Ça faisait vint ans qu’on l’espérait mais pour tout dire on n’y croyait plus vraiment. Et c’est à la fin de l’année 2019 que la nouvelle est tombée : la reformation officielle de The Lunachicks ! Véritable figure de proue du punk rock 100% féminin qui a engendré le riot grrrl avec des formations comme L7, Babes in Toyland, Bikinikill ou Bratmobile, The Lunachicks est l’archétype du groupe inclassable qui a marqué sa génération et tout un pan de la musique punk grâce à une attitude sans concession et un féminisme assumé.
Leur concert de reformation ayant été repoussé pour cause de coronavirus, Theo, Gina, Syd et Chip n’ont pas encore pu se produire en live pour officialiser leur reformation, mais ont pu travailler pour préparer le terrain avec la mise en chantier d’un documentaire retraçant la carrière du groupe et un bouquin, intitulé Fallopian Rhapsody: The Story of the Lunachicks, qui sort le 1er juin chez Hachette.
À l’occasion de cette reformation (insepérée) et de la sortie du livre aujourd’hui même, nous avons pu tailler une bavette avec la gratteuse Gina Volpe. Voilà donc la toute première interview de The Lunachicks pour un média français depuis pas loin de vingt ans... une exclusivité made in La Grosse Radio !
Salut Gina ! On n’y croyait plus, mais c’est maintenant official depuis plus d’un an : The Lunachicks se reforme après plus de vingt ans d’absence et prévoit même quelques concerts. Est-ce que ce sont les reformations récentes de groupes comme L7, Bikini Kill ou Babes in Toyland qui ont motivé votre retour ?
Salut ! En fait, nous avions toujours en tête l’idée que nous pourrions rejouer ensemble à nouveau. C’est d’ailleurs pour ça que n’avons jamais officialisé la fin du groupe... Disons que nous avons fait un très long break ! [rires] Qui plus est, nous avons commencé à travailler sur un livre intitulé Fallopian Rhapsody: The Story of the Lunachicks il y a quelques années ainsi qu’un documentaire sur la carrière de The Lunachicks. Tout ça laissait entrevoir que nous allions nous reformer un jour ou l’autre ! Mais à l’heure où je te parle, je ne sais pas quand le documentaire sera finalisé...
La grande absente de cette formation, c’est la guitariste originelle Sindi Benezra. Pourquoi n’a-t-elle pas souhaité rejouer avec le groupe à nouveau ? Vous êtes toujours en contact avec elle ?
Sindi a quitté le groupe en 1996 pour passer à autre chose. Depuis son départ, nous avons continué à jouer en quatuor, fait des albums et des tournées. Nous l’aimons beaucoup et nous restons toujours d’excellentes amies.
À cause du coronavirus, le concert de votre reformation a dû être repoussé et est maintenant prévu pour septembre 2021. Que peut-on attendre des futurs concerts ? Y aura-t-il une setlist spéciale ou des invités et invitées surprise ?
Nous voulons remonter sur les planches et envoyer du lourd ! On veut jouer les morceaux que les fans attendent ainsi que les titres qu’on adore jouer en live. Pour l’instant, je dois t’avouer qu’on est un peu rouillées car nous n’avons pas répété depuis un an, mais on va s’y remettre dans quelques semaines. J’espère donc que nous serons remontées à bloc pour nos premiers concerts car nous n’avons pas rejoué ensemble depuis trèèèèès looooongtemps. Je suis sûre que l’énergie du groupe et celle du public sera au final, monumentale !
Est-ce qu’on peut s’attendre à de nouvelles compositions dans un futur plus ou moins proche ? Est-ce que c’est un objectif pour The Lunachicks ?
Effectivement, nous en avons parlé entre nous, mais pour l’instant nous sommes concentrées sur la sortie de Fallopian Rhapsody: The Story of the Lunachicks ainsi que sur les futures répétitions qui vont être importantes. Depuis que la Covid est arrivée nous n’avons pas pu nous réunir pour composer de nouveaux morceaux mais on va y travailler, c’est sûr !
Peux-tu nous en dire plus sur Fallopian Rhapsody: The Story of the Lunachicks ?
Plus qu’une simple biographie, ce livre raconte l’histoire d’une bande de filles qui ont monté un groupe à la fin des années 1980 et qui sont devenues de véritables amies. Theo, Syd et moi-même avons écrit ce livre en étroite collaboration avec notre amie et écrivaine Jeanne Fury. Ces écrits rassemblent nos mémoires pour relater notre parcours au sein du monde du rock'n’roll mais aussi pour parler de ce que nous avons vécu en tant qu’amies et en tant que co-créatrices. Bien entendu, toutes les anciennes de The Lunachicks ont aussi participé à Fallopian Rhapsody: The Story of the Lunachicks.
C’était ma prochaine question…
Aïe ! J’aurais du attendre ! [rires] Comme je te l’ai dit, tout le monde a participé à la rédaction du livre. À ce titre, certains passages sont similaires à des interviews dans lesquelles chacune d’entre nous intervenons pour y mettre notre grain de sel, tandis que d’autres passages sont écrits à la première personne en fonction de qui s’exprime.
Est-ce que le livre sera traduit en plusieurs langues et aura vocation à sortir un peu partout dans le monde ?
Je ne sais pas encore. Je n’en suis pas vraiment sûre, mais en tout cas je l’espère !
Après toutes ces années à fouler les planches et à t’investir dans la scène punk rock au travers de The Lunachicks et d’autres projets, comment vois-tu le féminisme d’aujourd’hui ? Selon toi, est ce que le mouvement #metoo a fait avancer un peu des choses ?
Je pense que le mouvement #metoo a apporté pas mal de choses qui étaient attendues par pas mal de femmes dans le milieu du punk rock, donc je pense que ça a effectivement eu un effet positif. Ça va être intéressant pour nous, au fil de nos concerts, de voir concrètement si les choses ont évolué ou non depuis la dernière fois que nous avons joué devant un public, au tout début des années 2000.
Cependant, je pense que de nombreuses personnes ont évolué dans leur mentalité depuis quelques années et sont maintenant capables de voir que le sexisme a toujours été omniprésent dans la culture et dans la société en général. Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir, mais petit à petit les choses bougent dans le bon sens.
En France, on a vu récemment apparaître le mouvement #musictoo qui pointe les mauvais agissements dans la sphère de la musique qui se prétend souvent safe. En tant que musiciennes, avez-vous déjà eu affaire à des comportement inappropriés ?
Encore une fois, ça fait vingt ans que nous n’avons pas été confrontées à un public avec The Lunachicks mais je suis curieuse de voir comment les choses vont se passer dans ce monde actuel. Je me prends à rêver que nous n’entendrons plus des "montrez vos seins" ou des "à poil" comme dans le passé. En effet, ça fait maintenant de très nombreuses années qu’il y a des groupes 100% féminins et ce n’est plus tellement une nouveauté pour le public. C’est pourquoi je pense que les choses ont évolué au niveau du public qui est un peu moins bas du front qu’avant...
Je n’ai pas entendu parler du mouvement #musictoo, mais je suis heureuse de savoir qu’il existe et qu’il peut avoir vocation à faire changer les mentalités. Selon moi, nous sommes dans une ère de reconnaissance sociale et je pense que les jeunes générations de femmes doivent aller de l’avant pour briser toutes les barrières afin d’en terminer avec les idées passéistes.
La pandémie a touché de plein fouet l’industrie musicale mondiale. Certains groupes ont decidé de jouer en streaming live pour les fans… mais sans fan en face d’eux. Est-ce que c’est quelque chose sur The Lunachicks pourraient faire ?
Comme nous n’avons pas été actives depuis longtemps, on a pensé que ce serait plus opportun pour nous d’attendre de pouvoir jouer en live plutôt que de faire ça en streaming. Vu que ça fait environ vingt ans que n’avons pas joué ensemble, on pouvait très bien attendre un an de plus ! [rires]. Bien sûr, quand on a appris que le concert de notre reformation allait être annulé, ça nous a mis un coup et on a pensé très fort à toute l’équipe qui travaille avec nous ainsi qu’aux salles de concert et aux promoteurs qui dépendent financièrement des tournées des artistes et qui n’ont pas pu être payés à cause de la crise de la Covid.
Tu penses que l’industrie de la musique (concerts, albums marketing, …) doit être repensée, au final ?
Eh bien, j’ai trouvé ça cool de voir que de nombreux acteurs de l’industrie musicales se sont montré innovants et pleins de ressources pour mettre sur pied des concerts en streaming et ce, même si c’est incomparable à un vrai live devant un public chauffé à blanc. Il est possible que le virus revienne d’ici peu et il faut que tout ce que l’on a traversé nous serve de leçon pour l’avenir. En effet, c’est dans des situations extrêmes comme celle-là qu’on s’aperçoit qu’aller voir un concert, jouer en live ou bien être avec des amis est quelque chose de précieux qui peut vite disparaître. Il ne faut rien prendre pour acquis...
Selon toi, quelle est la différence entre le Lunachicks de la belle époque et le groupe d’aujourd’hui plus posé ?
Hmm, je ne suis pas sûr de savoir décrire ce qu’est le "nouveau Lunachicks"... je peux seulement te dire que nous sommes toujours nous-mêmes... mais en plus âgées ! (rires). Quand nous nous sommes retrouvées pour répéter toutes ensemble après vingt ans de séparation, c’était comme si nous ne nous étions pas revues depuis la veille. Tout s’est passé de manière naturelle, comme avant. Nous sommes toujours adeptes des blagues foireuses et toujours aussi bruyantes !
Après toutes ces années passées à arpenter les scènes du monde, est-ce que vous avez toujours la niaque ? Vous adorez toujours autant jouer en live ? Plus que composer ?
Nous avons toutes pris des chemins différents au travers toutes ces années passées et certaines d’entre nous ont continué dans la musique tandis que d’autres se sont dirigées vers de nouveaux horizons professionnels. En ce qui me concerne, je n’ai jamais arrêté la musique et je me suis investie dans de nombreux projets musicaux. Tiens d’ailleurs, j’en profite pour annoncer que mon nouvel EP vient tout juste de sortir et qu’il est disponible ici (oui, c’est un peu de pub sans honte - rires).
Moi, j’adore jouer en live mais j’aime aussi enregistrer et composer plus que tout. Je trouve dans chacun de ces processus créatifs une véritable plénitude. En tant qu’artiste, je ne pense pas qu’il y ait de choix à faire entre créer ou interpréter, il faut se donner à fond pour s’exprimer. C’est pour ça que j’ai toujours le feu sacré, la niaque, comme tu dis. Ça ne partira jamais car c’est une partie de moi.
Un dernier mot pour les lecteurs de La Grosse Radio ?
Nous espérons vraiment avoir l’opportunité de revenir en France un de ces jours pour y jouer. Nous avons d’excellents souvenirs de nos concerts dans les salles françaises. On aime votre état d’esprit et cette énergie dans le pit. On espère vous revoir bientôt et un grand merci pour cette interview. À la prochaine !
Un grand merci à Gina et Michael pour avoir rendu cette interview possible