Avec l'Express EP, découvrez de courtes galettes qui nous ont séduits ces derniers temps. Pour cette vingt-et-unième édition, vous pourrez découvrir Liquid Bear, LohArano, Taman Shud, Recreation!, Howling Giant et David Bleu.
Liquid Bear – Heavy Grounds
Sorti le 05 mars - par Félix Darricau
Avis aux amateurs de rock 70's, les Liquid Bear sont de retour un peu plus de deux ans après un premier EP déjà fort réussi, Unwind. Une bonne pincée de prog sur les bords, un peu d'influences stoner, ce bon son d'orgue qui rappelle tant Deep Purple, et surtout du groove ! La formule est toujours très efficace, et si l'introduction de "Goblin Crusher" est moins renversante que ne savait l'être "Unwind", cette attaque nous conquiert d'ores et déjà. Au niveau du format, le groupe nous propose une nouvelle fois cinq titres, mais l'ensemble semble plus long et travaillé que sur le précédent EP. Et ce n'est pas qu'une impression, les titres sont en général plus longs et prennent en conséquence plus de temps pour développer leurs thèmes et nous emporter plus loin, à l'instar de "Waiting To Burst" ou du bien fou "The Frog", largement à la hauteur de "The Hitchiker" dans ce domaine.
Cela dit, on est tenté de dire qu'une nouvelle fois c'est le titre final qu'on retient le plus de cet EP. "Harry & Bart" avait marqué Unwind avec son ambiance et cette partie finale en long solo épique, mais alors "Heavy Ground", quelle claque ! La rythmique, implacable, nous embarque dans un titre plus énergique encore que tout ce que la formation a pu créer jusqu'à maintenant. Tout ça pour mieux nous abandonner dans ces refrains planants. Une totale maîtrise de l'intensité, suivie par une partie de solos bien chiadée elle aussi, sur des accords rappelant presque un "Sir Psycho Sexy" des Red Hot. Évidemment, tout ça verse plus dans le triste que dans l'hyper joyeux, à l'image des paroles (et du clip) inspirées par les temps troubles que nous traversons. Une valeur sûre si vous aviez aimé le premier EP, et on attend de pied ferme la prochaine occasion de revoir le groupe sur scène !
LohArano – LohArano
Sorti le 26 mars chez Daydreams Music – par Aude D
Après des décennies d’existence, on a l’impression que le rock a fusionné avec tous les genres de musique existants. Pourtant, en 2021, certains groupes arrivent encore à nous surprendre. C’est le cas de Loharano, qui après une poignée de titres indépendants, a sorti récemment son premier EP éponyme. Le groupe est malgache, il s’emploie donc à créer une musique qui mélange le rock et les sonorités traditionnelles de Madagascar. Et le résultat est saisissant.
La voix de la chanteuse Mahalia Ravoajanahary évoque à la fois la fougue du rock le plus puissant et la musique ancestrale de l’île, d’une façon unique et extrêmement expressive, avec parfois quelque chose de presque chamanique, renforcée par des chœurs prenants. Sa guitare joue aussi sur le contraste entre débauche d’énergie, parfois très saturée et plutôt metal, et jeu qui évoque des sonorités plus traditionnelles. Ses deux comparses à la basse et la batterie naviguent entre les rythmes du rock et « rythmiques ternaires ancestrales malagasy », selon le communiqué.
Le principal reproche à faire à cet EP, c’est en fin de compte sa brièveté, moins d’un quart d’heure. Mais en quatre titres, Loharano arrive à montrer une palette riche, entre titres solennels qui semblent plonger aux racines de sa culture (« Fototra » avec son chant d’introduction guttural et ses percussions tribales), morceaux plus calmes et doux (« Lohorano ») et chansons enragées, aux passages scandés et à la forte inspiration metal (« Tandroka » et « Tempo »). Avec des titres aussi marquants, nul doute que les Malgaches seront en mesure de proposer un premier album long mémorable.
Taman Shud – Taman Shud
Sorti le 02 avril - par Davy Sanna
Taman Shud a trépassé. Après un EP, un album et un split avec Fat White Family parus chez Trashmouth Records, le groupe qui se réclamait du genre necro-psych fait finalement lui-même la nécro. Le testament indique que son héritage ira aux bonnes œuvres : ainsi de ce trois-titres post-mortem, dont les bénéfices seront reversés directement au Windmill, pub culte de l’underground londonien, actuellement en difficulté comme tout le monde.
Un beau geste pour sûr, d’autant que l’héritage est de qualité, présentant tout ce que Taman Shud faisait de mieux : du lourd, des hurlements, de la saturation outrancière, une voix messianique parvenant à faire émerger des mélodies désespérées d’un épais smog fuzz, et surtout un cœur gros comme ça. Rest in Peace petit ange.
Recreation! – 20's FM
Sorti le 30 avril - par Félix Darricau
Il est bien difficile (si ce n'est impossible) d'affubler une seule étiquette aux nouveaux venus de la scène Sud-Est, sensation du moment à Aix-en-provence. On y trouve du jazz, assurément, du hip-hop, là aussi c'est une évidence, un peu d'électro mais également du rock bien amplifié. Ambitieux, pourrait-on craindre ? Non, Recreation! a remporté un tremplin local et on comprend clairement pourquoi : la section instrumentale suinte le groove avec une aisance impressionnante et Talin Maas est parfaitement à l'aise dans le rôle de MC avec son flow envoûtant. Pour ce premier EP d'une trentaine de minutes, la formation nous propose 7 titres très variés et incroyablement addictifs, des super jazzy "Never Be Quiet" ou "Tonight" et leurs grooves enivrants au très énervé "Where's The Money At", en passant par la pépite "One World" et ce flow rappé au rythme parfait. Comme les titres le laissent deviner, la formation internationale inscrit sa musique dans les luttes actuelles, avec des messages engagés, de sociétés comme plus personnels.
Recreation! est initialement le projet de Benoît Moreau, que l'on retrouve ici derrière les compositions et toutes les parties de guitare. Samuel et Jérémi amènent leurs influences jazz respectivement aux claviers et derrière les fûts. Le Finlandais Hannes Mölsä et Talin, d'origine allemande-arménienne (pas surprenant de retrouver un passage dans la langue de Goethera sur "GEM") complètent cette formation très éclectique, et déjà particulièrement impressionnante. Le genre de groupe qu'on est vraiment curieux de suivre, pour voir comment leur style va évoluer et quelles compositions ils sauront terminer ensuite. En attendant, une seule action est possible à la fin de 20's FM : appuyer sur replay et relancer la musique. Encore et encore.
Howling Giant - Alteration
Sorti le 20 avril 2021 en autoproduction - par Aude D
La précédente sortie du groupe avait été l’une des plus marquantes et des plus singulières de 2020 : Turned To Stoned Chapter 2, un split avec la formation Sergeant Thunderhoof, dans lequel chaque groupe racontait, en une unique piste de vingt minutes chacun, l’histoire d’un guerrier japonais légendaire, les deux protagonistes choisis ayant supposément mené un combat épique l’un contre l’autre.
Cette année, Howling Giant revient avec un concept plus classique : un EP, en version instrumentale, disponible sur Bandcamp. La dimension à la fois épique et planante est toujours présente. Stoner, space rock, rock progressif s’entremêlent pour un résultat exaltant, cohérent du début à la fin. Il ne faut pas chercher de révolution dans le rendu final : cela correspond à l’identité sonore construite par Howling Giant depuis plusieurs années, aventureuse mais au fil du temps de plus en plus familière. La genèse sort bien plus des sentiers battus : Alteration est en effet né de sessions du groupe sur Twitch, durant lesquelles il demandait aux fans de proposer des noms de morceaux. A partir de ceux-ci, les musiciens partaient en jam. L’inspiration a été telle que quatre des titres ainsi créés ont été enregistrés pour Alteration. Il est une parfaite démonstration du savoir-faire des Américains, et en attendant de repartir sur un voyage plus long avec eux, il fait patienter les fans avec délectation.
David Bleu - Come Along
Sorti le 04 mai - par Gregor Samsa
David Bleu, c'est à lui tout seul un punk, un beat-boxer, un rappeur, un teuffeur, un chaman et tous leurs roadies. C'est des percus, des cuivres et des boîtes à rythmes vissées partout. C'est la foule qui fait les chœurs, l'arrangeur fou qui a rajouté des distorsions et des claps dans tous les coins, et le chauffeur de salle qui relance régulièrement le refrain dans son micro. C'est aussi le mec qui plane là bas dans son coin, au son des incantations électro-organiques de ce mélange insolite. C'est la paire de tympans éberlués qui ne sait plus ce qu'elle entend, dans ce fatras émoustillant et toujours bienveillant. David Bleu vous prend par les oreilles et vous balance par les pieds dans son mixeur à bruits, il touche à tout, il chante partout, ça bruite et ça vrombit, laissez-vous initier, revenez-en transformé. Venez, venez, Come along, c'est cinq voyages expérimentaux où l'on adore se perdre dans une jungle phonique en mosaïque.