"More is never enough" nous dit l’expression anglaise. Il semblerait que Transatlantic se soit réellement accaparé cette expression : concrètement en 2010 lors de la parution de ce live éponyme, mais également pour ce nouvel album intitulé The Absolute Universe. Ou plutôt ces nouveaux albums. En effet, ce ne sont pas un mais deux albums, dont un double que nous propose le super groupe de rock progressif. Suite à un débat entre les membres de la formation, certains pensaient qu’il fallait faire un double album et d’autres un simple. Alors plutôt que de se déchirer, ils décidèrent de faire les deux pour nous proposer au total trois disques, et même plus puisque la version Blu-ray contiendrait un mix encore différent. Pour des questions de temps et d’accessibilité, nous avons pris le parti de chroniquer le simple disque intitulé The Absolute Universe : The Breath of Life, avec quelques références bien sûr au double album intitulé The Absolute Universe : Forevermore. Toutes ces éditions seront disponibles le 5 février sur le label Inside Out Music.
Cela faisait sept ans que Transatlantic ne nous avait pas proposé d’albums. Les fans seront en terrain connu puisque la formule du groupe n’a pas changé : du rock progressif audacieux influencé par Genesis, Frank Zappa, Yes et les Beatles. Mais voilà le problème pour les aficionados de Neal Morse et Mike Portnoy. En effet, les deux leaders du groupe se connaissent tellement et ont déjà fait tant d’albums ensemble (plus d’une vingtaine, entre la carrière solo de Neal Morse et les groupes Flying Colors et The Neal Morse Band) qu’on se retrouve avec exactement le même style.
En 1999, date de la création de Transatlantic, le projet était intéressant car frais et novateur, et Neal n’avait pas encore composé ses albums solos. De plus l’ajout de Roine Stolt à la composition et au chant ajoutait une petite touche supplémentaire par rapport au style de Neal Morse. Mais là, nous sommes forcés de constater qu’au sein de sa carrière, ce nouveau Transatlantic n’apporte pas grand-chose de nouveau. Il y aura toujours les mêmes "Overture", avec les thèmes introduits, les mêmes chansons de fin avec un déluge de cordes, des moments prog avec des chants en canon à la King Crimson. Donc cette nouvelle œuvre ne révolutionnera ni le monde du prog, ni la discographie des différents membres.
Pourtant, c’est un projet qui mérite déjà le coup d’œil par son concept. Il y a fort à parier que peu de groupes se sont frottés à l’exercice de style qui consiste à proposer deux albums "same but different", pour citer James Franco dans le film "The Interview". Pour s’attaquer à cette œuvre, il vaut mieux commencer par l’écoute de The Breath of Life, l’album simple. Peut-être plus concis et plus accessible, il est beaucoup plus facile à digérer, car appréhender l’intégralité des trois CD vous demandera une bonne semaine avant d’avoir les thèmes en tête.
Les deux versions diffèrent notamment par leur leader : The Breath of Life a été éditée par Neal Morse et Forevermore par Roine Stolt. Le premier évoluant dans un style prog plus accessible et moins jazzy, il conviendra donc aux néophytes. Les fans pourront s’attaquer au double album et bien sûr continuer leur chasse au trésor en comparant les deux versions. Forcément, Forevermore est plus long, plus intense, avec des thèmes plus développés et il est probable que, d’ici quelques semaines, nous aurons déjà des forums remplis d’analyses croisées des différents thèmes. Ainsi ce projet prend tout son intérêt dans sa forme globale. Mais parlons maintenant de la musique en elle-même.
Transatlantic s’est illustré dans les mini epics, même si pour le groupe, un mini epic est un morceau de 30 minutes. Les pièces maîtresses "Duel with the Devil", "Suite Charlotte Pike", "Stranger in Your Soul", "All of the Above", "Kaleidoscope" ou "Into the Blue" font partie des grands succès du groupe et pour cause, ce sont des morceaux efficaces malgré leur longueur, où chaque partie a un sens. The Whirlwind, premier album concept du groupe n’atteignait pas cette efficacité car on sentait que le groupe tournait en rond parfois. Et pour The Absolute Universe, c’est un peu la même chose. On est face à des morceaux assez hybrides qui pourraient fonctionner seuls mais qui sont trop courts, ou alors dont les thèmes répétés ne sont pas forcément bien amenés. Prenons comme exemple le thème de "Belong", véritable fil rouge de lalbum. Ce thème est introduit ça et là dans "Higher than the morning" ou "Take Now My Soul" et cela passe bien au sein de ces compositions. Mais lorsque le groupe lui dédie une chanson, on tourne un peu en rond. C’est également le gros problème de Forevermore.
Quelques morceaux arrivent à sortir du lot, notamment "Take Now My Soul", ballade typique de Neal Morse mais également "Solitude", l’OVNI de l’album composé par Pete Trewavas. Cette chanson est intégralement chantée par Pete, c’est d’ailleurs la première fois qu’il prend le lead au chant pendant toute une composition et ça fonctionne. Cela amène un peu de fraîcheur dans un groupe dont les compositions sonnent comme un album de Neal Morse ou Roine Stolt. Le morceau est prog, bien construit et même si Pete n’est pas un excellent chanteur, cela va bien avec l’univers triste de la chanson.
Car l’univers de ce Breath of Life se focalise essentiellement sur la pandémie. Au départ, le projet The Absolute Universe était de se concentrer sur les tragédies de la vie quotidienne. Puis lorsque le groupe a décidé de réduire le double CD en un seul, le Covid est venu tout bousculer et le groupe a réécrit des paroles pour faire un lien avec la situation. Il en résulte un album profondément vrai qui parlera à tous avec des paroles pleines d’espoir.
Outre le fait de pouvoir comparer les deux versions, le gros point fort de The Breath Of Life est le mix. C’est sans surprise un album qui se laisse bien écouter. D'ailleurs, on ne présente plus Rich Mouser qui fait des merveilles depuis des années, notamment lorsque Neal Morse est impliqué, mais il convient d’admettre qu’au niveau du mixage et du mastering, on est ici face à l’une de ses meilleures œuvres. Et l’intérêt vient notamment de la présence de la basse, à la fois ronde, chaude et avec des lignes sublimes. Le grand gagnant est donc Pete Trewavas sur les deux albums, au détriment de Roine Stolt dont la guitare reste énormément en arrière plan. Les deux autres compères, Neal et Mike restent dans leur zone de confort, le multi instrumentiste prenant le devant de la scène avec son orgue hammond tandis que le batteur nous distille toujours des parties très prog avec 25 breaks et fills à la seconde, et n'hésite plus à s'emparer du micro pour quelques parties solos.
Pour leur premier opus depuis sept ans, Transatlantic n'innove pas vraiment et reste solide sur ses acquis, suscitant un intérêt particulier pour son mixage et pour son concept. Il y a fort à parier que si le groupe ne nous avait pas offert deux versions de The Absolute Universe, cette sortie serait passée inaperçue dans le monde du prog de 2020. Espérons quand même que la résurrection du groupe leur donne envie de poursuivre l’aventure tout en prenant des risques.
Sortie le 5 février 2021 sur le label Inside Out Music
Note 8/10 pour le concept, mais sans les deux versions la note aurait été plus basse.
Tracklist
The Absolute Universe: The Breath Of Life:
1 Overture 00:05:53
2 Reaching For The Sky 00:05:40
3 Higher Than The Morning 00:04:32
4 The Darkness In The Light 00:05:43
5 Take Now My Soul 00:03:31
6 Looking For The Light 00:04:04
7 Love Made A Way (Prelude) 00:02:13
8 Owl Howl 00:05:26
9 Solitude 00:04:24
10 Belong 00:02:22
11 Can You Feel It 00:03:17
12 Looking For The Light (Reprise) 00:04:57
13 The Greatest Story Never Ends 00:02:57
The Absolute Universe: Forevermore
Disque 1:
1 Overture 00:08:11
2 Heart Like A Whirlwind 00:05:11
3 Higher Than The Morning 00:05:29
4 The Darkness In The Light 00:05:43
5 Swing High, Swing Low 00:03:48
6 Bully 00:02:11
7 Rainbow Sky 00:03:19
8 Looking For The Light 00:03:59
9 The World We Used To Know 00:09:21
Disque 2:
1 The Sun Comes Up Today 00:05:38
2 Love Made A Way (Prelude) 00:01:25
3 Owl Howl 00:07:05
4 Solitude 00:05:41
5 Belong 00:02:49
6 Lonesome Rebel 00:02:53
7 Looking For The Light (Reprise) 00:05:12
8 The Greatest Story Never Ends 00:04:17
9 Love Made A Way 00:08:02
Photos : DR Inside Out Music