La réputation de Sivert Høyem n'est plus à faire... en Norvège. Etrangement, le compositeur-interprète ne passe pas les frontières scandinaves avec son projet solo. Pourtant avec son ancien groupe Madrugada, les tournées européennes étaient fréquentes dans les années 2000 jusqu'à la fin tragique du groupe, l'un des plus classes de la décennie. Depuis, hormis son premier album classé troisième, Sivert Høyem est numéro 1 des charts norvégiens pour chacun des 4 albums suivants, et même Long Slow Distance double disque de Platine.
Pour cette nouvelle production, Sivert a fait court, seulement 5 titres mais hautement qualitatifs. Sivert possède en lui une certaine idée de la beauté et des références sures. On peut facilement le classer dans la lignée de Nick Cave (écoutez le timbre, saisissant), Chris Isaak, Kate Bush ou encore de R.E.M. Avec le communiqué de presse de Roses of Neurosis, très personnel, comme rarement dans ce genre d'exercice, on comprend que Sivert présente une dérision folle sur la vie et une grande ironie sur le showbizness. A propos de son âge, c'est simple, il cite volontiers Elvis, pour expliquer que bien qu'ayant deux ans de plus que lui lorsqu'il a cassé sa pipe, il faudrait encore faire ce que les gens veulent de lui et tout en évitant d'avoir l'air vieux.
Sivert n'est plus sûr de faire encore du rock comme à la grande époque de Madrugada mais il en a gardé le côté sombre, largement sombre. Une ancre de mélancolie est accrochée à la cheville de Sivert, et avec lui nous sombrons dans des nappes abyssales de glorieuse tristesse. Tout en mid-tempo, Sivert nous empêche de reprendre le dessus, on perd pied volontiers, attiré de fait par les synthés de Cato Saosa et la trompette de Nils Petter Molvær. On a rarement vu quelqu'un retenir son souffle 23 minutes et c'est ce que dure ce délice d'EP hors du temps mais pas de l'espace. Car on y flotte, groggy et pourtant serein, enlisé dans les nappes de Christer Knutsen. Il y a une telle richesse d'arrangements, un mix formidable que l'écoute au casque vous fait chavirer dans l'obscur panorama dessiné par Sivert Høyem et ses ténébreux complices.
crédit photo : Frode Fjerdingstad
Et dans cet océan de noirceur, il y a la prodigieuse voix de Sivert Høyem, dont les montées nous ramènent à la lumière ("Run Away") et pour laquelle sa guitare acoustique complète parfaitement les mélodies, et celle, électrique de Christer Knutsen se meut dans les interstices confinés. Børge Fjordheim et Øystein Frantzvåg à la batterie et à la basse servent le propos dans un domaine pop, limite pop 80's ("Queen of My Heart" aux parties soutenues par de légers carillons, "Safe Return" et sa trompette) où Sivert, dont la plus grande idole est Leonard Cohen, pioche avec plaisir. Allez donc vous refaire I'm Your Man ou Various Positions du Canadien, ou les albums de Bryan Ferry de la même période. Même si Sivert déclare ne plus être obsédé par son "son" et sa production, on comprend à l'écoute de Roses of Neurosis que c'est un voeu pieux, Sivert produisant et arrangeant avec Christer Knutsen (ce dernier procédant aussi aussi aux enregistrements). Rien dans les 5 titres de ce grandiose EP n'est laissé au hasard. Et comme le démontre le magnifique dernier titre, "Devotional", Sivert est dévoué spirituellement à l'amour et à la musique.
Sortie le 12 février