Au moment où No One Is Innocent retourne en studio pour leur 8ème album, La Grosse Radio a pris quelques nouvelles de Kemar. Tu sais quoi ? Sois rassuré(e), il va très bien.
Comment vas-tu, Kemar ?
Ecoute, comment te dire... Je vais être honnête. Le fait d'être en pleine compo avec les potes depuis un moment, et d'avoir cet espèce de fourmillement d'idées, d'être sur la même longueur d'ondes, qu'il n'y ait pas de prise d'égo, de calife à la place du calife, finalement ça me remplit intérieurement. Et ça m'enlève toutes les angoisses de ne pas monter sur scène. C'est peut-être particulier. Tout le monde se plaint de ne pas monter sur scène, mais là le fait d'être sur cet album, et là on prépare un putain de bon album, je suis assez fier de ça, et donc rempli de bonnes vibes.
Et comment va No One ?
No One se porte bien. On n'est pas en mode pleureuse. A notre niveau, on a tellement tourné en 2018 et 2019, on est tellement montés sur scène... Plus le groupe vieillit, et plus on vit des moments exceptionnels. C'est paradoxal, en général c'est plus en début de carrière, mais nous, c'est vrai qu'on a vécu de super moments. Et surtout, ce qui me tient, c'est l'ambiance dans ce groupe.. L'envie de voir mes potes, de rire avec eux, de composer avec eux, de parler de tout et de rien... Hier je bossais avec Poppy sur un nouveau morceau, et bien à chaque fois que je ressors de chez lui je suis comblé. C'est ça.
C'est une période hyper enrichissante pour moi, je me rends compte qu'avec ces gars-là, s'il n'y avait pas la limite d'âge, je ferai des albums jusqu'à 85 ans ! Mais bon, c'est pas possible. Ou alors comme un vieux bluesman, accompagné par Shanka à la guitare, dans un rocking'chair...
Photo: Nicolas Keshvary
Les 2 derniers albums étaient très analogiques, très puissants. Vous êtes sur le prochain, est-ce qu'on doit s'attendre à un album aussi viscéral ?
Notre direction, qu'on avait commencé à prendre à l'époque de Frankenstein, c'est d'amoindrir notre côté compo up and down, couplet cool et refrain vénère. C'était une vraie direction, et pour cet album on a bien tenu le cap, et ça nous réussit plutôt pas mal. Je suis très fier de cet album. J'ai fait écouter à quelques potes, qui ont l'habitude de charger quand ils ne trouvent pas ça bien. Et là, objectivement, ça se passe plutôt pas mal.
On a commencé à travailler dessus à la fin de la tournée Frankenstein. On commence toujours à travailler sur les fins de tournée, quand il y a un break.
On part en studio le 15 mars, pour 3 semaines, puis deux semaines plus tard.
Musicalement, l'album est super bien écrit. Je continue à peaufiner les textes, mais il est bien avancé. C'est l'album qu'on a rêvé de faire, entre Propaganda et Frankenstein. La barre est très haut. Il y a des gros morceaux qui sont arrivés dès le départ.
Photo: Sophie Brandet
Tu as toujours été très lié à l'actualité, la période actuelle est chargée. Quels combats va-t-on retrouver dans l'album ?
Principalement, les violences policières. Cette espèce de caste macronienne qui traîne autour du pouvoir et qui tire les ficelles. C'est pas très nouveau, mais c'est quelque chose qu'on a voulu pointer du doigt. Les GAFAMs, tout cet imbroglio big brother, cette omniprésence, et aussi notre complicité là-dedans. Pour ce qui me concerne je n'ai rien de tout ça, mais tout ce qu'on alimente et qui servent à ces gros trusts privés, c'est un enjeu planétaire, quelque chose qui va complètement modifier les codes du monde.
Je me suis remémoré un évènement des dernières élections présidentielles en visionant un doc à l'époque de Fillon, où il était devant un parterre de patrons du CAC40, et qui leur disait que demain, si il était élu, il y aurait un raz-de-marée de décrets pour défoncer socialement ce pays. Et c'est un truc qui m'avait marqué. Je m'était dit que c'est ce qui peut arriver à chaque fois, malgré les grandes promesses. Un peu comme la gauche miterrandienne, 81-82, tout le monde au taquet,et puis derrière, 83, la désillusion.
C'est quelque chose qui m'avait marqué, avec les patrons qui l'acclamaient à chaque phrase. Il avait vraiment l'intention d'éclater tout le monde, les chômeurs, la retraite, le service public... Je suis extrêmement sensible à tout ce qui est social, et ce reportage m'avait vraiment touché. Le dire, exprimer cette colère grâce à notre musique c'est une thérapie pour moi.
On a voulu aussi mettre l'accent sur les chaînes info. Il y a un morceau, qui s'appelle "Humiliation", et qui évoque tous ces gens qui sont mis sur le carreau parce qu'ils ont 50 balais, et à qui on fait croire qu'ils ne servent plus à rien. C'est quelque chose qui me touche personnellement. Ca peut arriver à tout le monde, à ton voisin, à ta famille. Je trouve ça humiliant, c'est terrible dans la vie d'une personne. Tu es encore bon, et pourtant tu dégages.
Tout n'est pas noir, on a un morceau très Combat Rock, qu'on a voulu faire pour parler de ceux qui sont venus nous voir en concert ces dernières années. C'est un gros big-up, c'est le morceau qui réchauffe pas mal.
Photo: Sophie Brandet
Dans cette période sans scène, quand on est un groupe live, comment faire des morceaux taillés pour les concerts ?
Il y a des morceaux qui te projettent sur scène. Tu le sens, c'est viscéral. Tu sais que ces morceaux vont sentir la sueur. C'est très instinctif. Ca peut être besogneux aussi. Ca passe aussi par le fait de jouer, de jouer, de jouer. Tu finis par sentir ton corps en réaction.
Mais là le choix des titres va être difficile sur ce nouvel album, parce qu'il y a pas mal de titres que je projette sur scène. C'est de bonne augure. Je me suis toujours dit que les périodes de crise ramenaient de bonnes choses, parce que ça ronronne, parce que tu as une frustration, et plus ça ronronne plus ça mijote bien.
No One Is Innocent est à suivre sur leur site Web ici.