Alice Cooper est mort, le maquillage m'en coule.
Que les humanistes se rasurent, Vincent Furnier va vraisemblablement bien.
Alice Cooper, groupe né en 1968, s'inspirait de l'imaginaire macabre et grandiloquent des festivités d'Halloween, des films d'horreur pour rire, pour théâtraliser un humour noir et bon enfant tout en, avouons-le, choquant la bonne ménagère. Parce qu'ils sont comme ça les adolescents. Provocateurs pour le plaisir.
Le groupe constitué de Vincent Furnier (chant), Glen Buxton, Michael Bruce (guitares), Dennis Dunaway (basse) et Neal Smith (batterie) a tiré pas mal de galettes. Billion Dollar Babies, Killer sont les plus connus, et pour cause. La musique y est excellente, novatrice, les paroles sont un brin limite, ce qu'il faut pour enchanter le public...
Alice Cooper a grandi, depuis son premier disque en 1969, et son cri du cœur en 1971 "I'm Eighteen", sur Love it to Death, internationalement adopté par des ados qui reconnaissaient bien là l'ambivalence de leur âge dans un monde totalement incohérent. Bigre, rien que les premières mesures aujourd'hui encore me mettent en transe.
Et puis en 1974, le groupe se dissout, c'est la première mort d'Alice, qui est ressuscité par son papa Vincent, qui s'empare du nom et l'adopte même comme le sien propre. Désormais, Alice est Vincent, Vincent est Alice, et les costumes de scène admirables continuent d'enthousiasmer le public. Alice-Vincent est sympathique, plein d'humour, et un génie du théâtre et de la mise en scène. Il change la face du heavy à coup de mascara qui coule. Mais les temps changent, le public n'est plus aussi rockeur qu'avant, et le disco arrive. Alice sombre dans l'alcool.
Pour tenter de renaître, Alice tente l'électro dans les années 1980, mais c'est surtout les cures de désintoxication qui marqueront cette époque pour lui. Et puis, quand on a passé l'adolescence, qu'on atteint l'âge du parent qu'on provoquait, on se dit qu'en fait, ce petit merdeux est bien agaçant, et que marcher dans les clous c'est quand même plus sûr.
Afin de rester en vie et en couple, il finit par arrêter l'alcool, frère triplet du rock et du sexe. Et quand on en laisse un, on laisse souvent les trois.
Mais Alice s'accroche. On ne met pas en scène la mort et les horreurs pour abdiquer à la moindre suggestion de décès. En 1989 sort Trash, avec le mythique "Poison" à l'intérieur, repris dans sa plus célèbre apparition cinématographique de 1992, Wayne's World. Personne n'était digne d'un tel personnage.
Cependant, ce regain ne masque pas la lente déchéance. L'arrêt brutal et total de l'alcool s'est accompagné d'une dévotion accrue dans le golf, sport de riches insousciants, et dans la religion. Ayant publiquement renié ses anciennes chansons, il s'aperçoit toutefois que ce sont elles qui plaisent le plus au public, et qu'il est forcé de rejouer sur ses nombreuses scènes afin de plaire à ses fans. De tournée en tournée, de produits dérivés improbables comme de la sauce piquante ou des masques sanitaires, Alice décline.
Alice Cooper en 2011, lors de la tournée "No more Mr Nice Guy".
Le 11 décembre 2020, il commet une reprise pop, "Our Love Will Change The World" (Outrageous Cherry), dont le titre à lui seul tranche aussi radicalement qu'un couperet de guillotine avec le passé ironiquement sombre du groupe. Ce morceau figurera dans l'album Detroit Stories prévu pour février 2021, si jamais la nécrophilie souillant le Rock vous inspire.
Voir l'article de nos collègues de la rédation Metal à ce sujet.