à l'ancienne, celle qui ne vieillira jamais, The Yokel avait l'ambition de partager des émotions aussi simples qu'universelles. Lucille et Thibault fondèrent donc un groupe pour jouer partout, de la salle de bains à la salle à bain de foule. Les compères ont publié deux EP avant de s'éclipser pour mieux revenir transfigurés. L'album Here comes the wild dévoilait une version taillée pour le live. Car entre temps The Yokel avait gouté au groupe. Et à 8 s'il vous plaît ! Des chansons composées à deux se sont vues complétées, transformées à partir du noyau brut pour donner naissance à un album dont les concerts tendaient vers une ambition autre : donner un spectacle.
Armés de cette expérience ils se sont lancés dans Y. La composition est celle d'un big band, toujours pensée avec sa liaison scénique, sans sacrifier le noyau dur, l'âme, réduite au Y, à la fois référence au lance-pierre du premier album et symbole des possibles, des choix. Mais aussi d'une stabilité trouvée pour un arbre à deux branches qui soutiendra toujours la maison Yokel.
Bienvenu dans le monde qu'ils nous proposent !
« Sublime » ouvre doucement la fenêtre au petit matin. On entre assez rapidement dans le couloir et on sent que la fête a vite commencé dans la grange. Le disque n'a pas démarré depuis une minute qu'on court déjà pour partager cette énergie montante. « No & me » utilise à merveille l'aternance entre calme et folie douce, où les accélérations nous rappellent la fuite du temps de l'autre côté du miroir pour cette chère Alice. Il est impossible de ne pas mentionner « Morgon peak » dont le clip offre une continuité magnifiée (avec ses croisements, les Y de la vie, les choix).
Montagnes russes émotionnelles, sentiments galvanisants, envie d'être ensemble, besoin d'être seul. Tout y passe, et le groupe ne s'est pas facilité la tâche en choisissant de traiter tous ces états. Aussi un « Devil's choice » réussit à sonner intimiste tout en étant interprété par un groupe complet, quand « Dead ends » se fait extrêmement touchant avec son refrain rien de moins que merveilleux (là ça renvoit carrément aux très grands morceaux d'Aimee Mann). Arrêtons ici le descriptif pour en résumer l'impression : il sera difficile d'écouter ce disque assis.
crédit : Michael Dipersio
De la folk, du bluegrass, parfois lorgnant vers une americana aux accents pop (la vieille, celle qui nous a nourri de grands refrains qu'on chante en soirée), swingant et dansant, Y vadrouille loin dans la grande prairie de l'imagination et de la fraternité/sororité de ses membres. On pourrait tous y courir dans une grande danse humaine et inviter The Avett Brothers, The Dead South et pourquoi pas Mumford & Sons à partager la scène avec The Yokel pour nous chanter qui nous sommes et nous le faire célébrer dans une grande vibration, celle qui agite les branches des arbres et se font ressentir jusqu'aux racines. La généalogie est avant tout une histoire du devenir. Et cet alignement de tubes, si vivants, donnera envie d'être unis.
C'est peu de dire que cette année avait bien besoin de ce disque !!!
PS : et bien sûr, quand on tient l'objet dans sa main, médiation par excellence et qu'on peut en apprécier d'autant mieux le superbe travail graphique sur la pochette, sentir les disques trembler, c'est encore mieux !