Qui l’eut cru ? THE album rock de ce début d’année - et il y a fort à parier, dans le peloton de tête 2021 - vient de Romainville, 93. Un OVNI en forme de gros lot à plus d’un titre, ce premier opus officiel de Rest In Gale… Un groupe fondé en 2014 par le duo Julien Howler & William Rains au retour d’une virée Londonienne, dont ils ont ramené une flambloyance musicale so british et un sens de l’humour Pythonesque. Les deux romainvillois, épicent leur rock de psyché domptée et de pop joyeusement délétère, avec une bonne de dose d’énergie et d’esprit punk, version DIY.
On est des p’tits vernis à LGR, on a eu la très grande chance de découvrir - à plusieurs reprises - Rest In Gale dans leur élément. La scène, qu’ils dynamitent façon puzzle, leur frontman Julien le bien-nommé Howler passant autant de temps dans la fosse à frotti-frotta que sur son terrain de jeu favori. Lorsqu’il se balade à l’aise Blaise dans les graves, on jurerait qu’il descend tutoyer Nick à la cave. Mais s’il monte facilement aux rideaux en mode Iggy Pop, exhibant volontiers un torse imberbe, il sait aussi se faire crooner déviant à la manière de feu-son-poto-Bowie. Son side-kick partner de William et lui avaient déjà commis deux EP aux titres prometteurs et évocateurs, God bless Jacob Delafon et sa suite, sobrement intitulée God bless Jacob 2. Cette Tombola retranscrit la frénésie scénique et le champ des possibles sonores labourés par nos deux romains d’la ville et leur gang de rats de champs. Un champ qui donne déjà de sacrés beaux fruits gorgés de désirs, de légumes aux formes forcément évocatrices… Bref, on s’égare à l’est ; nous avons assurément là une première récolte de haute volée qui va faire les délices des connaisseurs !
Si la voix de Julien Howler est l’épicentre de ce vertige sismique de dix titres plus roller coaster les uns que les autres, les arrangements touffus mais pas étouffants, se hissent sans peine à sa démesure. Guitares Morriconesques, clavier chatoyant et omniprésent, rythmiques tout terrains, choeurs sexy qui vous mordillent, vous titillent l’oreille avec volupté. Et des textes, Mordiou, des textes… Empreints d’une folie toxique et rigolarde, que l’on imaginerait bien déclamés par un Lux Interior. Des mots collant façon résille à des mélodies bien galbées. Des phrases sonnantes et tranchantes - “The swan sing / The rope swing / The knife sting / And the Silence is king (“Pushful grin”)” - voire de la poésie névrotique à souhait, “He had a dream about a frame / Alone in the portrait, alone once again / He saw his head hanging on a kite / Moving with the wind on a distant plain (“Dream(z)”) ”.
“Bateau ivre”, digne d’un marin querelleur et bourré
Premier numéro à être tiré au sort, “Tombola” roule des mécaniques en suivant le timbre d’un Julien Howler sans nulle doute inspiré par Nick Cave, la nonchalance ironique en prime. “Amari” qui suit, est un voyage hypnotique au pays du raï n’roll et “Page blanche”, une petite merveille de pop glam vénéneuse à souhait, chargée en choeurs aux sucs empoisonnés. “Is a better” ? Une diablerie masochiste qui démarre au son du clavier pervers et sautillant, et qui enfle ensuite tel un serpent lascif. “Bateau ivre” chaloupe lui dans une emphase brechtienne digne d’un marin querelleur et bourré. “Pushful grin” chanson romantique et destroy de l’album ? Ce qui est certain c’est que “I.S.H.A - I see her alone” qui vient ensuite, ressemble à la B.O fantasmée d’une série B fantastique de la Hammer. La rythmique presque guerrière de “Dream(z)” résonne elle à l’unisson des pulsions de son personnage principal, tandis que le dansant “The evil electric” électrise délicieusement le popotin. “Sweet disease” conclue en mode pop mâtiné de folk aviné, ce premier essai, véritable coup de maître d’arme. Rest In Gale a du panache, du kliiiiissss à revendre !
Le clip déjanté du raï n’roll “Amari”
Sortie 29 janvier 2021 chez KLISS records / Jarane