Le premier album des Parpaing Papier, Croire au printemps (qui sort trois jours avant l'été), sonne comme un origami en béton. Avec la légèreté d'une feuille volante sur laquelle seraient griffonnés des mots aigres-doux, les mélodies entrent dans le pavillon, et soudain percutent la cochlée. Sous une délicate fantaisie qui permet d'en contrer les traumatismes, l'album tourne autour d'un thème crucial : le déclin.
Le quatuor nantais, après le remarquable EP Tester des casques en 2019, a réussi le crash-test, et s'élance avec brio en suivant son style « dur comme un parpaing, fin comme du papier ». Des chansons en français à quatre voix et des cordes qui tabassent, des paroles brutes et poétiques, et une énergie roborative sont leurs caractéristiques.
Croire au printemps éclot sans plus d'introduction qu'un coup de sonnette. Avec «Entrée, plat, décès», le texte surréaliste servi par des chœurs et assaisonné de bons petits coups de guitare met d'emblée l'hôte au parfum. Ça va secouer, et faudra pas faire la fine bouche. De toute façon c'est trop tard, le poison s'est déjà insinué en nous : à la fin (de la vie), on meurt.
Les quatre voix se mêlent, scandent des paroles rocambolesques, et on les suit dans leur monde foutraque. Nous voilà partis « acheter un œil » (puisqu'on en a jeté un) et « tester des vestes » (parce qu'au moins, on choisit sa veste, alors qu'on ne choisit pas sa tête).
Toujours avec une douceur percutante comme un maillet sur un gong, les morceaux démarrent au quart de tour, nous emportent dans leur tumulte, tel « Tempête je t'aime », que l'on avait déjà pu écouter dans leur premier EP. À l'image de ce morceau phare, les mélodies puissantes transmettent la fureur des événements implacables. On ne peut pas lutter contre les éléments, autant les aimer.
De même qu'on n'a qu'à se résigner des décisions pour lesquelles on n'a pas eu son mot à dire (« tu ne m'as pas laissé le choix »). Finalement, est-on si maîtres de nos destins ? Autant se calmer les nerfs avec un peu de musique douce... « 2056 » fait vibrer le violoncelle pour nous transporter bien loin, quand il n'y aura plus rien, et montre toute l'étendue de la maîtrise des PP/PP, tandis que « Marilou » prend la forme d'une ballade rock avec un petit piano qui fera tomber les plus réticent·es de vos rencards. Mais pas la peine de s'accrocher, « Les enfants qui chantent » sont bien en colère et nous rappellent à fracas de batterie et notes aigrelettes de boîte à musique de berceuse, que l'humanité disparaîtra.
Bref, un printemps bien lourd, un humour grinçant, un bloc de béton dans les feuilles légères. Parpaing Papier, c'est la brutalité ciselée.
Croire au printemps, LP 12 titres, sort le 18 juin